Si 2021 aura été une année presque aussi étrange que la précédente, elle aura vu malgré tout le retour à une certaine normalité. Surtout, elle aura été une année musicale très riche et foisonnante. La rédaction de La Face B a donc sélectionné ses albums favoris de l’année et on commence aujourd’hui avec Alice Phoebe Lou, Raphaël, Malik Djoudi et Laura Cahen.
Alice Phoebe Lou – Glow (Lena)
A la suite d’une intense période de tournée stoppée brutalement en 2020 pour les raisons que l’on connait, l’auteure-compositrice d’origine sud africaine Alice Phoebe Lou a profité de ce temps seule en confinement pour prendre du recul et composer.
En est ressorti Glow, un recueil de douze chansons enregistrées en analogue, dans lequel Lou parle principalement d’amour – une thématique que l’artiste se refusait jusqu’à présent d’aborder. Nous plongeant dès les premières notes de l’album dans une atmosphère de rêverie mélancolique aux sons d’instruments soigneusement choisis tels qu’une harpe électronique vintage, Alice Phoebe Lou exprime avec finesse et poésie toute la complexité des sentiments amoureux.
“Cet album est un exutoire. Un lieu dans lequel je me suis défoulée. J’y ai déversé mes émotions, expériences et réalisations les plus personnelles et je me tiens devant vous complètement nue, vous encourageant à aller dans ce lieu à l’intérieur de vous.”, écrit l’artiste sur son site internet. Un album qui gagne à être écouté sur votre platine, tard le soir.
A la suite de Glow, Alice Phoebe Lou a sorti son quatrième album Child’s Play en fin d’année dernière. Retrouvez notre chronique ici.
Raphaël – Haute Fidélité (Margaux)
Difficile de choisir le meilleur album de 2021. J’aurais pu vous partager celui d’une chanteuse qui doit rafler toutes mes écoutes sur ma rétrospective Spotify. Pas particulièrement innovant mais il a fait la bande son de mon été. Ou alors l’album de mon groupe préféré qui est encore une fois très bon mais je perds toute objectivité vu que c’est déjà mon groupe préféré.
En y réfléchissant bien, j’ai choisi de partager celui qui m’a le plus surpris, celui sur lequel je n’aurais jamais pensé écrire ni même eu l’idée de l’écouter si je ne l’avais pas découvert brièvement sur scène aux Francofolies. Cet album c’est Haute Fidélité du chanteur Raphaël.
Avec Raphaël j’en étais restée à la Caravane datant de… 2005 ! Forcément la première écoute de son neuvième album fût surprenante. Haute Fidélité coche à peu près tout ce que j’aime dans la musique : des boucles enivrantes, des sons bidouillés ou très structurés et la poésie des choses de la vie dans les paroles. Le chanteur dévoile des textes précieux, accompagnés parfois d’une musique brutale et entêtante comme Tout le monde te connait ou Maquillage Bleu. On frôle même le rythme militaire avec Personne n’a rien vu qui laisse vaguer à l’imagination de chacun.
Mais ce qui m’a interpellé directement dans cet album, c’est la lumière du chanteur Christophe qui plane sur ces treize titres. Toutes les petites mélodies cassées, tous ces mots alignés qu’on n’aurait jamais accordé ensemble (et puis finalement c’est beau) conter par la voix grave et heurtée de Raphaël viennent directement faire écho au chanteur disparu. Peut-être un autre point commun entre les deux hommes, Raphaël a fait appel à des artistes de la nouvelle génération pour l’accompagner sur certains titres comme Si tu pars ne dis rien avec Clara Luciani ou encore Le train du soir avec la chanteuse Pomme.
Haute Fidélité m’a touché alors que je ne m’y attendais pas par sa justesse et sa beauté. Les belles surprises sont toujours marquantes et c’est ce que je retiens en 2021.
Malik Djoudi – Troie (Damien)
Parmi les albums que l’on attendait avec une impatience certaine cette année figurait celui de Malik Djoudi. Concevoir un troisième album est souvent complexe car il faut en même temps savoir rester sur la ligne directrice des albums précédents tout en donnant une nouvelle impulsion à ses créations. Dans Troie, nous retrouvons cette sensibilité qui nous a ému dans Un et Tempérament, ses deux premiers items, enrobée par sa voix, ses voix si singulière(s) presqu’androgyne se jouant des registres sonores.
La musique de Malik Djoudi opère comme le cheval de Troie auquel fait référence le titre de son album. Et si contrairement à l’épisode de la mythologie grecque, le stratagème mis en œuvre n’a rien de belliqueux, il permet au mystère de s’immiscer. Le cheval de Troie conçu par Malik Djoudi, dissimule dans ses flancs ses sentiments, ses émotions et ses états d’âme. Une manière de nous les présenter d’une manière introspective avec modestie et pudeur. Les chansons de Malik Djoudi nous apparaissent comme des tableaux pointillistes, organisés autour de juxtapositions de touches de couleur et de lumière qui prennent sens sur la gamme de nos émotions, établissant une correspondance intime. Dans ce troisième album sa palette a évolué abandonnant le nuancier des teintes crépusculaires – celles des bleus nuit et des gris anthracites – pour des teintes plus chaudes. Il y a dans ses mélodies la lumière des paysages méditerranéens bordés des teintes dorées et bleutées qui les enluminent.
Les synthétiseurs moins présents ont laissé la place à des lignes musicales aux spectres plus organiques. Les mélodies, toujours omniprésentes, nous touchent par leur simplicité et leur évidence. Celle de 2080 – ébauchée au mellotron – est sans doute la plus belle qui nous a été donnée d’entendre cette année.
Ses collaborations protéiformes avec Lala &ce (Point Sensible), Isabelle Adjani (Quelques Mots) ou encore Philippe Katerine (Eric) nous montrent l’étendu des horizons changeants vers lesquels Malik Djoudi est habile à nous faire voyager.
Troie est un album multiple à découvrir – si ce n’est déjà fait – et surtout à redécouvrir à chaque écoute. Et s’il fait partie de nos albums préférés de 2021, nous ne pourrons qu’en poursuivre l’écoute en 2022.
Laura Cahen – Une fille (Clémence)
Une fille, le dernier album de Laura Cahen, a définitivement été l’un des disques les plus marquants de la scène musicale francophone en 2021 et également l’un de nos préférés. Ces 12 titres intimes imaginés avec la complicité de Dan Levy dégagent une grande douceur mais aussi une grande force : Une fille est un disque sincère, complexe et bouleversant.
Avec beaucoup de poésie, Laura Cahen célèbre au fil des morceaux ce qui lui tient à cœur, ne fait aucun compromis et affirme son identité. À travers les chansons, on retrouve en effet une mise en valeur nécessaire de la féminité, des femmes et des femmes qui en aiment d’autres.
Toutes ces thématiques sont sublimées par de superbes arrangements electro-folk et les influences cinématographiques qui ont contribué à façonner l’album (La jetée, La leçon de piano…) apportent une vraie profondeur dans laquelle on plonge volontiers. Si Une fille nous a longuement accompagné en 2021, il n’y a aucun doute sur le fait qu’on continuera à la chérir dans les années à venir.