Albin de la Simone, interview enfance et musique

Parfois, en festival, le temps joue contre nous. Des créneaux d’interviews très courts nous forcent à sortir de nos formats habituels pour aller chercher des idées un peu différentes. À l’occasion de son passage aux Francofolies de La Rochelle, on a profité de nos 10 minutes avec Albin de la Simone pour lui soumettre un question qui mélangent deux éléments importants de nos vies : l’enfance et la musique.

LFB : Quelle importance ton enfance a eu sur ta conception de la musique et de ta musique ?

Albin de la Simone : Mon père était musicien amateur. Donc il y avait de la musique un peu tout le temps. Il y avait souvent des musiciens à la maison. Donc ça a forcément développé ce que je suis. Et puis, l’enfance et l’adolescence, c’est tellement constitutif de ce qu’on est et on est tellement encore en train de régler des trucs qu’on comprend seulement maintenant. C’est très important dans la construction psychologique de tout le monde et comme mes chansons, je les écris en essayant d’avoir un accès le plus profond à ma psychologie, mon enfance a une importance capitale.

LFB : Est-il nécessaire pour toi de garder une âme d’enfant quand on est un artiste ?

Albin de la Simone: Ça, je ne sais pas. Une âme d’enfant ? Non, je préfère être adulte. Je suis content d’avoir une âme d’adulte. De garder une fraicheur, une liberté, c’est important. Mais une âme d’enfant, non. Je n’ai pas envie d’avoir une âme d’enfant.

LFB : Tu gardes quand même une part d’enfance malgré tout ?

Albin de la Simone: Non. J’essaie de garder de la liberté et de l’enthousiasme. J’essaie de faire en sorte que ça ne soit pas l’apanage des enfants, qu’on ne soit pas obligé de dire que c’est enfantin. Je préférerais. C’est comme souvent, comme je fais des chansons un peu sensibles ou parfois sur la sensibilité de l’homme, on me dit que c’est féminin. Comme si le masculin ne pouvait pas être sensible. L’adulte peut être multiple, sans être enfantin.

LFB : Tu parlais de ton père qui était musicien amateur. Ton vrai premier souvenir d’enfance lié à la musique, tu pourrais nous en parler ?

Albin de la Simone : Ce sont les concerts de mon père. Je m’endormais sur un canapé pendant qu’il faisait ses concerts. Il jouait dans les Club Med. On partait en vacances gratos. On n’avait pas du tout d’argent mais on partait en vacances au Club Med, comme des gens riches parce qu’il jouait tous les soirs à l’apéro et plus tard. Et donc moi, je me retrouvais à dormir sur le canapé. Donc je connais les morceaux que jouait mon père jusque dans ma moelle épinière quoi.

LFB : La musique, c’est vraiment un fil conducteur de ta vie depuis toujours.

Albin de la Simone : Ouais.

LFB : Comment tes goûts musicaux ont évolué au fil de l’enfance et de l’adolescence ?

Albin de la Simone : L’adolescence, ça a été un choc assez particulier quand même parce que je pense qu’à la même période, j’ai pu aimer les Sex Pistols, Didier Lockwood qui faisait du jazz rock que je trouve assez dégueu aujourd’hui, Higelin, Thiéfaine, Souchon, Kiss. Vraiment, ça a été un merdier et tous les jours, je changeais de groupe. Il y a eu l’enfance et les choses qu’écoutaient mes parents en gros. Il y a des choses qui me plaisaient dans ce qu’écoutaient mes parents.

Il y avait Souchon, quelques trucs qui sont restés avec lesquels je me suis reconnecté quand je me suis mis à écrire des chansons. Je me souvenu qu’enfant, j’aimais la chanson. Ado, j’étais parti dans d’autres trips. Et après, je suis devenu vraiment dans la musique instrumentale. J’ai passé dix ans à faire du jazz et à avoir presque du mépris pour la chanson, avant d’y revenir avec au contraire beaucoup de respect pour ça et pour ce que c’est que l’écriture du texte et des paroles. Voilà, ça n’a jamais arrêté de bouger.

LFB : Et ça continue encore aujourd’hui ?

Albin de la Simone: Oui mais aujourd’hui, j’accumule. Je ne suis plus dans le rejet. Il n’y a plus rien que je n’aime pas en fait.

LFB : Tu gardes la curiosité.

Albin de la Simone: Ouais, voilà. Je peux aimer des choses que j’ai aimées ado. Il y a des choses que je déteste maintenant mais je veux dire qu’il n’y a aucun style que je déteste.

LFB : Du coup, il penserait quoi du Albin de maintenant, l’enfant qui est sur la pochette de ton album ?

Albin de la Simone : L’enfant qui est sur la pochette de mon album, il a maximum deux ans et il est cool. Il est content. Il est bien dans les bras de sa mère. Il vit un optimisme et un enthousiasme que je n’ai plu de façon aussi simple en tout cas. Donc je pense qu’il triperait, tout simplement.

LFB : Comme toi en fait.

Albin de la Simone: Ouais.

LFB : C’est quoi tes morceaux préférés sur l’enfance ou liés à l’enfance ?

Albin de la Simone : Alors ça, ce sont des questions qui demandent la préparation quand même. Il y a une chanson qui contient le monde enfance qui est Double enfance de Julien Clerc qui est une chanson magnifique sur le divorce des parents. Mais ça n’est pas une chanson sur l’enfance, c’est sur la double enfance, le fait d’avoir deux maisons, deux anniversaires. Après, une chanson sur l’enfance… ça demande réflexion. J’en ai écrit une. Je ne m’y attendais pas. Je ne pensais pas écrire une chanson aussi directe sur l’enfance. Elle s’appelle Petit petit moi. Elle est vraiment… Sur cette photo, qui est la pochette de mon disque, elle parle de cet instant-là et de cet enfant, de son enthousiasme, de sa liberté et du fait qu’on oublie tout de notre enfance. Ce qui est quand même vachement frustrant.

LFB : Elle t’a surpris toi-même cette chanson quand elle est sortie ?

Albin de la Simone : Oui, complètement. Le fait que j’aille par-là, j’étais surpris.

LFB : Tu as prévu quoi pour tes cent prochaines années et comment tu vois les cent prochaines années pour les enfants à venir ?

Albin de la Simone : Je ne peux pas m’empêcher de… J’ai une fille de douze ans et je ne peux pas m’empêcher de parler de ça. Je remarque tout le temps que, que ce soit à la radio ou les gens quand on parle en ce moment du monde, c’est tellement le désastre, tout va tellement mal. Je me dis, mais quel enfer pour des enfants. Elle, elle a l’air de vivre ça cool mais en fait, elle entend sans arrêt que les gens se disent que c’est l’horreur, que le climat, la guerre… Et je me dis, mais qu’est-ce que ça doit être anxiogène pour eux quand même au fond, de savoir que les adultes vivent un cauchemar. Donc je suis un peu triste qu’elle grandisse là-dedans. Mais je suis sûr qu’elle et que tous les enfants vont trouver leur chemin.

On n’est pas au Moyen-Age. Il y avait quand même bien pire que ça. J’ai vu dans un spectacle ; il y a eu une année, genre 576, où en plus d’être dans un monde du Moyen-Age où les gens se tuaient à la moindre occasion, chiaient partout et vivaient dans de sales conditions, mangeaient des trucs horribles… On n’était soit très pauvre, soit très riche, on mourrait à trente ans et tout. En plus de ça, il y a eu une éruption volcanique et il a fait nuit pendant un an sur toute la moitié nord du globe. Je ne sais pas si t’imagines la vie de merde qu’ils ont eu. Pas de bouffe, pas de plantation, pas d’animaux. Donc ça va quand même, je pense qu’on va s’en sortir.

Crédit Photos : Manon Sage

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