Theo Lawrence and The Hearts : « On cherche une sorte de simplicité pour le prochain album »

Le soleil brille en ce samedi de fin du mois d’août. On est à Rock en Seine et Theo Lawrence and The Hearts vient de lancer la journée avec un joli concert aux accents du sud de l’Amérique. On retrouve Theo, la tête pensante du groupe pour parler influences, nouvel album, simplicité et limonade maison.

La Vague Parallèle : Salut Theo ! C’est la deuxième fois que vous jouez à Rock en seine avec Theo Lawrence and The Hearts. Il représente quoi pour toi ce festival ?

Theo Lawrence : C’est un peu le premier festival auquel je suis jamais allé déjà. Mes parents m’avaient acheté des places pour aller avec eux quand j’avais 11 ans et je me suis dit qu’il fallait pas décevoir le Theo de 11 ans. Donc c’est important, c’est aussi la plus grosse date de notre été et c’est la plus grosse scène sur laquelle on ait joué, ce qui était aussi impressionnant.

Et puis c’est un peu le seul festival depuis longtemps qui se concentre sur le rock’n’roll à Paris. Après y’en a peut être des nouveaux que je connais pas.

LVP : Ça fait 6 mois que vous tournez avec votre album, comment est-il accueilli à travers la France ?

T.L : Il est bien, je crois. Après j’ai cette politique de jamais lire les critiques de l’album. Donc je connais pas vraiment ce que les gens en pensent et ça m’arrange vachement car ça me permet de faire exclusivement ce qui me fait kiffer sans être perturbé par ce que les gens veulent de nous. Mais j’ai l’impression que ça se passe bien l’accueil, on fait des concerts cools.

Après c’est pas un truc qui m’intéresse particulièrement l’accueil. Mais je vais pas me mentir, je suis sensible aux critiques des gens et quand quelqu’un dit que c’est pourri, je vais me dire « Ah putain merde … » . Mon rêve ça serait de vraiment m’en foutre complètement et d’écrire la chanson que je veux. Je fais pas ça pour l’argent ou pour jouer devant beaucoup de monde, le but c’est pas que la musique soit écoutée par le plus de monde mais que ce soit la musique qu’on aime et d’arriver à faire de la musique qu’on aurait écouté si ce n’est pas nous qui la faisions. Et pour faire ça je pense qu’il faut pas trop lire les critiques.

LVP : Du coup tu te forces à pas trop lire les critiques ?

T.L : Même un compliment, si le mec te dit « c’est le meilleur album que j’ai jamais écouté »… Je pense que beaucoup de gens ont pété des câbles en lisant des bonnes critiques où tu te dis « putain je suis encensé, j’ai fait le meilleur album de ma vie et du coup le prochain album je vais rien branler et être pépère ». Du coup, je pense que les critiques qu’elles soient positives ou négatives ne peuvent que t’écarter de ce que tu veux faire et ne sont jamais utiles.

LVP : Sur le live tout à l’heure, j’ai eu l’impression que c’était plus brut que sur l’album. Comment tu fais évoluer la musique sur scène ? Tu y penses en composant ?

T.L : Le studio et le live c’est vraiment différent pour moi, je pense jamais à ce que ça va donner en live. Personnellement si je fais de la musique c’est principalement pour le studio et enregistrer. C’est ça qui me régit, c’est à ça que je pense le matin quand je me réveille : enregistrer et écrire le prochain album. La scène je l’envisage comme un truc où on joue les morceaux du disque, mais j’ai réalisé qu’en me contentant de ça, il se passait pas grand-chose sur scène et que donc désormais il fallait mettre autre chose qu’une copie de l’album sinon on se fait chier et on passe un mauvais concert.

Du coup on essaie de toujours bouleverser les chansons : rajouter une mesure à droite à gauche, rajouter du vide, insérer un solo de guitare où il n’y en a pas, changer le groove de batterie, la mélodie… On essaie de se galvaniser en changeant nos habitudes et c’est précisément comme ça qu’on est content du concert après. Si y’en a un qui fait un truc différent de d’habitude, ça agit comme une gâchette et ça nous allume tous.

LVP : Sortir de sa zone de confort en fait…

T.L : Voilà, sinon tu joues pépère ta chanson comme dans un DVD live de Placebo (rires).

LVP : Du coup tu parlais de composition tout à l’heure. Est ce que tu peux nous parler du prochain album ?

T.L : Il y aura une vraie évolution. Quand tu fais un album, tu regardes celui d’avant et tu te demandes où tu veux aller à partir de ça. Lorsque j’écoute le premier, ça me fait penser à plein de choses qu’on a pas faites et qu’il faudrait qu’on fasse.

LVP : Ça met en relief ce que tu as déjà enregistré.

T.L : Exactement. Le but sur le second c’est de vraiment simplifier ce qu’on a fait. Tous les artistes que j’aime, Chuck Berry ou Ray Charles par exemple, sont des artistes qui font des choses très simples et c’est ça qui me fait plaisir en tant qu’auditeur. On va essayer de réduire le nombre d’accords, le nombre d’informations pour vraiment se concentrer sur l’énergie qu’on met dans la musique, l’intention et la ferveur qu’on y placent. Je me dis que si on finit pas chaque chanson de l’enregistrement en sueur c’est qu’il y a un problème.

Je pense que la musique sera plus simple et cherchera moins à être originale. Dans le premier album j’ai réalisé qu’il y avait une multiplicité de styles et que c’est pas vraiment ce que j’ai envie de faire.
Il faut une base, une sorte de signature et je pense que ça sera ça le but, voir ça comme un album plus que comme une collection de chansons.

LVP : Justement, ta musique est très ancrée dans certains styles. Et je me demandais comment tu les digérais pour créer ta propre musique.

T.L : Justement, parfois je le gère et parfois je le gère pas. Et ça s’entend. Avec le temps je dis « là c’est mal géré ». C’est pas bon non plus quand tu essaies de vouloir tout ingurgiter dans un même morceau, et finalement ça rend ta musique moins personnelle.
Si tu dépenses de l’énergie dans un truc qui est primitif et essentiel… Faut pas faire de la musique « intelligente », moi ce que j’aime c’est de faire de la musique qui réfléchit pas. Parfois je réalise qu’on se prend trop la tête sur ce qu’on fait et j’enlève des trucs. Moi la musique que j’aime elle s’écoute avec deux neurones parce que t’as pas besoin de ton cerveau pour la musique, t’as juste besoin de ressentir la chose. Et ça tu peux le retrouver dans n’importe quel style, que ce soit les Ramones, Screamin’Jay Hawkins ou Chopin ..

La musique elle te quitte avant que toi tu l’aies quittée, t’en as encore envie et c’est déjà fini, ça dure 2 minutes 30 et tout ce qu’il te reste à faire c’est remettre la chanson. Et c’est ça qu’on veut.

LVP : Du coup, si tu avais des disques de références ?

T.L : Je dirais… Never Love The Man de Aretha Franklin. Mendocino de Sir Douglas Quintet, j’adore. Raw Power de The Stooges… Je penserais à d’autres trucs mais j’oublie à chaque fois (rires)

LVP : Vous chantez en anglais, et vous avez un son qui sonne profondément américain, est-ce que vous avez parfois l’impression d’être à la marge ?

T.L : Bah oui complètement à la marge de ce qui se fait actuellement, j’ai l’impression. On est un groupe local sur scène mais on n’est pas entouré par une communauté de gens qui font la même chose que nous.

Je partage pas ma passion du songwritting et de l’enregistrement et de la production du disque et de la soul, country et du gospel… C’est pas un truc qui court les rues, en fait les gens avec qui je partage ça ils font partie de mon groupe et c’est d’ailleurs pour ça qu’on a fait un groupe ensemble.

LVP : Finalement votre musique est assez internationale, c’est un truc que vous visez ?

T.L : Carrément. Au final, on est né est en France donc par défaut on vit ici, mais mon but c’est pas de tourner en France toute ma vie. J’ai envie, évidemment, de confronter la musique que je fais avec d’autres gens. Rien que parce que j’écris en anglais et en France les gens comprennent pas forcément les paroles et écoutent avec d’autres oreilles, c’est un autre ressenti.

Mais j’ai envie de jouer devant des gens qui en comprennent l’intégralité et du coup jouer aux États-Unis m’intéresserait car ils ont pas été bercés aux mêmes sons, ils ont d’autres critères de référence, une autre façon de penser.

LVP : On a encore le temps pour une question, je vais donc te poser ma question débile : c’est quoi ta recette de limonade maison ?

T.L : C’est assez classique mais j’aime bien mettre l’écorce de citron. Je les presse, je fais bouillir de l’eau. Et une fois que c’est bouilli avec du sucre, tu mets les écorces de citron que tu as déjà pressé dedans et le fait d’avoir fait mariner les écorces de citron comme ça, ça donne vraiment un truc… C’est intense, c’est moins pour les enfants.

Photo : Zélie Durand