2020 année étrange, 2020 année bousillée, mais 2020 année musicale malgré tout. Alors comme tout bon média musical qui se respecte, on a décidé de partager avec vous les albums qui ont fait battre nos coeurs en 2020. Pour ce quatrième rendez vous, Chana et Anthony nous parlent des albums de Marilyn Manson, The Avalanches et Everything Everything.
Le choix de Chana #1 : Marilyn Manson – We Are Chaos
Comme de nombreux jeunes adolescents de l’époque, il y a bien une personnalité qui nous a profondément marqué. Ne trouvant pas ma place dans un univers musicale pop et girly, calibré pour être efficace mais sans profondeur, Marilyn Manson apparut tel un Messie antéchristien.
Son esthétisme ultra provocante faisait passer nos lubies adolescentes pour du normcore rassurant, et ouvrit un champs de possibilités qui donnait parfois le vertige. Derrière cet archétype se cachait un homme à la sensibilité exacerbée et une vision du monde qui chamboula à de nombreuses reprises la mienne. J’ai longtemps suivi son parcours, souvent déçue ces dernières années par sa carrière artistique où ses comportements dans sa vie privée. Sa noirceur qui lui donnait tant de profondeur l’entrainait dans un puit sans fin, dont il ne semblait pas réussir à s’extraire. L’excitation de ce dernier album fut pourtant immense, puisque précédée par une reprises des Doors qui n’annonçait qu’un retour prophétique de l’artiste.
Sa rencontre avec Shooter Jennings, son nouveau producteur, est de toute évidence salvatrice. We Are Chaos est tout autant une évolution mature qu’un retour plein de recul sur lui-même et sa carrière. Le style a évolué, plus mélodique par moment, parfois même plus pop ou blues, tout en ne perdant rien à sa voix ténébreuse. La production est profondément efficace, les ajouts de piano ajoutent bien volontiers un peu de drama, et l’ambiance se réinvente au fur et à mesure sans jamais se perde. A de nombreuses reprises, l’album touche droit au cœur.
Marilyn Manson n’a jamais semblé aussi humain et proche de nous. Souvent mis sur un piédestal, il apparaît maintenant tel un christ cloué sur la croix, conscient de ses faiblesses, ses pêchés et de sa propre mortalité. Sa responsabilité envers son public, son influence, représentée en l’épine qu’il souhaite nous arracher dans Broken Needles, on se refuse de la perdre. L’empreinte est trop forte, trop chérie par son public.
Grâce à lui, des mots ont été posés sur des blessures, des réflexions ont été provoqués et beaucoup ont réussis à expier leurs traumatismes tout en comprenant qu’ils n’étaient pas le véritable problème de cette société. Certaines violences étaient peut-être moins visibles mais bien plus vicieuses. Ensemble, We Are Chaos.
Le choix de Anthony : The Avalanches – We Will Always Love You
Il s’agit de la petite sucrerie qui est sortie de derrière les fagots, aux derniers instants d’une année 2020 inoubliable mais sombre. Le groupe de musique électronique The Avalanches a sorti le 11 décembre dernier leur troisième album en 20 ans. Si le second était clairement solaire, ce troisième est totalement plus nocturne et lancinant avec comme fond de toile l’univers, la vie et la mort.
C’est pourquoi les leitmotivs à la réalisation de We Will Always Love You sont de facto le rêve, l’évasion et la douceur. Tout auditeur retrouvera forcément un genre dans lequel il se plait puisque les australiens utilisent sans retenue la technique du sampling pour créer leurs pistes. De ce fait, le mélange est leur spécialité : rock, trip-hop, jazz, soul, hip-hop, latino, afro, etc. tout y est mais à dose parfaitement calculé. Si We Will Always Love You ne réinvente pas leur style, il marque définitivement le succès absolu de leur génie. Et c’est mérité. Contrairement à d’autres artistes contemporains qui s’affranchissent de sample pour obtenir des sonorités faciles, eux assument leur choix tout en réussissant à colorer la mélodie d’origine et à l’agrémenter de patchworks musicaux divers. La nostalgie et la nouveauté ne font alors plus qu’un. Il suffit d’entendre la voix de Leon Bridges sur Interstellar Lovepour en être convaincu : Eye In The Sky de The Alan Parsons Project est réinventé.
De plus, le groupe a réussi à réunir une palette d’artistes de renom (Blood Orange, MGMT, Johnny Marr, Jamie xx, Tricky, …) et à garder sa propre entité musicale quand Gorillaz se perd dans une parodie d’albums des Enfoirés. Tous s’envolent dans le spectre instauré par The Avalanches comme Karen O qui réalise une courte et mélancolique apparition sur une des nombreux interludes.
A la suite de ces vingt-cinq titres d’une longueur de soixante-et-onze minutes, l’introspection sur soi-même est très forte. Se plonger la nuit à l’écoute de cet album fait un immense bien tant il est rempli de légèreté qu’il nous fait gagner en réconfort. L’envie de danser prend le pas sur les méandres de la vie pour nous emporter vers de nouvelles galaxies musicales. Merci The Avalanches !
Le choix de Chana #2 : Everything Everything – RE-ANIMATOR
D’Everyting Everything je n’attendais pas grand-chose. En grande partie par méconnaissance du groupe, mais aussi à cause de leurs titres phares qui ne m’avaient pas tellement donné envie de poursuivre.
Il suffit parfois d’un ami et d’une suggestion pour nous faire changer d’avis sur le quatuor de Manchester. On apprécie toujours autant de se tromper et d’être surpris.
RE-ANIMATOR est d’une élégance folle, un mélange des genres sans jamais partir dans la caricature de ces derniers, et sans ce trop plein d’émotions qui pourrait virer au navrant. Pourtant, l’album dégage une véritable sensibilité, qui me rappel par moment du Radiohead par ses envolées vocales et ses mélodies nostalgiques, comme par exemple dans It Was A Monstering, ou The Killers dans l’efficacité pop de certains titres. L’album est mené d’une main de maitre, un voyage parfois céleste, parfois dansant où s’enchaine mélodies électroniques et sonorités spatiales.
Il s’apprécie dans son intégralité, enchainant les morceaux pour voyager encore plus loin, même s’il est vrai que certains sortent du lot et s’envolent un peu plus haut. Peut-être est-ce mon coup de cœur car cette découverte est ce dont j’avais besoin pour m’évader, mais de façon objective le tour de force est magistrale et d’une rare poésie.