BLANK\\, drôle de nom pour drôle d’oiseau. Si demain sort son premier EP, Inconsistent People, c’est avec grand plaisir qu’elle a accepté de vous le dévoiler aujourd’hui sur La Face B. Cinq titres aussi obsédants que frappants. Une dose de mal-être sur lit de misanthropie, bienvenue dans l’univers un peu barré de cette jeune femme décolorée et tatouée.
Il y a quelques semaines, c’est en première partie de DEADLETTER que nous avions la chance de la découvrir enfin sur scène. Au POPUP!, seule devant une foule amassée pour les anglais, Manon Pédrono alias BLANK\\, ne s’est pas démontée et nous a livré un set aussi dark qu’explosif. De ses grands yeux, elle nous fixe, se détourne, lâche quelques mots, un petit « fuck », puis disparait derrière sa guitare et sa boîte à rythmes. Elle se cache autant qu’elle s’expose. Si l’artiste passe la moitié de son temps au milieu de la foule, virevoltant avec les mots et les regards, on ne peut pas s’empêcher de penser que c’est pour mieux se fondre parmi nous.
Il y a chez elle un « je ne sais quoi » semblable au duo Gwendoline; une gêne mêlée à une flegme et une franchise jouissive.
Car BLANK\\ semble avoir un souci avec les humains et elle ne se gêne pas pour le chanter. De ses amitiés toxiques à ses amours merdiques, tout le monde en prend pour son grade.
L’EP Inconsistent People, qui sortira chez le label belge Luik Music, s’ouvre avec CLEAN et c’est sans aucun doute le morceau qui nous a tout de suite fait adhérer à l’univers de BLANK\\. Un riff de guitare qui revient, inlassablement, et toute la haine de l’artiste envers les hommes. Mais si, vous savez, ceux qui s’accaparent nos corps, qui les dégradent, les mutilent. Qui les violent. Car c’est bien suite à une agression sexuelle subie à Brighton que la musicienne écrit ce titre. Violent, saccadé et sublimement noise. Le boom boom revient à nos oreilles tandis qu’elle assène « boys will be boys ». C’est crade, c’est techno, c’est la vie d’une femme en 2023.
Puis, GOOD FOR YOU survient. Quelques mots qui reviennent sans cesse, tandis que les basses imprègnent nos corps et nos esprits. Un titre métallique, industriel et profondément douloureux. À écouter un verre à la main, ou pas.
Avec GOOD F(r)IENDS, l’histoire – classique – des amitiés qui se défont, entre en jeu. Et si on enlève le R à « friend », alors la personne aimée se transforme en monstre. BLANK\\ joue ainsi avec les mots mais aussi le rythme, revendiquant dès l’introduction un rythme décalé, jouant sur l’ambivalence des relations humaines. Un jour, tu seras ma meilleure amie, le lendemain tu seras la plus pourrie. La musicienne laisse retentir sa voix, languissante et trainante, tandis que le battement s’accélère, s’accélère. Jusqu’à la fin. De l’amitié.
Pour rester dans la noirceur la plus intime, nous nommons THREE-HEADED MONKEY. Avec ce morceau, BLANK\\ part du proverbe si bienveillant « Live, love, laugh » pour évoquer la dépression, l’automédication et aussi l’autodérision. La basse, omniprésente impose le tempo tandis que les sons se font texturés.
Finalement, l’artiste conclut avec langueur et mélancolie. ZUUNZ (on vous parlait déjà du clip ici), apparait alors comme un morceau indolent, où le milieu musical se voit un brin écorné.
BLANK\\ construit avec Inconsistent People un premier EP lourd de sens, où les mélodies lacèrent et vocifèrent. Sur fond de musique répétitive et presque anxiogène, le mal-être rencontre la misanthropie et la langueur, pour un résultat détonnant.
Composé, arrangé et performé par la musicienne, ces cinq titres, difficilement descriptibles, alternent entre le post-punk crade des caves et la noise la plus pure. Régler ses comptes, s’époumoner dans son micro, BLANK\\ se fout de tout et surtout de nous. Et putain, ça fait du bien.