La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre voici la seconde partie de notre 186ème sélection.
The Strangers – Chasin’ Sunshine
Venus du futur, et plus précisément du 23ème siècle, The Strangers débarquent dans notre présent cette semaine avec un premier album ébouriffant.
Au cœur de celui-ci, on retrouve Chasin’ Sunshine, logiquement un morceau logiquement solaire et positif. Sur une rythmique qui groove, le trio nous parle de chasser le soleil, mais surtout de le trouver en nous. Ici, on regarde le quotidien qui déroule en faisant tout pour lui échapper, on trace un avenir meilleur et on laisse briller ce qu’il y a en nous. Entre le refrain de General Elektriks et les refrains rappés/chantés de Leeroy et Lateef The Truthspeaker, c’est un morceau rempli de bienveillance et d’espérance que nous délivrent The Strangers.
Pour l’accompagner, ils laissent libre court à la fantaisie visuelle de RUFFMERCY qui nous délivre une animation lumineuse, centrée autour de la rondeur de l’astre et les visages de nos héros. Un dessin mi-naif, mi-ancien qui laisse exploser une culture picturale assez saisissante. Une vidéo qui nous entraine avec elle à la poursuite du soleil.
Pour le reste, The Strangers seront en tournée française en novembre. Surtout, leur toute première interview sera prochainement disponible sur La Face B !
Coline Rio – Ma mère
En parcourant l’album Ce qu’il restera de nous, nous tombions spontanément sous le charme de ce texte poétique et élogieux sur les relations mère fille, signé Coline Rio. Le clip de Ma mère sublime ce florilège de sentiments indélébiles qui s’entrecroisent, raisonnent et dansent ensemble dans un même tableau. L’amour et le respect mutuels resplendissent à travers ces plans impressionnistes, tournés dans une nature où se répondent plusieurs paysages : la mer, la campagne… des plans oniriques, propices à la contemplation. Aussi, le bleu et le rouge composent cette palette, majoritaires sur les autres teintes de l’arc en ciel. Le tout embelli par la voix angélique de Coline Rio et son hypersensibilité artistique, surtout lorsqu’il s’agit de trouver les mots. Du refrain émane cet art crucial de la formule, cette musique du coeur :
« Nous sommes filles et femmes
Sorcières, mères, sœurs d’âme
Nous sommes fleurs et flammes
Rivière, terre, tambour d’âme »
Chez Coline Rio, c’est l’être tout entier qui s’exprime à ciel ouvert devant cette mer brillante et l’âme translucide qui déclare sa flamme à une mère aimante.
« Ma mère » se lit comme un poème, se regarde comme une peinture, s’entend comme une berceuse et se reçoit comme une caresse, une averse de beauté dans nos vies tourmentées.
Wane – ZEN
Ce n’est plus un secret pour personne, le 93 est un vivier incontesté de talents. Si on ne se focalise que sur le rap, on peut compter bon nombre de tête d’affiches qui ont évolué en Seine-St-Denis (Kaaris, Dinos, Vald pour ne citer que les plus connus). Modèle de réussite pour les plus jeunes, il est indéniable que de Sevran à La Courneuve, ces artistes ont ouvert la porte aux générations qui allaient suivre. C’est dans ce cadre que s’inscrit Wane, issu de la cité des 4000, lieu central de ZEN son dernier clip réalisé par Tom Hauchecorne.
Dans un noir et blanc fataliste, la caméra prend de la hauteur pour survoler la cité, plaçant dès l’ouverture le décor et son caractère singulier. Perché également sur ces mêmes hauteurs Wane dévoile une palette de mélodies intéressantes venant s’imbriquer avec les ambiances cloud émanantes de la production de Samoss. Avec mélancolie et sincérité, il conte le récit de son quotidien, sans jamais être larmoyant.
OSO – Sugar
En seulement deux petites années, la jeune OSO a déjà eu le temps d’expérimenter et de faire évoluer sa formule musicale. De plus en plus intéressante et singulière, cette dernière continue d’être divulgué à son public par touche. La dernière en date s’accompagne d’un visuel et se nomme Sugar. Celui-ci reprend des éléments qu’on a déjà pu voir auparavant chez l’artiste : l’expression de sa solitude et un côté sombre qu’elle ne cache pas. Tous deux sont mis en avant à l’image par la caméra de Pomprod, ancrant encore un peu plus les ambiances qu’elle veut véhiculer au travers de ses morceaux.
Si sa route semble se faire en solitaire, elle est accompagné d’un égo-trip bien senti qui ne trahit pas la confiance qu’elle a en sa musique. C’est donc seule mais bel et bien déterminée qu’elle continue cette course effrénée vers le succès.
Glauque – Rance
On pense que l’envie de se reproduire est quelque chose d’inné et d’évident, que l’envie de paternité/maternité est une logique infaillible à laquelle on nous prépare dès l’enfance.
Pourtant, au vu du monde qui nous entoure, des relations parfois étranges que l’on a avec sa famille, cette idée peut devenir quelque chose dont on cherche à tout pris à échappé.
Déjà évoquée avec talent par Fuzati, cette idée de non-paternité est une nouvelle fois traitée avec brio par Glauque. Sur un rythme qui va crescendo, une intensité qui finit par nous couper le souffle, Rance est une exploration intérieure, une lettre ouverte à un enfant qui n’existera jamais. Dans ce morceau, Louis évoque ses failles et ses doutes au grand jour, en s’adressant à quelqu’un qui ne sera jamais. Un discours qui dévie, qui devient personnel et puissant et qui nous retourne le cœur.
Pour l’accompagner, le groupe continue d’explorer l’image. Avec Baptiste Lo Manto et Lolà Mancini, ils nous offrent un clip aussi intense que le morceau, qui joue sur le noir et blanc, sur les allusions et les non dits.
On regarde cette œuvre qui prend place devant nous, ces jeux sur les non-dits, sur cet enfant qui vit comme un fantôme, les jeux de miroirs et la violence. La transmission, l’image de l’autre, la colère … Tout est là, à vous de décoder les images et le mystère.
ALICE – Jusqu’à ce que la marde nous sépare
Après avoir officié dans le groupe Canailles, la talentueuse ALICE se lance maintenant en solo avec un premier mini-album que l’on attend pour le 27 octobre prochain chez Costume Records. La chanteuse québécoise dévoilait il y a quelques mois un premier extrait intitulé Le vent est de ton bord et rapplique cette semaine avec la sortie de Jusqu’à ce que la marde nous sépare, accompagné d’un vidéoclip à l’univers sorti tout droit des 60s et réalisé par Ariel Poupart. ALICE nous raconte ici la fougue incandescente et incontrôlable des prémices d’un amour avec un morceau psyché et vitaminé à souhait, porté par des paroles criantes de vérité, des riffs de guitare obsédants et une ligne de basse démente.
Terrace in Trance – Roses
Terrace In Trance est né de la rencontre musicale de Julien Perez et de Ferdinand Cros (Viraje), deux univers bien distincts, mais pas forcément si éloignés. Le résultat prend les teintes sonores du début des années 80. Au moment où, après que le punk ait tout chamboulé, il fallait tout réinventer. The Cure version Seventeen Seconds ou Remain in Light des Talkings Heads.
Terrace In Trance synthétise le désir d’ouverture – les lignes d’horizon dessinées par la guitare claire de Ferdinand Cros – et celui plus intériorisé qui donne son sens et ses valeurs au premier– avec les boucles électroniques et la voix profonde de Julien Perez. « You and I are roses growing in caves ».
Le clip réalisé par Antoine Corcos retranscrit à la perfection l’état d’esprit dans lequel Roses nous plonge, en croquant des tranches de vie irisées par l’intensité des rayons du soleil le jour ou les teintes des lumières de la nuit.
Terrace In Trance a enflammé mercredi dernier La Boule Noire en ouverture des Inrocks Super Club. Si Roses est le premier titre qu’ils nous ont confiés, ils ont encore beaucoup d’autres histoires à nous conter et de morceaux à nous partager !
SAUVANE – « Am I Happy? »
La musique, et l’art en général, permettent de se questionner et de se transformer, de prendre du recul sur soi et sur son passé.
SAUVANE dévoilait cette semaine son premier titre, Am I Happy?, exploration intime et sensible, porté par sa voix cristalline et une production tour à tour minimaliste et percutante. Dans ce morceau, elle s’interroge sur son futur, sur le fait que les épreuves qu’elle vit ou a vécu finiront par disparaitre et la rendre plus forte.
Dans le clip qui l’accompagne, ce sens de l’image et de la poésie se retrouve. Une transformation, une mue et une acceptation de soi qui deviennent encore plus fortes à l’image.
Métaphore de son eczéma qui l’a tant fait souffrir, les fleurs sauvages qui peuplent le corps et le visage de SAUVANE disparaissent progressivement, la libérant de ce poids et la rapprochant de ce bonheur qu’elle cherche tant.
Un premier single marquant qui annonce donc un premier album qu’on ne manquera pas de guetter.
Saint DX – I Don’t Care
Saint DX continue de nous laisser des petits cailloux pour nous mener doucement mais surement vers la suite. I Don’t Care explore une vibe plus dansante et électronique du garçon à la voix d’or.
Dans ce nouveau morceau, le français nous offre une ode libératrice, un coeur brisé qui se répare, qui laisse l’autre partir et qui se moque de tout. Un morceau intime mais qui n’oublie jamais de nous faire danser, comme pour exorciser les sentiments qu’il faut fuir pour mieux se réparer.
La vidéo de Marvin Leuvrey place une nouvelle fois Saint DX dans un univers en décomposition, le plaçant , comme dans Everyday, en héros du quotidien seul au milieu du monde.
Avec son casque vissé sur les oreilles, il cherche à échapper à cet univers en plein délitement, où les images se répêtent, comme une prison de laquelle il faut absolument s’échapper.
Jeanne Balibar – JTM, c’est la tuile
On avait connu Jeanne Balibar sur un toit, dans le film Va savoir de Jacques Rivette, l’actrice et chanteuse reste en l’air les pieds sur les tuiles. Elle nous fait une déclaration d’amour un peu catastrophique : « Je t’aime c’est la tuile ». Ce morceau évoque le bonheur d’être amoureux, et toutes les maladresses, le doute, et la crainte de se perdre, se noyer, que cela comprend. Le morceau nous touche par ses airs de Barbara, une ombre planante sur le jeu du piano. Cette fois-ci, ce n’est ni Mathieu Amalric ni Jacques Rivette, mais Nicolas Medy derrière la caméra. Un réalisateur précédemment connu pour sa collaboration avec le duo Mansfield TYA. On retrouve alors dans le clip une esthétique chic, baroque presque vogue dans laquelle se noie Jeanne Balibar, que l’on voit danser et chanter sur scène.
Ladaniva – Je t’aime tellement
Ladaniva nous offre une dernière surprise avant la sortie de leur album, fin septembre. Et quelle surprise, puisqu’il s’agit d’une véritable déclaration d’amour… au moins à la première écoute. Le groupe sort le clip de Je t’aime tellement. Réalisé par le cinéaste arménien Serge Avédikian, il donne une lecture intimiste au morceau. On n’y aperçoit Jaklin chanter les paroles comme pour leur donner forme et texture. Un gros plan sur son visage, son regard, nous pousse à nous concentrer sur le texte. La musique évoque une balade romantique, proche d’une bossa ou de leur reprise de l’Hymne à l’amour. Les paroles évoquent à leur tour la passion amoureuse. Pourtant, de la passion à la vengeance, il n’y a qu’un pas. Il y a tension, que l’on devine presque meurtrière dans Je t’aime tellement. Une gradation qui se renforce avec les tremolos de la guitare et le zoom qui se desserre peu à peu.
Venus Vnr – Super Poto
En cette fin d’été, Venus VNR revient nous parler des galères, mais toujours avec une pop rafraichissante. Une rentrée qui s’annonce studieuse puisqu’on aperçoit le duo, mis en scène en train de s’enregistrer et de jouer, dans le clip de Super Potos. Un clip que l’on devine d’ailleurs réalisé entre « super potos » car signé par Ulysse Thevenon, du groupe Dimanche. Le propos du morceau tourne autour de l’amitié qui soigne mieux qu’un Xanax :
« La vie part en bad trip / j’ai tous mes potos en back up / Les galères en poussière / j’leurs mets une p’tite balayette. Dans la tête / J’me sens super héro quand on est entre super potos. »
Des paroles rappelant leur premier morceau Phoque, abordant le travail qui rend fou jusqu’à en prendre des médicaments et à rêver de paysages idylliques window… Mince, c’est déjà terminé les vacances ?
Flavien Berger – Soleilles
Flavien Berger et Céline Devaux ont une nouvelle fois joint leurs forces créatrices pour le clip de Soleilles. Issu de son dernier album en date, Dans cent ans, Soleilles évoque l’inconscient et sa facette intime, celle que l’on ne contrôle pas, ne comprend pas mais que l’on se plaît à explorer, malgré nous.
Et pour illustrer la complexité de cette thématique en images, Flavien Berger a laissé carte blanche à la créativité de la réalisatrice. Ici, Céline Devaux met en lumière une femme, dans un premier temps. Laquelle avance puis trébuche, rejoint par une autre, puis d’autres, et où le schéma semble se répéter maintes fois. Les interprètes déambulent au milieu de la capitale à destination de l’inconnu, se heurtent ici et là, mais se relèvent toujours. Car oui, la douleur quelle qu’elle soit, reste toujours surmontable.
Soleilles évoque aussi l’horloge qui tourne, les images qui se succèdent, ne se ressemblent pas mais restent, et surtout l’amour fort, pur et inconditionnel. Soleilles est l’illustration sonore de tout cela, et c’est sublime.