The Strangers, c’est une entité musicale à trois têtes composée de General Elektriks, Lateef The Truthspeaker et Leeroy. Le 15 septembre dernier, ils dévoilaient leur tout premier album. Une oeuvre concept de science-fiction qui part du futur pour s’intéresser à notre présent, sans jamais oublier de rapper et de groover. C’est aussi ce jour là qu’on a rencontré General Elektriks et Leeroy pour leur toute première interview autour du projet.
La Face B : Salut The Strangers ! Comment vous allez en ce jour de sortie ?
Leeroy : Très bien, très excité.
General Elektriks : Pareil, ouais, ouais. Super excité. C’est une petite aventure qui a commencé il y a un an maintenant. Donc c’est allé assez vite et on s’est bien, bien amusé à faire cet album. Après, on va voir. L’espoir, c’est que ça trouve son public, que ça tombe dans les oreilles des gens et que ça se mette à exister par soi-même mais en tout cas, nous, on s’est bien, bien marrés.
LFB : On s’était vus pour ton dernier album où il y a une trilogie sonore qui s’appelle Cosmic Check. Je me demandais si ce fait de créer une histoire dans l’histoire t’avait donné envie de lancer un projet comme The Strangers ?
General Elektriks : La manière dont c’est parti… Alors ceci dit, tu as raison, il y a un lien effectivement puisqu’il y a une espèce de regard vers le futur et une manière d’utiliser le futur ou un futur potentiel pour parler du présent. Il y a ça effectivement dans Cosmic Check. Mais là, j’ai la sensation qu’avec The Strangers, on a emmené le truc plus loin. Surtout que c’est un album concept vraiment, sur l’ensemble du disque. En fait, pour te dire la vérité, cette petite idée de ministère du voyage et du concept du voyage forcé qui ouvre les gens, c’est quelque chose que je traînais depuis un petit moment. A vrai dire, j’avais essayé des morceaux et ça ne donnait rien du tout. C’était foireux ce que je faisais moi tout seul. Mais quand on a fait ce concert tous ensemble il y a un petit plus d’un an à Marseille, et qu’il y a vraiment eu de petites étincelles qui sont sorties avec Lateef et Leeroy. On a senti une belle petite synergie, ça pouvait être le début de quelque chose. On s’est dit : qu’est-ce qui pourrait être une bonne idée qui justifie du rap bilingue ? Cette idée du monde du futur où les gens parlent plus langues parce qu’ils voyagent, etc. ça semblait se prêter à ça. Moi, j’étais très heureux que Lateef et Leeroy kiffent le concept.
Leeroy : Ouais, direct. On a pris la balle au bon. On a gardé la spontanéité de cette idée-là en la rafraîchissant et en s’éclatant à imaginer tout ça.
General Elektriks : Ouais, puis justement, vous avez amené quelque chose de bien humoristique là-dedans, ce que moi je n’aurais peut-être pas fait autant si j’avais fait ça tout seul. Je pense que là, il y a une spontanéité et une manière de ne pas trop se prendre au sérieux tout en parlant de choses sérieuses, qui fait qu’à mon avis, un album concept, ça peut fonctionner. L’album concept qui se prend trop au sérieux, ça peut vite être gonflant.
Leeroy : C’est ça. Il faut trouver le bon équilibre. Parfois, tu te dis oh ça c’est weird mais…
LFB : Quand vous vous êtes réunis pour faire cet album, est-ce que vous fait une espèce de moodboard des influences que vous vouliez avoir, des références de science-fiction ? Que ce soit en livres ou en films.
Leeroy : C’est venu au cours des échanges mais c’est vrai qu’on a commencé tout bêtement à s’envoyer l’instru, deux, trois. Un moodboard ? Quelque part, oui.
General Elektriks : Oui, parce qu’on parlait d’Akira assez rapidement. Bon, on parle de Blade Runner, un peu genre les classiques quoi. On a parlé de 2-3 bouquins, genre Brave New World de Aldous Huxley. Moi, je pensais à We aussi de Zamiatine. Il y a eu d’autres trucs de culture populaire. Je ne me souviens même plus de ce film que vous référenciez.
Leeroy : San Angeles. Quand on a trouvé ça. En fait, c’était dans notre inconscient collectif. On a parlé de San Angeles, oh c’est trop drôle, ça pourrait être une mégapole, etc. Et après, on s’est rendus compte que ça existait déjà dans Demolition Man. On pensait que c’était dans Judge Dredd et en fait, c’est dans Demolition Man. Ils sont à San Angeles. Au final, ça fait un moodboard qui s’est construit, voilà où on voulait aller.
General Elektriks : Tu as raison, il y a de ça. Il y avait ça en images et il y a avait ça en son un peu aussi. On s’est donné 2-3 refs au début. Dans Tranquility Base Hotel & Casino de Artic Monkeys, je trouve que la manière dont les textes sont gérés, c’est-à-dire ils se posent dans un futur mais en même temps, ça reste très compréhensible pour des gens du présent et puis encore une fois, ça ne se prend pas trop au sérieux. Ça, c’était par exemple une des réfs niveau approche.
Leeroy : Niveau approche de se dire que si on arrive un peu à effleurer ou être dans la direction de : il ne faut pas se prendre la tête, il faut qu’il y ait du décalage, que ce soit clair pour les gens. Notre challenge, on peut le dire, c’était qu’on puisse extraire une chanson de l’album, que dans l’album elle ait tout son sens au niveau de la trame de la dystopie et le futur mais que prise à part, elle soit compréhensible et que ce dont on traite dedans puisse parler aux gens.
LFB : Que les morceaux puissent vivre indépendamment les uns des autres.
General Elektriks : Exactement. Vous avez fait un travail exceptionnel là-dessus tous les deux sur les couplets parce que ce n’était pas évident à faire. Moi, c’était facile, j’avais juste 2-3 petits refrains avec quelques mots. Donc c’était facile de rester dans la nuance et l’impressionnisme tu vois. Mais quand tu as besoin de détailler et que tu es sur un verse de pop, là, tu rentres dans le vif du sujet. Donc réussir à garder assez d’abstraction pour que ça dise que ça a besoin de dire et en même temps, être dans quelque chose qui peut faire kiffer quelqu’un maintenant, même s’il ne connaît pas le concept, c’est un beau numéro d’équilibrisme quoi.
Leeroy : C’est ça, c’était le challenge.
LFB : Du coup, l’album vit à travers un motif sonore qui revient quatre fois, d’une émission de radio, on passe à un message de propagande, une publicité. Ce que j’ai beaucoup aimé, c’est qu’il revient une quatrième fois, où c’est les Strangers qui se réapproprient le motif sur Pink Grass qui est clairement un motif d’espoir alors qu’avant, c’était plus un motif générique qui était utilisé de manière plus ou moins positive en fait.
General Elektriks : Absolument. Je ne sais pas trop quoi rajouter à ça parce que tu l’as très bien décrit. C’était ça l’idée, qu’on pose des jalons avec ce motif. Au début, ça nous permet d’introduire notre monde, la première fois avec Lateef et Leeroy qui introduisent leur personnage et Aline qui fait carrément un petit speech au début qui permet de situer le concept dans le futur, etc. Après, comme tu le dis, il y a le petit message de propagande et la pub pour le concert des Strangers. Mais, c’était important pour nous que ça devienne un vrai morceau, que ça s’ouvre et que les gens puissent retirer quelque chose de ce disque sur la fin de l’écoute, qu’il soit émotionnellement, qui t’engage quoi. C’est ce qu’on a essayé de faire. Si c’est réussi ou quoi, je ne sais pas mais j’aime bien cette idée que ça semble être un petit gimmick limite un peu gadget pendant le disque et puis qu’à la fin, ça s’ouvre avec quelque de plus profond et ça devient un morceau quoi.
LFB : Surtout, il y a différentes couleurs. Tu as le message de propagande un peu flippant, tu as la pub qui dit Les Strangers vont jouer en live, venez les voir. Je trouve que le morceau, c’est un morceau de fin foncièrement positif et qui invite les gens à l’ouverture mais aussi à la réflexion.
General Elektriks : Ouais, tout à fait. Exactement. C’est un morceau sur la mortalité aussi tu vois. C’est un morceau existentiel. On a mis ça dans le futur en se disant, bon bah dans le futur, t’es toujours quelqu’un de très mortel, qui ne reste pas très longtemps sur la planète Terre ou sur une autre planète d’ailleurs. Donc profites en tant que tu es là et essaie de propager l’amour autour de toi quoi.
LFB : J’aime beaucoup la science-fiction. On parlait d’utopie, de dystopie. Moi je trouve que vous avez évité un écueil de la SF qui arrive souvent, c’est que c’est soit tout noir, soit tout blanc. J’ai l’impression que vous, vous avez un peu exploré la zone grise qu’il y a au milieu. Qu’il y a une recherche de nuances.
Leeroy : C’est vrai qu’au début, on l’a simplifié. Et je crois qu’on s’est projetés en se disant, ok, on est 200 ans plus tard, est-ce qu’il y a énormément de choses qui auront changé ? Je crois qu’on s’est accrochés à ce qui sera encore là en fait. D’où la mortalité. En tout cas, il y aura toujours cette idée de date de péremption, quelque chose comme ça. Il y aura toujours des groupes de musique. Bah nous, on en est un dans 200 ans. On fait des tournées, on raconte notre quotidien.
General Elektriks : C’était une idée à toi d’ailleurs. Le concept qu’on est un groupe dans le futur. Le concept au début était un peu différent.
Leeroy : Justement, on serait peut-être tombés dans un truc…
General Elektriks : Effectivement, tu as raison, ça aurait sans doute été un peu plus sérieux, un petit trop manichéen. Je pense que cette idée, ça nous a permis d’être nous-mêmes dans le futur et donc de rester sur un quotidien, de décrire autant que possible un quotidien, des choses rigolotes, d’autres un peu moins. Exactement ce que tu dis, les zones grises et pas être trop dans quelque chose d’un petit trop caricatural, même si la culture populaire… C’est normal, il y a de ça. Tu vas dans le fluo, dans les exagérations. Je pense qu’on le fait aussi mais on a fait attention, même avec ce concept de base tu vois. Ca, c’est aussi… Toi qui a poussé là-dessus et je trouve ça super, Lateef était aussi là-dessus, de ne pas trop se dire : ok, le voyage, c’est effectivement mortel, moi j’y crois vachement à ce concept que si les gens, tu les mets en contact, il y a forcément un truc positif qui se passe quoi. C’est la meilleure manière de combattre les préjugés, etc. J’y crois vraiment mais en même temps, bon, si tu imagines un futur où les gens sont forcés à voyager, alors non.
Leeroy : On s’est dit que peut-être qu’il y en a qui ne voudront pas parce que c’est la nature humaine.
LFB : Le truc positif devient négatif.
Leeroy : Mais c’est ça, comment tu peux imposer un monde meilleur ?
General Elektriks : Et en même temps, ce qui est intéressant je trouve justement, c’est que pour avancer, souvent tu es obligé de réguler. On est tellement sur la planète ou dans un pays, que si tu n’as pas des lois, ça peut devenir très vite très compliqué. Donc l’idée de la régulation, par exemple pour la finance, etc., c’est quelque chose auquel moi je crois vachement. Donc là, cette idée de régulation, vous êtes forcés de voyager, elle peut être justifiable tu vois mais ça représente quelque chose de l’ordre d’il y a un ministère, une police qui s’assure que les gens font leur voyage annuel, donc on rentre dans un truc qui est potentiellement de l’oppression quoi.
LFB : Finalement, même si tu annihiles les guerres, tu as toujours de l’oppression et un contrôle qui vient attaquer les gens. C’est aussi tout le propos de l’album de dire que ce qui fait le bonheur des uns ne fait pas forcément le bonheur des autres.
Leeroy : Et puis n’importe quel concept, que cela soit celui-là ou un autre, tu auras toujours je pense dans le futur des pour, des contres, du début et différentes visions de voir le quotidien.
LFB : La science-fiction a toujours servi à alerter et grossir le trait sur certaines choses. Est-ce que ce n’est pas un peu flippant de se dire qu’en 2023, tu n’as pas besoin de grossir le trait sur tout ce qui part en sucette ? Finalement, ce qui était une idée conceptuelle en 1980…
General Elektriks : Complètement, et d’ailleurs, ça m’a fait ça quand j’ai revu Akira. J’ai eu la chance de le revoir sur grand écran il n’y a pas longtemps. J’ai repris une claque incroyable et je me suis dit à quel point c’est insensé pour un film du début des années 90 d’être visionnaire. Il y a plein de choses qui ne sont pas arrivées bien sûr mais quand même. Children of Men aussi. C’est un film aussi où je me dis qu’on n’est vraiment pas loin de notre réalité actuelle. Effectivement, le disque marche sur cette ligne-là.
LFB : Même des films comme Steak de Quentin Dupieux. On est vraiment sur des trucs… L’album crée une caisse de résonance mais vous n’avez pas besoin de pousser plus que ça quand tu dis qu’on crève de chaud mais que tant qu’il y a du Coca et du Subway, tout va bien.
Leeroy : C’est ça, en écrivant ça, je me suis dit, putain, il y aura encore Coca quoi. Qu’est-ce qu’ils vont boire ? Qu’est-ce qu’ils vont manger ? Ils vont manger des sandwichs et boire du Coca, encore. C’est l’idée de se dire qu’on n’a pas sauvé le monde quoi. Le monde sera qui ce sera avec ses défauts et ses qualités.
LFB : Comme tu le dis, c’est toujours de la nuance et toujours de l’humour qui permet de désamorcer.
Leeroy : Ouais, décalage, quoi qu’il arrive. Petit pas de côté, petite auto-analyse, comme si on le faisait aujourd’hui, grossir le trait mais au-delà, avoir un regard décalé sur le quotidien.
General Elektriks : Ouais, et musicalement, je pense qu’aussi, sur les deux plans, on s’est dit ça. Le concept, ok. Jusqu’où on peut aller avec ce concept ? On ne se prend pas trop au sérieux en le faisant. Et au niveau de la réalisation du concept musicalement, l’idée ce n’était pas de tomber trop dans un truc rigide tu vois, qui doit absolument servir le propos. Si, on sert le propos, on essaie. Par exemple, on n’est pas partis dans un truc où s’est imaginé la musique en 2222. On s’est dit qu’on allait viser un truc plutôt sans ère, qui pourrait marcher maintenant, qui pourrait marcher dans le futur, qui aurait peut-être pu marcher il y longtemps. Mais quelque chose qui est une espèce de mélange du passé, du présent d’une certaine vision qu’on pourrait avoir de l’avenir.
LFB : Tu parles de musique. Ce que j’ai beaucoup aimé, c’est qu’il y a des patterns et des réflexions qui sont très General Elektriks avec les synthés et tout mais je trouve qu’il y avait un vrai défi dans ce que tu as fait, c’est qu’il y a des morceaux très hip hop où tu as beaucoup plus creusé le beatmaking et les percussions. Est-ce qu’il y avait un challenge dans le ping-pong que vous avez fait ensemble à te rapprocher de leur style musical et de chercher des trucs qui sont beaucoup plus percussifs.
General Elektriks : Carrément. Déjà, je veux dire que Leeroy a participé aussi au niveau des progas. Sur Please Believe, sur Lullaby of San Angeles. Mais le reste, effectivement, au niveau de tout ce qui est beatmaking, c’est venu de moi.
Leeroy : Il a cette culture-là, il connaît le hip hop.
General Elektriks : J’ai aussi cette culture-là ouais. Mais c’est vrai que jusqu’à maintenant, pour moi, c’était un des éléments dans General Elektriks et pour moi, c’était hyper satisfaisant d’enfoncer cette porte-là plus. Parce que j’avais deux cadors avec moi et c’était possible d’aller plus loin dans ce truc-là et de savoir que ce qui allait se passer vocalement dessus allait être crédible et allait tout déchirer. Moi, vocalement, je ne me sens pas de pousser trop l’aspect hip hop parce que je ne suis pas rappeur. C’est un des ingrédients et je suis avant tout mélodiste, etc. Mais là, c’était vraiment une occasion de s’éclater tous les trois et pour moi, d’aller plus loin dans ce truc-là.
LFB : La construction des morceaux s’est faite en ping-pong internet ?
Leeroy : Exactement.
LFB : Est-ce que, quand vous receviez, il y avait de la surprise et des choses inattendues ?
General Elektriks : Carrément. Pour moi, c’était de belles surprises, tout du long. C’était hyper rafraîchissant, d’être de nouveau dans une collab’. Déjà, d’être dans une collab’, je trouve ça génial, surtout quand tu choisis bien tes collaborateurs. Moi, je suis en admiration totale devant Leeroy et Lateef, donc à chaque fois qu’ils m’envoyaient quelque chose, j’étais waouh. Ce n’était pas ce que j’avais nécessairement imaginé mais c’était encore mieux en fait. Ça m’emmène encore ailleurs que là où je pensais que le morceau allait aller. Ça me donne une autre idée pour. Lateef, c’est aussi un super mélodiste donc il lançait des idées auxquelles je ne m’attendais pas.
Leeroy : Ouais, il peut vite mettre des chansons sur des rails quoi. Partir dans une direction, alors que tout est ouvert et malheureusement, parfois dans la création, quand c’est trop ouvert…
General Elektriks : Ouais, vraiment. Et par exemple, le deuxième couplet de Chasin’ Sunshine… Je l’imaginais comme un truc où ça allait vraiment être l’approche qu’a prise Leeroy, une approche vraiment rappée et en fait, ce qu’a livré Lateef, au début, j’étais là, ah ouais ? Mais attends. Et au fur et à mesure, je l’ai écouté et c’était hyper bien. C’est vraiment différent, il chante au début de ce couplet et après il se met à rapper et il rentrer dans un flow. La lumière que ça a mis sur la musique et sur le beat est très différente de la lumière que toi, tu as mis. Du coup, ça rend le morceau d’autant plus riche. Ça, c’est un exemple de surprise. Il y en a eu plein, plein, plein. Sur tous les morceaux pour moi.
LFB : Le fait d’avoir un album qui est polyglotte, au-delà de servir le propos de l’histoire, ça permet aussi de servir le propos de la musique parce que ça ne va pas être le même flow, ça ne va pas être la même sonorité. Ça permet de faire avancer les morceaux dans l’inconnu et dans quelque chose dans l’émotion, qui peut être très explosif mais aussi très mélancolique selon ce que vous en faites.
General Elektriks : C’est très intéressant ce que tu dis. Je ne l’ai même pas vraiment pensé en ces termes-là mais c’est vrai, tu as raison. Carrément. Tu exprimes quelque chose de différent même avec les sonorités d’une langue. Tu vas dire certaines choses dans une langue, tu vas le dire d’une autre manière. D’ailleurs, on est en train d’essayer de traduire tes couplets pour les mettre traduits en anglais sur le site et je galère en fait.
Leeroy : Ouais, tu te dis : comment retranscrire l’émotion de cette image ?
General Elektriks : Tu es obligé de changer le truc, de faire une espèce d’adaptation. Tu ne peux pas traduire vraiment en fait.
Leeroy : C’est en ça qu’on n’a pas limite dû forcer le trait pour garder notre futur sans frontières et machin. Juste parce que c’est déjà bilingue, il y aura pu avoir une troisième langue, ça aurait été sympa.
General Elektriks : Ouais, d’ailleurs on a essayé d’avoir des rappeurs. On a contacté des gens. Finalement, ça ne s’est pas fait mais je pense que ça va se faire à l’avenir.
Leeroy : Dans les featurings, amener quelque chose…
LFB : De l’allemand.
General Elektriks : Ouais, exactement. On avait contacté une rappeuse allemande, une rappeuse japonaise…
Leeroy : Et sans dire grand-chose, tu dis beaucoup de choses juste avec cette idée polyglotte.
LFB : Ouais parce que juste en termes d’utilisation des images ou des choses qui vont être dites beaucoup plus poétiquement en français et frontalement en anglais… Je trouve que c’est l’une des grosses réussites de l’album, c’est fluide. Tu ne te poses pas la question. L’album, tu es pris dedans.
Leeroy : C’est cool, parce que même en le faisant, on ne se posait pas la question.
General Elektriks : Ouais, nous, ça nous a semblé normal. Et à vrai dire, ça me semble presque bizarre que ça n’ait pas été fait avant.
Leeroy : C’est ça, parce que quand tu regardes, je me dis que je n’en connais pas non plus.
General Elektriks : Toi, tu avais participé à ce truc de RZA, mais c’est différent parce que c’est un producteur qui a fait appel à de multiples collaborateurs. Mais un groupe, comme ça, avec deux langues, je crois que ça n’existe pas. Enfin, je ne suis pas sûr. Ça me paraît étrange que ça n’ait pas été fait avant.
LFB : Est-ce que ça ne vous fait pas flipper que ce ne soit pas un album qui vive dans le présent mais qui soit plus accepté dans le futur ?
General Elektriks : Tu sais, franchement, je me suis un peu posé la question mais pas en le faisant. Sur la fin, une fois que tu as le bébé, tu prends un petit peu de recul et tu te dis, qu’est-ce qu’on a fait exactement ? Je me suis dit que c’était un drôle d’ovni parce que c’est vrai que personne ne fait ça. Je pense qu’en France, peut-être qu’il y a des gens qui vont connecter sur ce que fait Leeroy sur le disque mais qui vont moins connecter avec cet aspect mélangé tu vois.
Leeroy : Moi, je pense que les gens sont prêts. C’est normal pour eux d’écouter de la musique avec plusieurs langues et tout. Je pense que c’est certains médias qui vont se poser la question : mais ça parle à qui ? Tu sais, ce fameux cœur de cible. C’est pour quoi ? C’est pour qui ? Quand je dis les médias, c’est plutôt le côté marketing, ce côté cœur de cible.
LFB : Mettre ça dans des cases.
General Elektriks : Voilà, mettre ça dans des cases.
LFB : Là, l’album explose toutes les cases. Même en termes de sonorités parce que tu as des trucs beaucoup plus funk et des choses…
Leeroy : Plus hip hop, plus ceci cela. Mais les gens sont prêts.
General Elektriks : En fait, tu as raison. C’est plus une question de relai en fait. Qui au niveau médiatique va être prêt à relayer cette info-là ? Être prêt à porter ce truc, parce que c’est vrai que ça ne rentre pas dans des créneaux qui sont plus faciles à suivre.
LFB : Le relai ne se ferai pas plus facilement par le live finalement ?
Leeroy: Mais carrément, parce que ça, ça parle. L’idée de la performance. Souvent, tu vas voir des trucs et tu ne sais pas à quoi t’attendre. Tu kiffes juste parce que tu prends la vibe. Que tu comprennes, que tu ne comprennes pas. Tu prends l’énergie et nous on veut aller vers ça.
General Elektriks : Ouais, je suis impatient de réarranger ça. On commence à bosser d’ailleurs la semaine prochaine sur des réarrangements des disques pour le live. Je sais qu’avec ces deux gars, ça va être terrible sur scène. Ouais, partager ça et puis voir ce que ça fait aux gens, voir ce qu’eux nous donnent. Comme tu dis, je pense que les gens sont prêts. A mon avis, ça va être une belle fête, j’espère.
LFB : Ça va attirer des publics un peu différents aussi. Il y a des gens qui vont venir pour la pate de General Elektriks, d’autres pour ton flow ou pour celui de Lateef. Moi, la question que je me pose, c’est : est-ce que c’est un album que vous avez prévu idéalement de faire tourner aussi en dehors de la France ?
General Elektriks : Ouais, l’idée, c’est de jouer aux US aussi vu qu’il y a Lateef dans le groupe. Après, on ne va pas forcer le trait non plus parce qu’il y a un truc qui s’appelle les finances. Il faut faire en sorte que ça soit crédible d’un point de vue budget pour nous de faire ça. Mais on aimerait bien y aller. On aimerait bien y aller avec la formation qu’on est en train de monter là. C’est-à-dire ne pas faire ça au rabais. Il y aura un des batteurs de General Elektriks, Thomas qui sera avec nous et un DJ exceptionnel, un pote à toi, qui sera aux platines. Moi, Lateef et Leeroy. Et donc contrairement à General Elektriks, il ne va pas y avoir une réinterprétation totale de toutes les sources, de tous les signaux musicaux mais ça va être quand même extrêmement live et ça aura un pied dans quelque chose d’instrumental et un pied dans cette culture de hip hop mais qui est aussi dans la performance parce que ce sera avec des platines et c’est un vrai performeur, un musicien sur des platines.
LFB : Il y aura un côté très organique quand même.
General Elektriks : Ouais voilà, ça sera très organique, c’est sûr. Il n’y aura pas de séquences. On aimerait bien emmener ça aux US aussi. Donc, ça coûte un peu plus d’argent de faire ça mais non, je pense que ça va le faire.
Leeroy : C’est l’idée ouais. Et puis, il y aura des festivals, des machins. On va être parmi plein de choses différentes et imposer notre ovni.
LFB : Et visuellement, vous l’imaginez comment ? Parce qu’il y a un côté très futuriste forcément mais est-ce que vous imaginez des tenues de scène ?
Leeroy : Les gens sont tout nus dans le futur (rires).
General Elektriks : On a réglé le problème.
Leeroy : Écoute, on est en train d’y réfléchir.
General Elektriks : Ouais, ce n’est pas encore tout à fait réglé. On est plus sur la zik là encore.
Leeroy : Mais ça va venir. Il y a un truc qui va émerger. Et puis, on a des visuels tellement fort. Comment on va les retranscrire ou pas ?
General Elektriks : Mais ceci dit, tu as raison. C’est une vraie question parce que comme on crée ce petit monde dans le disque. Sur scène, ce serait bien qu’il y ait quelque chose de cet ordre-là qui se passe. On va voir.
LFB : Je me souviens des live de General Elektriks, sur la dernière tournée, c’était incroyable.
Leeroy : Ouais, visuellement, ça pète quoi.
General Elektriks : C’était super, effectivement. Ça aurait pu marcher. Parce qu’il y a un côté un peu SF, moderniste, minimal.
Leeroy : Ouais, je suis d’accord.
LFB : Je me souviens du Trianon, c’était une belle expérience.
General Elektriks : Ah c’est cool ça. Merci. Moi aussi, j’ai un super souvenir de cette soirée-là.
LFB : Quelles sont les œuvres de science-fiction auxquelles vous voudriez rattacher cet album ? Dans une bibliothèque culturelle idéale, à côté de quoi vous le mettriez ?
General Elektriks : Pour moi, ça serait à côté d’un film qu’aurait fait John Cassavetes s’il avait fait une dystopie avec un soundtrack de Curtis Mayfield avec featuring de Rakeem.
Leeroy : Moi, je dirais dans un truc un peu fou, genre les Gardiens de la galaxie. On est tout de suite dans l’espace, avec des bêtes bizarres, dans un truc rétro-futuriste qu’on a essayé d’éviter pour le coup mais j’ai adoré Star Trek quand j’étais petit tu vois. D’ailleurs, qui ont été précurseurs sur pas mal de trucs. Je regardais les trucs un peu cheap comme Cosmos 99, Buck Rogers, ces choses-là un peu… Mais pour le coup, on est dans l’espace, dans le futur mais dans la façon d’avoir du décalage parce qu’il y a beaucoup d’humour dans ces choses-là. ThunderBirds. Il y avait l’équivalent japonais qui s’appelait Bomber X. Un peu dans tout ça pour le décalage qu’avaient les réalisateurs et ceux qui ont écrit ça.
LFB : Ça pourrait être les Gardiens de la galaxie réalisé par Terry Gilliam aussi.
General Elektriks : Ouais, mais grave, c’est très bien ça. On dira ça la prochaine fois qu’on nous posera la question.
Leeroy : Ouais, pas mal.