Une fois encore (mais jamais de trop), c’est du côté de la Loire qu’on retrouve nos nouveaux chouchous. En exclusivité sur La Face B, le trio angevin Rest Up nous dévoile aujourd’hui son second EP : It Was Summer, attendu officiellement le 17 novembre . Six titres pétris de candeur, de rage et d’espoir. Du haut de leurs vingts ans, les musiciens embrassent avec sincérité et virtuosité la scène musicale actuelle. À placer entre Ditz, Gilla Band et les Psychotic Monks. Superbe.
Crédit : Ivan Vassili-Chamaillard
À chaque nouvelle chronique, la même crainte : comment retranscrire au mieux ce qui me saisit ? Comment parler d’émotions sans trop parler de moi ?
Je ne sais pas. Je tâtonne et je trébuche. Jusqu’à la prochaine fois.
Il y a quelques semaines, je reçois un message privé sur Instagram, me demandant si je suis intéressée pour parler en exclusivité de l’EP de Rest Up : It Was Summer. Si je reconnais le batteur, Hugo, car officiant aussi dans BERMUD, je suis totalement étrangère à ce groupe formé fin 2021. Étonnant, car ils sont pourtant d’Angers Village, cette ville proche de la Loire, qui m’accueille environ une fois par mois (en alternance avec Tours). Je lance alors l’écoute. Six titres et 23 minutes. Ou presque. C’est une affaire de secondes. Que je me plais à transformer délicatement en heures, passant du premier morceau au dernier, sans jamais m’arrêter. Un jour après, je confirmais, évidemment, mon engagement.
L’engagement. Celui qui me pousse à écrire des heures durant, sur mes heures de sommeil. Celui qui me transporte toujours plus loin, vers des villes inconnues et des concerts exaltants. Mais aussi celui qui m’amène à faire deux concerts le même soir. À faire côtoyer Tours et Angers, Opac et Rest Up, le temps d’une soirée. En effet, le 3 novembre, après un concert des tourangeaux à la Maroquinerie, je redescendais d’un pas ferme la Rue de Ménilmontant pour découvrir en live mon nouveau groupe chouchou : Rest Up. Et quelle claque ! Quelle fougue ! Tout s’enchaîne parfaitement, dans une ambiance explosive.
Rest Up à l’International le 3 novembre par Loélia
C’est après avoir parlé des heures durant avec eux, devant ma salle de concert préférée, avec les morceaux encore en tête et leurs sourires dans mon cœur que j’ai su que je les aimais déjà. Alors, quelle fierté, quelle joie, de représenter pour quelques jours, pour quelques heures, leur EP It Was Summer.
Évidemment, il a été enregistré à La Cuve (Angers) par Elliot Aschard (BERMUD) et Stew (Limboy) avant d’être mixé par Daniel Fox (Gilla Band) et masterisé par Jamie Hyland. Rien que ça !
Dès l’ouverture avec SUBMERGED LULLABY, me voilà conquise. Au sein d’une ambiance brumeuse, sous des nappes de guitare, s’élève délicatement la voix de Simon. Courte introduction à PERFECT LIES, d’où semble s’échapper plusieurs morceaux. Tout de suite, l’urgence et les riffs acérés, les voix aériennes et les chœurs spirituels. Il faut aller vite, contrer la porosité de la vie, enlever le masque et effacer les mensonges. Car avec It Was Summer, le trio Rest Up s’exprime, exhibant fièrement cette jeunesse fatiguée. Fatiguée de faire semblant, usée, déjà, de ne plus comprendre le monde. Alors, sous des accords joyeux et lascifs puis bruyants et rageurs, PERFECT LIES nous transporte, déjà, vers la fin. Enfance, adolescence, innocence.
Rest Up tente le jeu de l’introspection et de la remise en question. Ça éclabousse, ça secoue mais putain, ça vaut le coup. Et TIES AND POCKET SQUARE en est l’exemple même. Rafales de noise, clip halluciné (dont je vous parlais déjà ici), les musiciens n’ont peur de rien et s’affranchissent des règles. Piochant du côté de Gilla Band mais aussi de Ditz, ils construisent un titre haut en couleur, pour une vidéo en noir et blanc. Vagues de basses, guitare enjouée et un zeste de colère : voici les ingrédients pour un titre parfaitement réussi. La tension s’accumule tandis que les mots sont hurlés : « I won’t go for another fucking day / I won’t go for another fucking time. »
Puis, survient discrètement FORBIDDEN PLANET. Évoquer alors le temps qui s’échappe et la maison familiale qui bientôt ne sera plus. Il est temps de quitter le cocon, quitter. Et tandis que la guitare s’agite, survient la basse qui grogne et les mots jetés : « Another view from my place ! / Another life outer space ! ». Tandis que les instruments se cherchent et se trouvent, se frottent et s’égratignent, la voix masculine prend de la hauteur, teintant le morceau d’une certaine candeur désarmante.
Mais c’est pour mieux nous emporter vers EXUTORY. Un titre massif et surprenant. Je suis happée dès les premiers instants par l’omniprésence de l’électronique, le climat anxiogène et le cri d’une femme. Cri retravaillé jusqu’à devenir un motif abstrait. S’inspirant de faits réels, Rest Up aborde ici la question des violences conjugales, tout en prenant le point de vue de la victime. Simon, guitariste, chanteur mais aussi compositeur, s’exprime : « Le morceau traite de la banalisation quotidienne de tous types de violences (…). Que ce soit il y a dix ans comme aujourd’hui, la violence est devenue quelque chose de normal dans les médias (…) et il y a une certaine inaction et indifférence face à ces violences, c’est révoltant ! »
Sans aucun doute, il y a du Psychotic Monks avec EXUTORY. Et lorsque les sonorités électroniques laissent place à la violence des instruments, que guitare, basse et batterie se déploient, alors je m’incline. Je pense un peu à Péniche pour la partie instrumentale et je décolle avec Ditz lorsque le chant se fait vibrant. Une dernière explosion, une dernière rafale de basse, une dernière distorsion. Une. Dernière.
Finalement, l’EP se conclut avec It Was Summer, mon morceau préféré. Plus de sept minutes de douceur et de vacarme. La voix d’Hippo rejoint celle de Simon. Elles sont graves et cassées, elles dictent les choses et les émotions. Une fois encore, les Monks ne sont pas loin tandis qu’« Everything is gone now » revient, tel un mantra et que la déflagration se fait. Douloureuse, immédiate mais bienfaitrice. C’est une fêlure, que chacun se partage. Les voix se confondent et se mélangent. Guitare et basse rugissent tandis que la batterie ne cesse jamais, de plus en plus vite, de plus en plus fort de marquer l’instant. Jusqu’à l’arrêt, net.
Rest Up à l’International le 3 novembre par Loélia
Toujours sur le fil, entre des foudres ravageuses et un timbre clair déconcertant, Rest Up exulte. Dévoilant des sonorités radicales, parfois expérimentales, le groupe déverse sa colère et sa rage, sa tristesse et son éclat. Toujours aussi brutale, leur musique s’est néanmoins parée de pudeur et de profondeur. Et c’est en live qu’elle prend tout son sens, lorsque les corps s’allongent et se contorsionnent, que les pieds martèlent le sol et qu’enfin, le silence, religieux, emplit l’espace.
It Was Summer, sorti à peine un an après leur premier EP, Where Is Jackson, se veut plus sombre, plus mélancolique. Ainsi, comme les musiciens le soulignent, « les six morceaux représentent donc six états, du plus clair au plus sombre, du plus léger au plus profond ». Ces états, mouvants et graciles, sont rehaussés par le travail de leur ami et caméraman Ivan Vassili-Chamaillard, qui a imaginé pour chaque titre une pochette différente.
It Was Summer symbolise alors la fin de l’été mais aussi celle d’une époque. Que faire alors de la naïveté, de l’insouciance et la nonchalance ? Peut-être les distiller ça et là, au creux des morceaux, afin de les garder toujours dans un coin de nos têtes. It Was Summer surprend et fascine, nous attirant vers des lieux insoupçonnés, entre le grésillement d’une guitare et la caresse des mots murmurés, entre l’altercation des images mentales et des sons furieux.
Rest Up signe avec It Was Summer un EP empreint de promesses et de doutes, de victoires et de défaites. À écouter toujours plus fort, lorsque notre été passé nous manque aussi un peu.
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L’EP It Was Summer sortira le 17 novembre et sera prochainement disponible en CD ainsi qu’en K7 (Idiotape Records).