2024- Les coups de coeur de La Face B – Acte V

Le rendez vous devient un classique; comme chaque année la rédaction de La Face B a aiguisé ses plus belles plumes pour vous offrir ses albums coups de coeur du cru 2024. Tout de suite, la quatrième partie de nos coups de cœur annuels.

GWENDOLINE – C’est à moi ça (Ben)

Voilà nos deux joyeux drilles bretons rendu cette année au difficile exercice du second album, d’autant plus compliqué quand le premier a connu un succès plutôt inattendu… En effet, rien ne destinait nos 2 procrastinateurs à devenir des phénomènes de société et il aura fallu une réédition de ce Après c’est gobelet pour qu’ils rencontrent enfin leur public.

Mais ce n’était que juste récompense tellement leurs paroles sonnent comme des hymnes de toute une jeunesse désenchantée, tout juste sortie d’une période Covid qui leur a compliqué la vie sociale et leur à fait perdre tous leurs repaires. “rendez-vous au PMU à 8 heures du matin, partir en retraite en mobylette avec tous les copains ”, scandent-ils haut et fort sur Chevalier Ricard, à l’unisson avec un public de plus en plus nombreux depuis qu’ils se produisent tous les week-ends dans toutes les salles de concert et les festivals de l’hexagone.

La suite, ce sera donc C’est à moi ça, et toujours en collaboration avec le label indépendant Born Bad, par fidélité, et parce qu’ils partagent les mêmes valeurs où l’on privilégie ici l’humain avant le marketing. Et si l’on retrouve là le chant bien rodé, tour à tour parlé puis chanté de nos deux protagonistes, Pierre Barrett et Mickaël Olivette, dans leur style cold-wave qui leur va comme un gant, leur évolution se situerait plutôt du côté de leurs textes beaucoup plus acerbes sur notre société contemporaine, n’hésitant pas à dénoncer les dérives économiques et sociales, là où leur premier opus se contentait plus d’être plaintif ou festif.

Preuve en est avec des titres comme Héros national, sur l’évolution toxique de la Way of life de tout un chacun dans notre société actuelle, ou encore Merci la ville, critique sur l’uniformisation de nos villes françaises laissant peu de place, par soucis de rentabilité, aux initiatives locales. Conspire voit encore plus large, avec une vision de notre monde actuel où les milliardaires tirent toutes les ficelles… “Santé mon Bernard, pour tous tes milliards, le bon politique, c’est celui qui fraude…

N’en doutez  pas, ces 2 là sont désormais bien installés dans le paysage musical français, et n’ont pas fini de nous surprendre pour le plus grand bonheur des aficionados d’une scène rock engagée des plus moribondes ces dernières années… “La France sera fière de moi, allez la France” !

Grive – Tales Of Uncertainty (Maryne)

Il est de ces albums dont on est jamais rassasié. Chaque effluve de son porte l’âme du duo aux sommets de l’adoration et en ferait presque des êtres mystiques et célestes. Une adulation sans concession pour cette formation composée d’Agnès Gayraud et de Paul Régimbeau qui nous a proposé, le 11 octobre dernier, Tales Of Uncertainty, une œuvre d’art audio qui a atteint un état de grâce.

Tout est réuni pour affirmer le caractère très spécial de cet album. Des envolées trip-hop en passant par une cold-wave flirtant avec le shoegaze, les deux artistes nous ont montré leurs talents d’alchimistes.

On n’était pas préparé à vivre ça. Transis de froid par le souffle de glace d’Agnès, on reste scotché à chaque note. Tout dans la composition et l’arrangement prend sa place. Tout est concis, tout est subtil, magnifique et bluffant. Les qualificatifs manquent. Une vraie claque vivifiante qui nous affame, de quoi se dépêcher d’aller s’enquérir d’un billet de concert.
Tales Of Uncertainty s’écoute encore et encore. Il est comme un labyrinthe sans fin dans lequel on se perd avec joie.

Opus idéal pour traverser l’hiver, s’évader, courber l’échine du temps. Ainsi, ces minutes et ces heures d’écoute ne se terminent jamais… Quel bonheur ! Même après 10 écoutes, le besoin viscéral de continuer persiste. Mais quel premier album ! À La Face B, on ne s’en remet pas.

Noor – Les histories tristes me collent au corps (Cynthia)

Alors oui, il ne s’agit pas vraiment d’un album, c’est un EP, mais j’étais obligée de le mettre dans ce top.
En effet, H24, le premier single à être sorti avant que l’EP ne soit dévoilé, est le titre que j’ai le plus écouté en 2024 (sachant qu’il est sorti le 26 septembre – c’est dire à quel point je l’ai écouté).
Si vous nous suivez sur La Face B, vous connaissez déjà Noor : pour notre interview réalisée au MaMa, ou pour son apparition dans les sorties clips de la semaine .

Cet EP est un doux mélange entre des bras réconfortants et le titillement d’une plaie au cœur encore mal refermée.
On se laisse emporter par la voix singulière de Noor, l’instru simpliste mais soignée, et des paroles remplies d’émotions qui ruissellent comme des larmes sur la joue.
Écouter cet EP c’est prendre le temps de soigner son cœur en mettant un peu de « pshit » sur un bobo, puis poser un pansement dessus. Ça peut piquer mais ça finit toujours par apaiser.

Justice – Hyperdrama (Léo)

Le duo a récemment joué les 17 et 18 décembre à Bercy, deux dates exceptionnelles qui nous ont offert un spectacle aussi grandiose que démesuré. Une ultime touche lumineuse, peut-être, pour conclure l’année en beauté et sceller l’empreinte laissée par Justice cette année.

Comme l’a si bien formulé le journaliste Mehdi Maïzi lors d’une interview du groupe, en citant le commentaire d’un fan : « La meilleure partie dans le fait d’être fan de Justice était d’attendre six ou sept ans entre chaque album. » Une phrase que l’on ne peut qu’approuver. Merci à Gaspard Augé et Xavier de Rosnay d’avoir, consciemment ou non, cultivé cette rareté qui rend leur musique si précieuse.

Hyperdrama est un voyage intense, oscillant entre une musique électronique puissante et vivante, et des instants suspendus de poésie empruntés à la disco. C’est un disque profondément dansant, mais chargé d’une émotion brute et palpable. Le groupe ne se contente jamais d’être là où on les attend, et pourtant, nous leur restons fidèles, prêts à les suivre où qu’ils aillent.

Cet album porte en lui une organicité vibrante : il est impossible de ne pas plonger dans l’univers qu’il déploie, fait de voyages et d’émotions brutes. Avec ces treize titres, 2024 restera marquée au fer rouge par leur retour triomphal. Rien que pour cela, cet album mérite une place parmi les œuvres incontournables de l’année.

Si vous n’avez pas encore été happés par l’essence d’Hyperdrama, 2025 ne sera pas trop tard. Pour nous, ce voyage continuera.

KENDRICK LAMAR – GNX (Manu)

2024 a sans franc doute été une année tout bonnement exceptionnelle pour Kendrick Lamar. Tout a commencé quand le rappeur de Compton posait un couplet assassin sur le morceau Like That, issu du premier album commun entre Metro Boomin et FutureWE DON’T TRUST YOU. « Motherfuck the big three, n*gga, it’s just big me ». Cette phrase va déclencher un beef tout bonnement extraordinaire entre le californien et l’un des deux artistes ciblés par cette dernière : Drake. S’en suivront des échanges par morceaux interposés qui donneront naissance au tube incontestable de l’été : Not Like Us.

Pour finir cette année chargée sur des chapeaux de roue, Kendrick Lamar a décidé de voir les choses en grand. Sans prévenir personne, ce dernier a rendu public GNX, son sixième album studio. Construit comme un pur et simple hommage à la West Coast, à son Rap et à toute sa culture. Douze titres qui vont constituer une entité artistique qui touche du doigt la perfection tant la maîtrise qu’elle affiche est impressionnante et désarmante. Les registres explorés sont nombreux et sont agencés de manière à créer une dynamique forte et entraînante qui rend l’écoute du projet accessible.

On peut noter des tentatives plus que réussies comme l’incorporation du R&B avec des morceaux comme Luther et Gloria, tous deux en collaboration avec SZA. Mais on retrouve également des titres qui montrent un Kendrick Lamar qui peut se permettre le droit de se vanter concernant sa technique et son savoir-faire. On peut notamment penser à Squabble UpPekaboo en collaboration avec AzChike ou encore à GNX avec Hissa J3YoungThreat et Peysoh. On retiendra également le déjà culte TV Offqui nous a offert le meme le plus mémorable de l’année. En somme, une nouvelle fois, celui qui se place directement comme l’héritier de 2Pac nous a montré à quel point ce dernier est au-dessus du lot, quelle que soit le registre qu’il décide de s’approprier.

Bada-Bada Portraits (Martin)

 

En commençant à y réfléchir en cette fin d’année, j’avais en tête de placer Linkin Park (From Zero) comme mon coup de cœur de l’année. Comme tout ado collégien à l’époque de Meteora, c’était mon groupe phare, le premier que j’ai considéré comme mon groupe préféré. Logiquement, leur retour (réussi) m’a profondément ému et marqué.

Mais les plans sont faits pour être bousculés, et à l’occasion des derniers mois de concerts, j’ai découvert le trio Bada-Bada et leur premier album Portraits, sorti en Janvier dernier. Je l’ai d’abord écouté en diagonale, ce qui m’a suffi à me convaincre de venir le découvrir en live grâce à la Cave Aux Poètes. Et alors : quelle claque. Depuis cette soirée, l’album me suit comme mon ombre, comme s’il avait envie de se laisser son empreinte sur chacune de mes pensées. Il y a quelque chose de brut, de radical et d’intemporel, une densité présente même dans les moments calmes comme peuvent l’être Maria-Joao ou Tallinn.

J’ai toujours autant de mal à mettre des mots sur ce que je ressens quand j’écoute des groupes instrumentaux, c’est pour ça que c’est plus facile pour moi de travailler à la première personne. C’est comme si j’avais à l’intérieur de moi un bouton spécial pour produire des émotions à fond la caisse, et que cet album l’avait trouvé et décidé d’appuyer dessus de toutes ses forces.

Cette musique est hybride et difficile à classer, pour peu qu’on ait envie de le faire. Si je devais forcément la ranger dans une case, ce serait sans doute dans « beau à pleurer » ou dans « trésors comme on en voit peu ».