Pour leur dernière de la tournée, Dune Rats a plongé l’Aéronef dans une fête intense et prenante, à l’image de leur dernière album, Real Rare Whale.
Lille avait un petit goût d’Australie en ce dimanche soir de pont. Entre deux œufs de Pâques, on a pu assister à un concert qui sentait bond les cheveux longs soyeux, l’anglais à l’accent incompréhensible, la bière un peu tiède et le rock à l’australienne. Les Beddy Rays ont pu faire parler leur jeune talent en ébullition dans l’ouverture de cette date à l’Aéronef. Jeune pousse de cette scène australienne, le groupe n’est tout de même pas inconnu au bataillon, tant certains de leurs sons, tel Sobercoaster, sont devenus des sortes d’hymnes. En plus d’être une première partie de choix, les Beddies sont les grands potes des Dunnies, avec, pour preuve, cette cover de Am I Ever Gonna See Your Face Again des Angels en fin de concert. Vraiment chouette découverte.
D’un côté assez pop et catchy, le quatuor allie un côté rock punk, sans pour autant oublier le goût doux amer de ces groupes qui chantent la fin de l’été. « I wanna spend my liftime / Drinking beers in sunshine / On an ocean hillside / And when I’m old, I’ll be a sobercoaster« . Ces quatre lignes, refrains de leur chanson citée plus haut, résume précisément ce qu’est ce genre. Comme plusieurs de leurs compatriotes qui avant eux ont fait les beaux jours de la scène australienne (écoutez Skegss ou Hockey Dad dans le style), Beddy Rays chante l’ennui sous le soleil, les soirée sans fins, les regards tristes de l’amour perdu. Une autre pierre dans ce teenage punk rock dont il est toujours un plaisir de se plonger dans les méandres.
La fin des années 2010 a vu l’explosion d’une scène foisonnante, la scène australienne. Les regards étaient rivés sur ces jeunes qui reprenaient en cœur les codes de tout ce avec quoi ils ont été éduqués, pour en faire quelque chose, avec ce petit côté australien en plus. DNA’s s’inspire d’Oasis, The Chats des AC/DC, Skegss et son skate punk, DZ Deathrays de la scène plus métal. N’oublions pas Drunk Mums, Hockey Dad, Babe Rainbow (et tant d’autres), précédés bien sûr des mastodontes, King Gizzard and the Lizard Wizzard, Tame Impala et Pond. Bref, l’Australie, bien qu’à l’autre bout du monde, a été une vague gigantesque qui a déferlé sur le monde du rock.
Côté trasher stoner, un groupe est sorti du lot, c’est Dune Rats. On aurait pu carrément les voir évoluer sur le MTV des années 2000, faire la bande annonce de Jackass ou Beavis and Butthead. On reconnait-là des influences de Blink 182 ou Sum 41, du genre à poser le cerveau et écrire des chansons stupides sur la drogue, la bière, les soirées ou les trois d’un coup. D’un stoner pop punk excellent, leur discographie débute avec l’autoproduit et éponyme Dune Rats en 2015, puis le classique The Kids Will Know It’s Bullshit (2017/ Dune Rats). Avec l’aide de Zac Carper (FIDLAR), ce deuxième opus vient asseoir le groupe sur le haut de la vague australienne. Hurry Up and Wait (2020/ Dune Rats) reste dans la même veine, sans trop révolutionner le monde des dunnies. Il faut dire qu’il est parfois compliqué de se réinventer dans un mouvement qui a pour matrice trois ou quatre accords répétés en boucle. En France, notez DYE CRAP, qui clairement s’en rapproche et s’en revendique grandement.
Pourtant, Real Rare Whale (2022/Dune Rats) est un album qui voit le groupe écrire un nouveau chapitre. On sent dès LTD, l’ouverture du disque, un certain changement dans la production du groupe. L’accent est, et on le remarquera au fil de l’écoute, bien plus pop que ses prédécesseurs. Bien sûr, on voit toujours la guitare sous fuzz, la basse grasse et la batterie puissante, mais les sonorités, les voix, s’approchent plus du côté pop du groupe, qui était peut-être un peu sous-exploité précédemment. Il suffit d’écouter UP, premier single de l’album, pour s’en rendre compte. Une folk, un traitement des voix ultra travaillé (surtout dans les refrains), une batterie beaucoup plus enjoué. Du chemin est a été fait depuis Scott Green, chanson la plus remarquée du groupe. Cet album n’en est pas moins un très bon disque, qu’on peut écouter en boucle pour une bonne dose d’énergie qui sent bon l’Australie.
On n’avait vraiment pas de doute quant à la qualité du concert. On savait où on allait, chez des gars qui, depuis une presque décennie, sont habitués à parcourir le monde, faire des concerts et les transformer en Memorable Night. Et cette date-là à l’Aéronef n’a pas loupé. Qui plus est dernière de la tournée, le trio avait à cœur d’en faire quelque chose de grand. Le public, déjà bien chauffé par les Beddies, ne s’est pas fait attendre pour se survolter devant le trio qui en retour, mouillait le maillot. Bientôt, la fosse s’est transformée en patinoire collante, au rythme des hymnes du groupe. Le trio, dont la scène n’est autre qu’une deuxième maison, assure avec l’art et la manière un concert qu’on irait jusqu’à qualifier de show tant la performance est maîtrisée.
Il est indéniable que les Dunes Rats, comme la plupart de ces groupes australiens de la fin des années 2010, capitalise sur un âge d’or en passe de passer de mode. On aurait pu s’attendre à un concert en dent de scie, où les classiques (Rubber Arms Bullshit Scott Green, Dalai Lama, 6 Pack et tant d’autres) rythmerait des phases moins abrasives du dernier album. C’était sans compter le fait que les Dune Rats sont une fête, et ont parfaitement intégré au set leur nouvelle épopée. Résultat des courses un concert court mais intense, des acclamations à n’en plus finir, et un weekend de Pâques qui a pris une tournure bien plus fun qu’une sempiternelle chasse aux œufs. Les voilà repartis, mais vivement leur retour, pour un autre weekend de férié ou autre, on s’en fout un peu.
Toutes les photos ont été réalisées lors de la date précédente, leur concert à la Boule Noire, par Loélia, qu’on peut retrouver sur instagram juste ici : @aileol.photography