Peut-être plus que les autres années, 2022 aura été riche d’albums forts, et ce, dans tous les genres possibles et imaginables. La rédaction de La Face B a donc aiguisé ses plus belles plumes pour vous offrir ses albums coups de coeur du cru 2022. Sans plus attendre, la seconde partie de notre sélection.
Beabadoobee – Beatopia (Maureen)
Comme le titre du projet l’indique, Beabadoobee nous emmène avec son deuxième album en immersion dans son monde. Après son premier opus sorti deux ans auparavant, que la moindre des choses serait de qualifier d’éparpillé, l’artiste revient avec un album bien plus mature, sans perdre pour autant ce côté artisanal qui explique mon attachement à sa musique.
En se plongeant dans Beatopia, on tombe très vite dans l’univers imaginaire de la chanteuse, empli de rêves, tant au niveau des mélodies, qui semblent presque orchestrales comme dans le féerique Ripples, qu’au niveau des paroles, dignes des plus belles chansons d’amour de princesses Disney.
Elle reste toutefois fidèle à elle-même en gardant son côté rock, qui nous avait convaincus sur ses précédents projets, sur certains morceaux, dont le très bon 10:36.
Un projet dont je ne pourrais émettre pour seule critique la temporalité de la sortie : une sortie au beau milieu de l’été, alors qu’il aurait sûrement été plus judicieux de le garder pour l’automne afin d’exploiter au maximum son potentiel et de ne pas le voir rapidement oublié, comme ça a été le cas. Pour conclure, un (très) bon album empli de ballades romantiques, à écouter installé sous un plaid autour d’un bon chocolat chaud.
King Hannah – I’m not sorry I was just being me (Pierre Pouj)
J’ai beau l’avoir poncé et poncé depuis que j’ai mis le doigt dessus, I’m not Sorry I Was Just Being Me est mon chef d’œuvre de l’année, inlassablement. D’un autre monde, la chanteuse, de sa voix massive, suave, nous chante des histoires qu’on écoute médusé.e, le tout orchestré par son compère guitariste. Très rock, très noir, très profond, avec un jeu de textures excellent, ce disque est impressionnant.
A la fois gigantesque et minimaliste, à la fois touchant et pourtant froid, distant, on peine à le caser. En différentes parties qu’on parcourt au travers de transitions contemplatives, on se retrouve un temps bercé.e par son côté trip-hop type Portishead, avant de s’envoler, porté.e par des ensembles de guitares et synthés majestueux. J’ai déjà chroniqué l’album pour La Face B, c’est d’ailleurs ce papier qui m’a fait rentrer dans l’équipe, c’est dire si cet album est important pour moi.
Je n’ai pas eu la chance de les voir jouer ça en live, mais un jour viendra, et j’ai hâte de voir ce que ça donne sur une scène.
Marcia Higelin – Prince de Plomb (Louise)
Cette année 2022, les femmes ont pris l’assaut de la scène française et internationale et j’espère que cette énergie féminine fracassante va continuer de régner en 2023 ! J’ai beaucoup hésité entre deux albums très différents, mais reliés par une pulsation jazz, le texte et l’intensité de leur interprétation. Comme j’avais déjà encensé By Your Side de Jeanne Added, je préfère vous parler d’une artiste qui se lance, qui se jette sur la scène avec une envie de tigresse, Marcia Higelin. Sorti en mai dernier, Prince de Plomb défend le territoire d’une femme heurtée, mais dont la rage dissidente fait carburer le coeur avec une énergie sans pareille, comme une ode à la force féminine inépuisable et ses résistances, qui n’ont rien d’impudique.
L’EP s’ouvre sur Lamentations Spectracles, avec une horde de violons, sorte de charmeuse de serpent qui fédère une troupe pour nous emmener vers ce monde intense : Mauvais Sort, Mélopée d’infortune, Prince de Saba. Reflet d’une pulsion de vie, universelle de par la précision des mots utilisés pour décrire ces sentiments infatigables qui forgent le chagrin, mais aussi la détermination, l’album se mue en hymne de guerrière. Cette voix de louve complètement protéiforme envoûte dès les premières secondes, portée par des chœurs intrépides. Longue
vie Marcia.
Jazzy Bazz – Memoria (Enzo)
Memoria est l’album qui a lancé les festivités du rap pour 2022. Sorti le 21 janvier, beaucoup disait que Jazzy Bazz avait déjà sorti l’album de l’année. Presque un an après la sortie, pas une semaine ne passe sans qu’un titre de ce projet passe dans ma playlist. C’est pourquoi je le place comme l’un des albums de l’année. Connaissant Jazzy Bazz depuis quelques années, j’étais hyper heureux de le voir revenir en solo dans un projet conséquent. Comme expliqué dans la chronique de notre Pierre Simon national (s/o pour son article), ce n’est pas que Private Club et que sa série des Memento étaient mauvais, loin de là ! Mais après nous avoir laissé avec Nuit (album contenant le titre Parfum, l’un des plus beaux du rap FR selon moi), je voulais juste le retrouver sur un nouveau projet.
L’attente a été un peu longue de mon côté, mais quelle claque. Jazzy Bazz parvient à innover et évoluer tout en gardant son identité artistique, qui lui va si bien. Il reste cet artiste mélancolique, qui aime faire voyager ses fans dans des univers bien distincts. Une ambiance maintenue tout au long du projet, notamment grâce au travail démentiel sur les prods. Un immense bravo à son équipe : Johnny Ola, Monomite, Loubensky, Osha ou encore Pibe. Ils parviennent à garder la même énergie sur tout l’album, tout en réalisant des morceaux aux mélodies hyper diversifiées, flirtant toujours avec ce petit côté blues/jazz qui est ce que je préfère.
J’aime également le fait qu’il y a pas mal de feats sur ce projet. Évidemment, on garde la famille de l’Entourage avec Nekfeu et Alpha Wann, dont la qualité des différentes collabs n’est plus à prouver. Mais il m’a surtout surpris avec le feat avec Laylow. Ce n’est pas du tout un artiste avec lequel je voyais le Parisien collaborer. Mais de cette surprenante collaboration va découler le meilleur morceau du projet, avec une magnifique instru surplombée de saxophone, jouée par le père du rappeur lui-même !
En bref, je pense que c’est l’un des projets qui complète tout ce que j’aime dans le rap. Une voix bien atypique, des feats de qualité, des instrus hypers variées et ce côté chill/ jazzy qui me rend totalement fou. Parfois, pas besoin de beaucoup argumenter, Jazzy Bazz coche juste toutes les cases d’un album presque parfait.
Odezenne – 1200 mètres en tout (Charles)
Lorsqu’on pense aux albums de l’année, notre mémoire est parfois sélective, nous offrant souvent les coups de cœur récents, ceux qui datent des mois les plus présents dans notre esprit.
Une erreur souvent impardonnable, surtout lorsqu’on réalise qu’un des meilleurs opus de 2022 est paru à peine l’année entamée de sept petits jours.
Car oui, en ce 7 janvier, Odezenne nous offrait son dernier opus, 1200 mètres en tout, un album hanté autant par la mort que par la vie, un album qui permettait à la poésie du trio de se cristalliser d’une nouvelle manière, plus sincère, plus évidente, plus vraie.
Car c’est dans l’adversité que cet album trouve sa source, celle de l’inéluctabilité de l’existence, de ses injustices comme de ses espoirs fous.
1200 mètres en tout est à l’image de sa pochette, une prise de hauteur, une vision du monde chargé de fantômes, de rencontres, d’arrivées et de départ.
Le temps qui passe est une ligne thématique qui semble traverser tout l’album, que ce soit les moments où il va trop vite (Pablo, Regarde si c’est loin, Vu d’ici) , ou ceux où il se retrouve stoppé étrangement (la merveilleuse Hardcore)
Entre douceur et désespérance, 1200 mètres en tout est un grand album sur la vie, un album plein de recul et de tendresse, qui nous aura fait autant danser que pleurer. Un album pour noyer sa tristesse dans un verre de vodka et se dire que même si le coeur est brisé, il finira un jour ou l’autre par se réparer.
Harry Styles – Harry’s House (Manu)
Si l’on devait qualifier un artiste contemporain comme étant le nouveau roi de la Pop, beaucoup citeraient sans doute Harry Styles. Suite à deux premiers albums solos couronnés de succès, le britannique a en 2022 rendu public son troisième exercice créatif : Harry’s House.
Majoritairement inspiré par les pensées et réflexions amenées par les différents confinements causés par la crise sanitaire, le disque se veut comme étant personnel. Sous des airs de traits fictionnels, l’ancien membre des One Direction explore ici son fort intérieur pour le décortiquer. On note notamment l’investigation de sa vision des relations amoureuses, ou encore son rapport à ses propres sentiments.
On observe un changement prenant place à peu près à la moitié de l’album, passant d’une Pop Rétro très inspirée à une Folk moderne plus chaude et intime. Ce second plan sonore s’était déjà entendu sur le premier disque éponyme de l’anglais. On retrouve alors des morceaux Pop très entraînants, comme le viral As It Was ou encore Late Night Talking. Mais on remarque également des ballades plus douces, comme Matilda, ou la très belle piste de clôture, Love Of My Life.
En somme, Harry Styles nous montre une fois de plus avec Harry’s House qu’il n’est tout simplement pas capable de se tromper de voie. En signant une nouvelle fois un projet très réussi, le britannique conforte son statut de nouvelle tête d’affiche et assoit son influence et son style.