La Face B a rencontré le singer-songwriter aux multiples talents Xavier Polycarpe, à l’occasion de la sortie de son premier EP, Minute, marquant les débuts d’une aventure en solo.
La Face B: Salut Xavier! Ton EP Minute est sorti il y a une semaine. Comment te sens-tu depuis ?
Xavier Polycarpe: J’ai eu plusieurs projets à plusieurs, mais là c’est le premier EP que je sors sous mon nom, donc il y avait un côté un peu challengeant, et un sentiment de « redépart ». Je me sens excité de sortir ces morceaux, que pour certains j’ai dans la tête depuis très longtemps, et je suis satisfait, parce que les cinq titres sont vraiment comme je les voulais.
La Face B: C’est la première fois que tu as ton propre projet solo ?
Xavier Polycarpe: Sous mon nom en tout cas oui; après je n’étais pas complètement seul puisque j’ai collaboré avec Florian Gouello.
La Face B: Ah oui, je l’avais rencontré en tant que batteur du groupe Petite Vallée.
Xavier Polycarpe: Oui il est batteur, on a co-réalisé le disque dans mon studio. J’ai senti assez vite qu’il avait un attrait pour le travail du son, des idées artistiques. J’avais ma direction, mon identité sonore en tête, mais je trouvais ça super d’avoir son apport, de pouvoir échanger et avoir un recul extérieur. Il m’a amené à des endroits où je ne serais pas allé tout seul. Ça a bien fonctionné.
La Face B: Il va t’accompagner sur scène?
Xavier Polycarpe: Non ce n’est pas prévu, il va bientôt partir aux Etats-Unis.
La Face B: Avant de parler de l’EP, je voulais revenir un peu sur tes débuts. Comment en es-tu arrivé à devenir musicien?
Xavier Polycarpe: Quand je devais avoir sept ans, j’ai vu un concert aux Arcs, un mec qui jouait du saxo, et ça m’a interpellé, j’ai voulu en faire. Un peu plus tard j’ai découvert les Beatles, la musique pop, et j’ai voulu chanter. J’ai commencé à apprendre le piano avec mon père qui m’a montré quelques accords, puis vers quinze ans je me suis mis à la guitare. J’apprenais à l’oreille, à l’époque on n’avait pas YouTube. Mon frère Vincent lui avait commencé par le violon, puis il a pris des cours de batterie. Très tôt on s’est mis à chanter ensemble, on faisait des harmonies dans la voiture avec mes parents!
La Face B: Tes parents étaient mélomanes?
Xavier Polycarpe: Mes parents jouaient tous les deux du piano, ma mère faisait du chant lyrique, et mon père était plutôt jazz. C’est eux qui nous ont filé des cassettes des Beatles au départ.
La Face B: J’ai aussi découvert les Beatles par mon père, il ne jouait que ça à la guitare!
Xavier Polycarpe: Moi ils ne les écoutaient même pas, mais quand j’ai dit à ma mère que j’en avais entendu parler à l’école, elle est allée chercher des cassettes à la cave.
La Face B: Et ensuite ton premier gros projet c’était Gush?
Xavier Polycarpe: J’ai d’abord eu un groupe avec mon frère et un ami, Matthieu, qui s’appelait Kawa, quand on avait vingt ans. Et à un moment on a décidé d’arrêter pour se consacrer à Gush. A ce moment-là on a découvert toute la brit pop, les Rolling Stones, les Who, Led Zeppelin… J’ai aussi toujours aimé la variété française, Cabrel, Gainsbourg… Et on s’est assez vite passionnés pour tout ce qui est un peu funk et groove, James Brown, Fela Kuti… Donc dans Gush on avait ce côté très dansant allié à la pop écrite, la recherche de texture, d’une belle suite d’accord.
La Face B: Vous aviez notamment joué avec Johnny Hallyday. Tu avais aussi enregistré une cover avec Gael Faure de sa chanson Gabrielle. Je me demandais ce qu’il représente pour toi, est-ce qu’il t’a aussi influencé ?
Xavier Polycarpe: Je n’écoutais pas Johnny quand j’étais petit. Matthieu Chedid, avec qui on est toujours potes, nous avait pris sous son aile, et Johnny lui avait demandé de faire un album. Il avait proposé à mon frère de jouer la batterie sur l’album, et Johnny s’était lié d’amitié avec lui. Il est venu nous voir en concert à Los Angeles, il était au premier rang incognito. Il nous avait invités chez lui, et à jouer avec lui notamment au stade de France. J’ai découvert l’homme, c’était quelqu’un de captivant, j’étais impressionné par son côté instinctif dans la musique. Et il avait d’ailleurs repris une de nos chansons, Jealousy, en français, c’était génial !
La Face B: Ah super, j’écouterai! Et pour revenir à l’EP, tu disais donc que certains morceaux étaient anciens?
Xavier Polycarpe: Oui, j’avais écrit une partie du morceau Minute quand j’étais au lycée, pour l’anniversaire d’un pote. Je m’étais dit qu’il faudrait en faire un vrai truc, je l’avais proposée à Gush mais ça n’avait pas abouti, puis je l’avais enregistrée avec Adam Jodorovski pour son album, mais on ne l’avait pas sortie. Donc j’ai décidé de la garder pour moi! Et les autres chansons c’est un peu pareil, ce sont des idées que j’ai depuis longtemps. J’ai l’habitude de classer mes idées, de refrains, de basses etc, dans mes mémos vocaux, et je prends du temps à la fin de chaque année pour tout trier. Et quand je sens que c’est le moment pour les exploiter, je les utilise pour le projet dans lequel je suis, comme Macadam Crocodile.
La Face B: Vous sortez encore des nouveaux morceaux avec Macadam Crocodile?
Xavier Polycarpe: Oui, on a sorti un single la semaine dernière, et un deuxième sort demain! C’est assez intense.
La Face B: On va écouter ça ! Pour revenir aux chansons de l’EP, on pourrait dire de prime abord qu’elles sont très happy / feel good, mais les paroles sont plutôt mélancoliques, comme dans Vanish in the runaway wind.
Xavier Polycarpe: Oui, celle-ci parle carrément de la mort. C’est important pour moi de prendre du recul sur la vie, se rappeler qu’on est juste des petits humains sur un gros cailloux. On vit comme si on n’allait jamais mourir, moi j’y pense souvent, ça me rappelle à ce qui est vraiment important. Dans cette chanson, je parle des choses essentielles comme l’amour, c’est basique mais ça m’importe beaucoup. Simple as can be, que j’avais écrite pour le film Animal, parle de la terre, de la force de se régénérer, se rappeler que l’on fait partie de ce cycle. Dans Dancing in the ring je me parle à moi-même, qu’on va grandir, atteindre un pic puis descendre et mourir…, et pendant ce temps-la avancer quoi qu’il arrive. J’en parle dans mes petites videos de décomposition de chanson que je fais sur mon compte Instagram.
La Face B: Finalement elles sont toutes assez complémentaires, en terme de narratif. Même Minute qui sonne très upbeat.
Xavier Polycarpe: Oui, ça me reflète bien. J’aime parler de ce qui me touche vraiment.
La Face B: Est-ce que c’est plus facile de le faire maintenant dans ce projet solo?
Xavier Polycarpe: Ces messages-là ils sont mûrs aujourd’hui, mais j’ai toujours écrit sur mes ressentis, ce que je vis. Je suis inspiré par des choses autant simples et légères que profondes. Nobody but me parle d’un moment où je n’étais pas bien dans ma vie, de mes angoisses. J’ai choisi de la chanter avec Lorraine Habib, la mère de ma fille, dont je viens de me séparer. Dans les paroles à un moment je dis « Soon I’ll find my way, away I’ll find my home« , cela fait des années que l’on chante cette chanson avec Loraine, et elle vient de prendre une autre tournure…
La Face B: Et tu as aussi écrit une chanson sur la paternité?
Xavier Polycarpe: Oui, mais elle n’est pas encore sortie, ce sera pour l’album. Je vais finaliser les derniers titres ces prochains mois, et il sortira certainement en debut d’année prochaine.
La Face B: Et quels sont tes projets dans l’immédiat ? Tu vas tourner un peu ?
Xavier Polycarpe: Oui, j’ai déjà des dates cet été pour présenter l’EP, et je vais travailler avec un tourneur pour monter une tournée.
La Face B: Je voulais aussi aborder ta relation à l’écologie et avec Cyril Dion, que tu avais rencontré lors de la tournée du mouvement Colibri, et pour qui tu avais composé la BO du film Animal, avec Sébastien Hoog. Es-tu particulièrement sensible au theme de l’écologie? Quel peut être selon toi le rôle des artistes dans ce cadre?
Xavier Polycarpe: Pour moi l’écologie ce n’est pas un débat, c’est juste la vie. Quand Cyril m’a proposé de faire la BO, j’étais hyper content de pouvoir mettre mon talent musical au service de cette cause. J’en parle dans pas mal de mes chansons. Je pense que les artistes qui ont une certaine notoriété pourraient plus porter la parole. Aujourd’hui ça reste une niche dans le monde artistique, alors que c’est vital. Mais dès qu’on se qualifie comme engagé, on s’expose à des commentaires si notre comportement est imparfait.
La Face B:Tu pourrais collaborer de nouveau avec lui si l’occasion se présentait?
Xavier Polycarpe: Je l’ai vu la semaine dernière, il travaille sur des fictions, et m’a dit qu’il pourrait avoir besoin de musique… Affaire à suivre.
La Face B: Une dernière question, as-tu un morceau à nous recommander, que tu écoutes en ce moment ?
Xavier Polycarpe: Vanille, de Poudre noire. Ce sont des potes, j’ai produit certains de leurs titres dont celui-là. Ils sont très originaux dans leur manière de parler, avec une prose acérée.
La Face B: C’est noté! Merci Xavier!