Population II : Électrons libres du cosmos

À tous les amateurs de fuzz et d’envolées psychédéliques : c’est le retour des trois comètes montréalaises de Population II avec leur nouvel et deuxième album Électrons Libres du Québec. En 2020, le power trio d’un autre monde accouchait chez Castleface Records d’une première constellation nommée À La Ô Terre. Nous voilà aujourd’hui-même, trois ans plus tard, avec la suite de leurs pérégrinations étoilées chez Bonsound. Un exquis et violent mélange de free jazz sous acide, de psyché spatial et de krautrock intersidéral. Écoute intégral et analyse.

Le premier opus, À La Ô Terre, paru en 2020 chez Castleface Records (label de John Dwyer des Osees et de Brian Lee Hughes) apparaissait déjà comme une puissante prouesse sonore et technique. Discret mais tout de même imposant, ce premier album manifestait fortement la maitrise avec laquelle les trois garçons mixent, mélangent et condensent les genres et les styles. À l’heure de la génération « librairie internet », où il est facile pour un groupe ou un artiste de recracher facilement les influences et les références choisies machinalement, nos trois amis de Population II outrepassent les limites, les frontières, les barrières et les codes avec aisance et virtuosité.

Population II est composé du chanteur et batteur Pierre-Luc Gratton, du guitariste et claviériste Tristan Lacombe et du bassiste Sébastien Provençal. (Crédits photos : Didier Pigeon-Perreault)

Électrons Libres du Québec affiche la couleur dès le premier morceau. Orlando est un moteur qui chauffe. Un monstre, une créature qui se réveille doucement. C’est un décollage vers d’autres galaxies. Fils spirituels de King Gizzard & The Lizard Wizard ou encore des Osees (avec qui ils viennent de tourner dans le nord des États-Unis), les gars de Population II posent dès le début de cet album les bases de leur recette secrète. La présence notable d’influences jazzy et même prog, doublée d’un dynamisme incroyable, nous emporte directement dans un tourbillon infernal et psychédélique.

On enchaine avec la track C’t’au boute. La claire et nette impulsion krautrock du groupe se manifeste rythmiquement comme une évidence. Les breaks et les grooves de batterie nous transportent dans ce qui devient une irréelle et fantastique cavalcade garage fuzz, quelque part entre Black Sabbath et certains groupes obscurs des années 60.

La troisième chanson de ce deuxième opus, C.T.Q.S, fait indéniablement penser à ce que des groupes comme CAN anciennement, ou plus récemment Slift et King Gizzard comme mentionnés plus haut, auraient pu ou pourraient composer. L’assemblage de ce funk lunaire, de cette pop 60’s psychédélique et de ces explorations spatiales est d’une vitalité déconcertante. Force et mouvement sont les maitres mots dans cette effervescence musicale, et les expérimentations structurées des trois garçons donnent indéniablement naissance à un rock protéiforme et vigoureux.

Après les invocations païennes de la chanson précédente, le band nous guide jusqu’à Beau Baptême, un des singles précédemment sortis. Promenade introspective au milieu d’un jazz rock fusion sous influence. Entre les lignes de basse rondes et impeccablement plaquées et la guitare flânant tantôt violemment, tantôt tendrement dans des gammes mineures, le résultat est beau, inquiétant, démoniaque et transcendantal.

La suite s’embrase brutalement dans un heavy punk fuzz survitaminé avec Tô Kébec. D’une fureur redoutable et titanesque, le groupe s’affirme et prouve haut et fort la transversalité aérienne du projet.

Avec Lune Rouge, l’univers inquiétant et désolé que le trio dessine devant nous devient presque visuel. L’ambivalence entre la poésie des paroles de Pierre-Luc et l’ambiance post-apocalyptique de la composition instrumentale dynamite notre petit confort et nous plonge profondément en terre inconnue.

Le « peak time » de l’album arrive avec Réservoir. Un intense décollage psyché, tel un surpassement de soi, se produit avec finesse et subtilité. C’est une course contre la mort, avec le temps, vers la vie, qui se produit. C’est ça, Population II, la force, la précision et l’harmonie.

Rapaillé, avant dernier morceau de cet incroyable et déroutant album qu’est Électrons Libres du Québec, est une démonstration incroyable de technique et de maitrise instrumentale. Comme une prière pour réveiller d’anciens dieux, ou comme un passage dans quelques paradis artificiels, les synthés et la guitare de Tristan nous criblent, nous frappent, nous envoient contre la basse hyper « tight » et groovy de Sébastien, qui elle nous pilote sur les saccades rythmiques et sur la poésie de Pierre-Luc.

Le final extatique et cathartique Pourquoi Qu’on Dort Pas survient sans prévenir. Cette fin fantomatique et sombre, oscillant entre parties abrasives et notes d’espoir, fait métaphoriquement penser à une fin du monde certaine. L’aboutissement chaotique de ce chef d’oeuvre absolu et surréaliste, à mi-chemin entre free jazz, rock expérimental et psyché, traduit d’une certaine volonté d’action sur soi, sur le monde, sur l’environnement, malgré tout.

Tel un mastodonte, Population II nous transperce et nous écrase furieusement. La maitrise technique et la puissance, dont font preuve les trois montréalais sur Électrons Libres du Québec, ramènent un vent de fraîcheur sur la scène rock indé et psyché. Leur musique polymorphe, associée à leur poésie francophone assumée se marient à la perfection et font de la justesse globale du projet un atout majeur et charmeur.

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