La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer se yeux et ses oreilles. Sans attendre, voici la seconde partie de la 168ème sélection des clips de la semaine.
Pearl & The Oysters ❍ Read the Room feat. Lætitia Sadier
Pour le nouvel extrait de leur futur album Coast 2 Coast à paraître fin avril, Pearl & The Oysters a frappé fort en invitant Laetitia Sadier (chanteuse du légendaire groupe Stereolab, qu’ils adorent et que nous adorons également) à mêler sa voix à celle de Juliette dans un titre au son très psyché-glam-rock. Une guitare saturée à la T-REX assure la rythmique du morceau au milieu de claviers délicieusement baroques et fantasques. Etes-vous prêts pour un voyage spatio-temporel ?
En découvrant la vidéo d’animation qui accompagne Read the Room, on en prend non seulement plein les esgourdes et, également, plein les mirettes. Au milieu d’une explosion de couleurs, Mickey Miles, le réalisateur du clip, nous transporte dans un monde fantasmagorique, louvoyant entre parc d’attractions, casino et station spatiale vers un auditorium galactique pour un concert stellaire. On retrouve le graphisme des dessins animés des années 70 qui s’accorde à l’unisson avec l’univers de Pearl & The Oyster.
P&TO partira tout le mois de mai dans une tournée qui les mènera aux quatre coins des États-Unis et qui promet d’être étincelante. De notre côté de l’Atlantique, on avoue que l’on en est un peu jaloux tant on aimerait y être.
Anna Majidson – Mes Affaires
Nouveau titre après son excellent premier EP, La Rivière, Mes Affaires explore les sensations que l’on éprouve juste après une rupture. Les premières nuits passées seule où l’on ressent fortement l’absence de celui qui est parti, lorsque son souvenir encore bien présent imprègne nos sensations. « je reprends mes affaires, tu oublies la moitié, ça ne me surprend pas ». La nostalgie s’installe même si l’on sait que l’amour s’est tari et que la vie se poursuivra sans l’autre.
Égarée dans ses pensées, évoluant sans interférer dans un univers urbain, Anna Majidson partage son désarroi filmé par Darius Michaud, en contre-haut des voies de la Gare du Nord, symboles des lignes de fractures laissées par la séparation. Accompagnant la voix d’Anna Majidson qui s’alanguit petit à petit, les notes de musique restent comme en suspension, en attente peut-être, qu’une nouvelle mélodie s’égrène.
Franky Gogo – Ruins
Prêt à faire un voyage aux confins de l’imaginaire ? Ruins, mis en images par Lola Margrain nous envoie dans des univers oniriques où les impressions et sensations se percutent au rythme tonitruant de la partition de Franky Gogo. Bousculés par l’enchaînement des séquences provocantes, on ressent la violence, l’énergie et la colère se transformer, s’agglomérer en une résilience à l’apparence quasi mystique.
Allégorie, semble-t-il, de l’ensemble des personnages disparates qui nous composent et qui, réunis, font de nous l’être singulier que l’on est. L’introspection biologique et la déstructuration radiologique du corps participent d’un processus de renaissance ou l’âme a laissé des plumes dans le combat des anges.
Franky Gogo, que l’on a connu.e auparavant avec son projet Fiodor Dream Dog et ses parties de batterie endiablées accompagnant sur scène Bertrand Belin, nous propulse libéré.e avec tout son caractère et sa détermination dans son monde qui se joue, en brouillant nos pistes d’appréciation, de toutes les étiquettes. C’est éclectique, dérangeant, mais surtout visionnaire et brillant.
Jungle feat. Erik The Architect – Candle Flame
Cela faisait quelques mois qu’on n’avait pas eu de plan séquence de danseurs parmi les clips de la semaine. Vous l’avez compris, c’est l’heure du retour de Jungle ! Le duo Britannique, tout juste remis de la tournée qui accompagnait la sortie de Loving in Stereo, nous annonce cette semaine la sortie de son quatrième album déjà : Volcano. Programmé pour le mois d’Août, la promesse d’une ambiance encore plus chaude nous fera patienter jusque là, en compagnie des premiers clips de l’album.
Le premier justement, le voilà, avec Candle Flame. Avec quelques évolutions à l’image, notamment la lumière et la chorégraphie qui donne presque l’impression de voir des automates, c’est toujours de l’aussi haut niveau. Côté musique, pas de révolution, on retrouve le son dansant et jovial de la formation. Bref, vivement l’été qui s’annonce brûlant en compagnie de Jungle.
Nabiha Iqbal – Sunflower
Nabiha Iqbal sort cette semaine Sunflower un morceau hypnotique bercé par un soundscape électronique et des paroles à l’aura mystique et mystérieuse : “You left your soul on Earth/ You left without knowing its worth / I knew it was love / And I felt it was glory (…)”.
Les images du clip réalisé par Luh’ra se floutent, se multiplient et se superposent et nous transportent dans un champs de tournesols d’Afrique du Sud où la musicienne / écrivaine / animatrice de radio (NTS, BBC6…) basée à Londres a séjourné quelque temps. Une aura de bien-être émane de la musique et de l’approche de la musicienne dont on a hâte de découvrir plus.
Sunflower est le troisième extrait de DREAMER son deuxième album qui sortira sur Ninja Tune le 28 avril.
Hooverphonic – Don’t Think
Le trio belge Hooverphonic revient cette semaine avec un nouveau titre Don’t Think.
Écrite durant la pandémie, cette chanson cache une jolie histoire. Pour préparer le l’enregistrement, le producteur du groupe fait tester le micro à son père de 84 ans.
Il en ressort la première phrase du titre « There’s nothing between lunch and dinner. Don’t think about the past »
Alex, leader du groupe, commence à arranger une topline à partir d’elle et la chanson s’invente autour de ça.
Au final il se dégage une bonne touche d’humour comme de vérité triste dans ces paroles. Le clip lui aussi tient sa touche d’humour. On retrouve le groupe trip hop à Gallarate en Italie. Malgré les couleurs ternes de l’hiver, les 3 membres d’Hooverphonic déambulent en tenue flashy dans les rues de la ville.
Ce nouveau single annonce peut être l’arrivée d’un 12eme album, affaire à suivre…
Bigger – Salty Tears
Il y a un an et presque deux mois sortait le premier album de BIGGER, Les Moysitis (Uptown Park / 2022). Le quintet a majorité française (l’un de la bande est irlandais) nous proposait un son plutôt old school pour ce premier disque. En plus de guitares aux sons vintage, on retrouve des synthés et une batterie rajoutant au lot une dose de psychédélisme jouissive. On y retrouve un peu de Temples, en un peu plus poétique. Ce première album est une découverte étonnante, considérant la scène française actuelle.
Salty Tears est la deuxième chanson du disque. Un synthé au ton proche du clavecin, un peu de fuzz, le tout un brin mélancolique, on est pas loin de la meilleure chanson de l’album. Et celle-ci vient de voir son clip sortir. Pas dénué d’humour, on assiste à un duel d’époque au pistolet (le côté clavecin) qui clairement ne se passe comme prévu. En plus d’avoir un album extrêmement bien produit, le groupe nous fait l’honneur de clips de même qualité.
Le groupe termine sa tournée en ouvrant pour Matmatah au Zénith de Paris. Il y a pire. Peut-être aurons-nous la chance de les voir cet été dans un festival de bon cru, croisons les doigts.
UssaR – Crie mon nom
Dans le sillage de la sortie de son tout premier album Étendard, UssaR dévoile ce clip où il entre dans la peau d’un chevalier ivre d’amour, un Lancelot du Lac moderne, désœuvré, perdu au milieu d’une forêt d’arbres tout aussi nus, dépourvus de vitalité, dépouillés de leur raison d’être. « Je ne sais plus comment je m’appelle / crie mon nom », le chevalier envoie des signaux de détresse mais la solitude l’emporte dans cette forêt sans vie, sans âme. À chevalier moderne, poésie moderne.
Un « T’es bonne comme un Chocolat Kinder / on va soigner mon Alzheimer » n’hésite pas à s’immiscer dans ces plans romanesques où apparait également un étendard sanglant, éponyme, au coeur de l’album. Ce drapeau de couleur pourpre, symbole de violence et de passion à la fois, a toutes ses raisons d’apparaitre, voire de triompher dans son projet et ce n’est pas la seule fois où on le verra brandir ce voile fluide, pour la seule raison qu’il est le fil rouge.
Teki Latex ft. Jérémy Chatelain – J’en sais rien
On ne l’avait pas vu venir, on ne peut déjà plus s’en passer. Teki Latex est de retour et de notre côté, on est tombé amoureux de ce « morceau aux deux morceaux » qu’il partage avec Jérémy Chatelain.
Superposant sa voix sur le morceau du second, sans en enlever la voix, Teki Latex nous balance donc J’en sais rien, son retour aux affaires rap. Le tout est au premier abord étrange, mais devient fascinant au fur et à mesure des écoutes. On retrouve la plume, la gouaille et le talent du rappeur au style infini. Pour prolonger le délire, une version de la chanson de Chatelain sans Teki Latex existe (par ici), une production et des paroles qui sentent bon les 80’s.
Pour prolonger l’idée de ce mashup improbable en vidéo, Teki Latex se superpose à la vidéo de Jérémy Chatelain, avec d’un côté un clip cheesy en mode « enregistré au studio » et de l’autre toute la classe du rappeur en mode doudounne et lunettes incroyables qui se mutiplie à l’infini.
Le duo nous offre une merveille qui ne plaira sans doute pas à tout le monde , mais qui nous a marqué profondément .
Angèle – Le temps fera les choses
Pour accompagner la chanson phare de la réédition de son deuxième album Nonante cinq, Angèle révèle le clip de « Le temps fera les choses », et comme son nom l’indique, la question du temps qui passe est au cœur de l’image, avec même une référence à l’œuvre d’Oscar Wilde : le portrait de Dorian Gray, œuvre iconique sur ce sujet de l’emprise du temps. Mais Angèle est lucide quant à la douleur de « retrouver le passé ». Celle-ci ne mène à rien et tout est dans le refrain. « On verra si on ose… »
Main dans la main avec son « moi » âgé, Angèle semble en harmonie avec son futur, avec la vieillesse et l’idée de ce temps qui passe. Ces deux âmes pures, vêtues d’un blanc immaculé, couleur vierge, couleur du « tout est encore à faire, à espérer. » comme une page blanche où tout est à écrire, embrassent leur destin commun. Elles dansent ensemble la chorégraphie contemporaine de la vie, librement, sur des pas fluides, légers et dans une fusion totale.
Camp Claude – Shadam
Avec Shadam, Camp Claude nous livre une balade douce, désarmée, mélancolique et tendre, le tout baigné dans un clip à l’esthétique bien pensée : Des plans lents, à l’éclairage millimétré, mettant en scène les membres du groupe dans une représentation désemparée, au rythme sourd. L’image et le son se mêlent, et la cohérence graphique est à souligner tant c’est un fait plutôt rare : l’harmonie totale.
On y voit un groupe sur scène plutôt las dans cette lumière orange très 70s, on pense à ces shows TV du siècle dernier où les groupes folks venaient présenter leurs chansons sur fond de carton pâte kitsch, dans une version plus minimale et controlée, pour le plus grand bonheur de nos rétines.
Les plans s’entremêlent tantôt sur scène, tantôt dans ce que l’on devine êrte le plateau télé, où le groupe se représente sans grande conviction. Un clip maitrisé sous forme de conte moral, qui fait penser à la difficulté de le représentation constante, peut-être… De quoi accompagner ces dimanches mi figue-mi raisin, pour se bercer de douceur avant la reprise du lundi et le printemps qui peine à arriver.
Ysé – Ose
La jeune chanteuse Ysé nous appelle à laisser la torpeur émotionnelle pour avancer, aller de l’avant. A travers son titre Ose, résonne le refrain suivant : “Aller vas-y ,saute, tente, brise toit les côtes, cours, rampe !” Ce morceau ne semble pas non plus être une invitation à oser, coûte que coûte.
Il s’agirait plutôt d’un mouvement lent, tranquille, qui nous pousserait à clôturer l’instant des peines pour celui du courage. Un mouvement doux qui se retranscrit musicalement par un air de folk, porté par des sonorités électroniques. Puis, qu’illustre le réalisateur Jonathan Verleysen à travers le clip de Ose.
Chahu – DMB
Chahu en match contre lui-même, face à une table de ping-pong à moitié fermée, dans un garage sombre, voilà de quoi traite le clip. Une fois, il fait tomber la balle, il perd ce match contre lui même et se relève. La caméra parcourt les allées encombrées du garage, tourne autour de cette table centrale comme un état des lieus de sa condition mentale, de ce fouillis, ce chahut intérieur qui expliquent cette solitude.
« Dans mes bras je t’attends. » donne d’autres indices sur cette détresse, ces gestes répétitifs. « Dans mes bras ça ne dure qu’un temps », sans doute ses histoires d’amour se répètent-elles toujours de la sorte. Sans doute est-il lasse de voir le même schéma s’abattre sur lui. « Tu verras tout seul c’est pas si mal. »
Thx4Crying – montagne d’émeraudes
On vous parlait dernièrement du tout premier EP de Thx4Crying, au doux nom de montagne d’émeraudes. Cette semaine, l’artiste dévoile le clip du titre éponyme de ce projet.
Dans une nostalgie adolescente et un style que lui seul maîtrise, l’artiste nous murmure à l’oreille de jolis mots tout en poésie sur un sujet pourtant sensible : la quête d’identité.
Entre hyperpop et inspirations emo venues tout droit de l’univers dans lequel Thx4Crying a grandi, montagne d’émeraudes donne tout son sens au projet artistique de l’artiste car l’on y saisit la fragilité d’un être qui se retrouve pourtant portée par un tourbillon de beauté et de vie, comme une note à l’intention de notre « nous » d’avant. La vie n’est pas toujours simple, mais on peut avancer dans la douceur et faire de chaque moment, une fierté.
Le clip quant à lui est une véritable œuvre d’art, que ce soit dans les décors, dans la réalisation ou le montage. On y voit Thx4Crying s’immerger dans un monde virtuel au milieu de ses écrans, comme pour échapper à une certaine réalité, et devenir dans ce monde, le chevalier loin d’être « réduit en cendres » faisant face à la montagne d’émeraudes.