2023 – Les coups de cœur de La Face B – Acte VII

2023 aura été riche d’albums forts et ce, dans tous les genres possibles et imaginables. La rédaction de La Face B a donc aiguisé ses plus belles plumes pour vous offrir ses albums coups de cœur du cru 2023. Suite et fin avec cette septième partie.

Ulrika Spacek – Compact Trauma (Jules)

Quel choix cornélien, quelle hésitation profonde que devoir sélectionner, comparer, trier, douter puis finir par garder un seul album pour endosser le rôle de grand gagnant, de coup de coeur ultime de cette année 2023 extrêmement riche en sorties extraordinaires, en surprises et en qualité. Au niveau du rock, les récoltes ont été excellentes. Entre un Grian Chatten qui sort son premier album solo tout en introspection, les génies de Squid qui continuent de prouver leur virtuosité, l’étrange poète King Krule qui n’en finit pas d’expérimenter, et bien d’autres encore…

Ceux qui, assurément, ont su marquer un retour significatif après 5 ans d’absence (on n’y croyait plus), c’est bien les outsiders anglais du band Ulrika Spacek. Sorti en février 2023, leur troisième album Compact Trauma fait office d’étendard pour tous les fans de rock alternatif qui donne dans l’expérimentation et dans le différent.

Les 10 titres de ce nouvel opus sorti chez Tough Love, qui sonne autant pop qu’expérimental, sont lancés avec le premier morceau, The Sheer Drop, qui donne le ton pour tout le reste de l’aventure qu’est Compact Trauma. Représentatif d’un ensemble, comme un symptôme général d’une maladie agréable, les 6 minutes de cette première track nous envoient dans un cosmos dans lequel chaos et ordre se marient à la perfection. Tantôt binaire, mécanique et teinté d’une transe répétitive, tantôt bruitiste et oppressant d’une manière plus que magnifique, ce premier titre annonce largement les balancements de la musique savante que les cinq musiciens se sont amusés à condenser et à transcender dans ce nouvel objet musical.

Peut être difficile d’accès pour certains, redondant et plat pour d’autres, Compact Trauma est un album qui se savoure au fur et à mesure de plusieurs écoutes, il prend tout son sens subtilement et discrètement, en le laissant tourner dans le casque ou en fond chez soi en faisant autre chose, et puis d’un coup, bam!, c’est la claque. Toute la sensibilité, l’émotivité, la puissance simple et la fragile complexité du projet finissent par se dévoiler d’un coup, radicalement.

On peut souligner succinctement l’envolée ambient de Through France With Snow, la violente et mystique mélancolie de If The Wheels Are Coming Off, The Wheels Are Coming Off, et bien sûr les 10 minutes interminables et composites de Stuck At The Door. Pas mécontent que Rhys Edwards et ses acolytes se soient reformer pour sortir ce bijou qui mêle rock indie, psyché, math-rock et rock alternatif avec agilité et profondeur, toujours avec ce côté déconcertant et « hors-piste » qui leur colle bien à la peau. On leur donne rendez-vous en 2028 pour mettre un fois de plus leur prochain album en coup de coeur.

Rozi Plain – Prize (Héloise)

Un des albums que j’ai le plus écouté cette année est le magnifique Prize de Rozi Plain. Un album calme et contemplatif aux ondes méditatives et relaxantes. Un album serein, posé, qui parle de tout et de rien. Des mélodies répétitives et entêtantes douces et légères, des paroles qui résistent toutes simples interprétations, une instrumentation élaborée parfaitement orchestrée. La musicienne basée à Londres a appelé de nombreux musiciens et ami.es à jouer sur l’album (Alabaster DePlumeSerafina SteerJames Howard…). Chaque écoute révèle de nouveaux détails.

Voir Rozi Plain en live révèle de la magie, tant les (nombreux) musiciens s’accordent et se répondent de façon instinctive, résultat de tournées intensives tout au long de l’année, de petites salles (on l’a vu à Londres à Studio 9294 et au Moth Club) à des stades O2 (elle a fait la première partie de Paramore pour ses dates U.K.). Le son est organique et apaisant et cela a été un de mes albums fétiches cette année. Morceaux les plus joués : Help et Painted the Room.

Water From Your Eyes – Everyone’s Crushed (Héloise)

Un autre album qui a tourné en boucle est Everyone’s Crushed de Water From Your Eyes. Un ovni catchy aux collages indie, expérimental et addictif. Everyone’s Crushed est concis, pertinent, ancré dans l’air du temps. Il capte à merveille le glitchy et le wtf de la génération rivée sur les écrans. Les deux musiciens de Brooklyn, Nate Amos et Rachel Brown ont tous les deux des projets personnels autobiographiques à côté (This Is Lorelai et thanks for coming) et Water From Your Eyes est leur terrain de jeux et d’expérimentation et les deux se sont surpassés avec cet opus. 

Meilleurs morceaux : Barley et True Life

comment debord – monde autour (Pauline)

C’est toujours compliqué de répondre à une question à choix unique. Quel a été mon album préféré de l’année ? Il y en a un tas. Je pourrais vous reparler du premier album de Clara Ysé, de celui de Coline Rio ou de Martin Luminet, le nouvel EP d’Etienne Dufresne, l’album live de Michel Rivard… Mais je le sais, dans la vie il faut faire des choix même s’ils ne sont pas évidents. J’ai donc fait appel à ma mémoire pour trouver un album qui m’a parlé à moi, mais aussi à d’autres, et bingo, j’ai trouvé : monde autour de comment debord.

Quand je suis arrivée au Québec cet été, blood pareil passait absolument partout. Dans les bars, aux fenêtres, dans les autos, au théâtre de la Vieille Forge à Petite-Vallée, et surtout dans les salons et cuisines des parents d’ami·e·s qui la passaient en boucle, tous les jours. Une espèce de « tube de l’été » 100% québécois.

À mon sens, cet album est une des plus belles démonstrations de ce que signifie « faire de la musique » au Québec. On retrouve la patte d’écriture de Rémi Gauvin dans chacune des chansons, et pourtant, même si comment debord à bien son son à lui, aucune ne se ressemble. On passe du folk au rock, à des sonorités disco, bluegrass ou jazz, et chaque note, chaque instrument, chaque voix à une importance.

Certes, je voue un culte au Québec, à la chanson québécoise, et je dois dire « Québec » environ 27 fois par jour. Mais si vous n’avez pas encore fait voyager vos oreilles de l’autre bord de l’Atlantique, je vous conseillerais de commencer par écouter cet album, avec du monde autour, ou pas.