Cette interview a bien failli ne pas avoir lieu. Les éléments s’étaient dressés contre moi le soir où je devais rencontrer le groupe, juste avant leur date au Mazette… Dictaphone dégainé peu avant leur passage, on a parlé musique, amour et création. Morceaux choisis, entre délicatesse et rebondissements.
La Face B : Vous êtes issus d’univers artistiques différents : la danse pour toi Georgia, l’industrie musicale côté prod pour toi, Vincent. De quelles façons vos trajectoires individuelles vous ont-elles menées à la création de ce duo ?
Maybe Merlin – Georgia : C’est vrai ! Ma première vie, je l’ai dansé. Je travaille depuis 15 ans pour le chorégraphe Jean-Claude Gallota. De fait, j’ai énormément tourné, mais aussi beaucoup chorégraphié ! Pour des films, des projets… toujours à côté des tournées de danse.
La Face B : Super… Attends, ça enregistre bien ? Ah, yes
Georgia : Oh t’inquiète, j’oublie même que ça enregistre (rires)
La Face B : Ah ça tombe bien, c’est ce qu’on veut ! Tu disais ?
Georgia : Du coup, oui, je viens aussi de la musique, par mon père, qui était musicien (Paul Ives, disparu en 2007, NDLR)… J’avais donc cette envie de m’y essayer plus sérieusement, mais je ne savais juste pas avec qui. C’est là que j’ai rencontré Vincent Brülin… Ça a été comme une évidence !
Vincent : Et du coup, Vincent Brülin, c’est moi-même ! Avant ce projet-là, j’ai eu plusieurs groupes, Macadam Crocodile notamment, toujours en cours. Dans Maybe Merlin, je suis le deuxième membre – ou peut-être le premier, on ne sait pas. En marge, je suis aussi producteur, et voilà !
La Face B : Et ce duo alors, quelle est son histoire ?
Vincent : Eh bien, l’histoire c’est juste qu’on s’est rencontrés avec Georgia ! J’ai tout de suite été séduit par l’énergie qu’elle peut dégager dans la vie, par quelque chose de très solaire, du coup on peut dire que ça vient d’une espèce de… séduction ! En fait, comment ça s’est mêlé, c’est qu’elle n’est pas seulement danseuse, elle a toujours chanté avec son père. Donc je lui ai proposé de venir faire un test en studio, et dès le premier jour, on a décidé de monter ce groupe.
Georgia : Exactement ! On a pas fait comme si on était tous les deux d’un même univers musical, au contraire, on avait envie de se mélanger…
La Face B : De créer une forme de friction ?
Georgia : Ouais, de vivre une vraie rencontre, en fait. C’est ça. J’avais envie de le rencontrer. Parce que j’aimais bien le personnage, je crois…
Après, c’est jamais gagné d’avance, une rencontre. Parfois il y a de l’attirance et ça ne se transforme pas ! Mais en fait, ça s’est vachement bien passé dès le départ, et on a pas du tout réfléchi, on s’est lancés !
La Face B : Ok… La rythmique occupe une place prépondérante dans les titres de votre EP paru en janvier dernier. Il y a une place laissée à la danse dans la réception de vos morceaux ?
Georgia : Tu expliques souvent bien toi, ça, Vincent !
Vincent : (lève la tête de son mojito) Euh, ouais, tu peux répéter la fin de ta question ?
La Face B : Je demandais si l’omniprésence du rythme dans vos morceaux partait d’un désir de laisser une place au public de s’approprier la musique de façon à danser dessus ?
Vincent : Alors en fait quand on a créé le groupe, j’avais préparé une quarantaine de boucles, de couleurs différentes… D’une certaine manière, j’étais dans l’idée qu’on allait faire un groupe de rock ! Mais Georgia s’est arrêtée sur des boucles aux rythmiques beaucoup plus lentes, plus appuyées. À mon sens, ça vient vraiment du fait qu’elle soit danseuse, ce désir d’aller vers quelque chose de bien plus, comment dire…
Georgia : Terrien !
Vincent : Voilà, de plus terrien, de moins excité, en fait, qui permette de sentir son corps, le mouvement, le rythme. Du coup ce sont ces morceaux-là qu’on a poussé. Et on a choisi, en plus de ces pistes travaillées-là, d’autres rythmes encore plus appuyés…
Georgia : Et sur scène, on transforme souvent la fin des morceaux pour les convertir dans quelque chose d’encore plus dansant, parce qu’au fil du peu de concerts qu’on a donné, on a déjà vraiment pu capter ce désir-là du public, d’entrer dans la danse avec nous !
Vincent : On aime bien ça, et on a du coup pas mal de nouveaux morceaux à paraître qui seront super rythmés…
La Face B : Justement, la batterie et la colonne de basse, très régulières, laissent une place importante au grain de voix et à ses inflexions. Après plusieurs écoute, j’ai crû discerner que l’émotion naissait, chez nous autres auditeurs, de constructions simples mais efficaces, émaillées de moments de surprises disant une grande maîtrise de la direction. Vous l’avez bossé comment, cet EP ?
Vincent : Ah ben voilà, tu l’as super bien expliqué ! (Rires) Encore une fois quand tu rencontres quelqu’un en studio, c’est tellement un terrain de jeux… Quand on a commencé à co-composer les morceaux, on se servait de bandes sonores que j’avais déjà enregistrées. Mais au fur et à mesure du travail, on s’est rendu compte qu’il fallait tendre vers plus de simplicité, chaque élément ayant une place très définie !
C’était une démarche, de partir de mélodies déjà assez simples mais très travaillées en amont, et de retranscrire cette simplicité là aussi dans l’arrangement. Merci de le remarquer !
La Face B : Ah mais carrément, c’est très saillant à l’écoute ! Et du coup, sur la structure, encore. Le jeu de vos deux voix se répondent sur certains titres, des tierces s’attrapent au vol avec harmonie, quand d’autres sont chantés par un seul d’entre vous. Le tout compose une forme de roman choral auditif très rythmé proposant une vaste palette de couleurs. Comment avez-vous pensé la structure de l’EP ? Enfin, est-ce qu’il est pensé pour la scène ?
Georgia : L’idée de base, c’était vraiment de défendre le format du duo. Je ne joue pas d’instrument pour l’instant, même si rien n’est figé, c’est juste qu’on est encore au tout début de la découverte du groupe… Une chose est sûre, on aime vraiment entremêler nos voix ! C’est juste que Vincent a beaucoup de choses à faire sur scène, il doit vraiment appuyer sur beaucoup de boutons (rires). Donc de fait, je chante plus ! C’est aussi un parti-pris, dans la mesure où c’est vraiment ma façon d’exister dans le groupe, par la voix et la danse. Le cœur du propos musical, c’est vraiment ça : l’idée du duo, et par extension, le dialogue ! On se répond, et on explore la dynamique de Maybe Merlin par ça…
Vincent : C’est vrai ! On s’est vraiment pensés comme ça, en réponse l’un à l’autre ! Et de fait, il y a eu tout un travail d’épure, que je soulignais avant, qui a vraiment servi la scène. Un instrument, une place, c’est une façon de se libérer de l’espace…
La Face B : C’est vrai que du coup, ça donne quelque chose d’extrêmement précis, pas du tout approximatif, et donc très agréable à écouter, parce qu’on sait où ça va ! Et sinon, je me demandais, vous conjurez quoi par la musique ?
Vincent : Moi mon côté dépressif, et toi Georgia ?
Georgia : Euh, pas depuis que je te connais hein ! Ou alors, tu le caches bien ! Mais après, c’est vrai qu’il y a une mélancolie diffuse. Ce n’est pas que je vive dans le passé, mais il y a, dans ma façon de raconter la vie, un réflexe de m’appuyer sur le passé… Il faut aussi revenir à la source. Maybe Merlin, c’était deux choses : un hommage que Vincent a voulu rendre avec moi à mon père, et le récit musical de notre rencontre. Moi de toutes façons, je parle avec mon corps, et il a une mélancolie inhérente, qui se retrouve aussi dans la voix, mais pas désirée, pas maîtrisée… Que Vincent a perçu et a retranscrit dans la musique.
La Face B : Et du coup, au cœur de tout ça, il y a l’amour ?
Vincent : (sardonique) Ah mais l’amour, c’est au centre de la vie !
Georgia : (rires )
Vincent : Plus sérieusement, c’est vrai que c’est un thème central, mais qui se mêle finalement à beaucoup d’histoires d’émancipation, dans nos textes. On peut percevoir des histoires qu’on pourrait imaginer parler du couple, quand en fait, c’est peut-être un amour d’une tout autre nature…
Georgia : J’aime bien moi, ouais, j’aime bien l’amour !
La Face B : À l’amour alors ?
Maybe Merlin : À l’amour !