Gaétan Nonchalant : « 90% de mes compos me viennent dehors »

Nous avons eu la chance de rencontrer Gaétan Nonchalant pour parler de la sortie de son premier album Changement de Programme. L’ambiance est étonnante car nous sommes seuls au centre d’un bar en pleine préparation du dia de muertos mexicain. Ça tombe bien, transformer quelque chose de triste en un sentiment lumineux, c’est exactement notre sujet.

La chronique est à lire ici.

Gaétan Nonchalant crédit Jonathan Le Monnier

La Face B : Salut Gaétan, alors dis moi, on se sent comment un mois après la sortie d’un premier album ?

Gaétan Nonchalant : Ça fait du bien ! Surtout que j’ai mis pas mal de temps à le faire. C’est un aboutissement pour moi. Je suis fier de l’album alors qu’il y a des chansons qui datent. Ça veut dire qu’il a pas tant vieilli pour moi donc je suis très content.

LFB : En effet, l’EP date de 2020. Avais tu déjà toutes les chansons en tête à ce moment là ?

Gaétan Nonchalant : Les dernières chansons ont été écrites en 2020, L’amour est là , Porte ouverte sont les dernières. Les plus anciennes remontent à 2016. On a eu des bonnes retombées, des choses qu’on a pas eu sur l’EP. Le label Objet Disque m’a pas mal aidé. En plus j’aime beaucoup ce que fait Remy et les autres artistes du label.

LFB : Quand on a des chansons depuis longtemps comme ça, on ne s’en lasse pas ?

Gaétan Nonchalant : Celles dont j’en ai eu marre je les ai pas mises. Il y en a pas mal, j’en fait plein. Il y en a que je ne montre pas. Peut être que dans 10 ans je me dirais qu’elles sont trop cools, je me dis jamais que c’est mort. Mais celles qui sont dans l’album ce sont celles que j’aime toujours autant.

LFB : Je reviens un peu en arrière, au tout début. Quels sont les artistes qui t’ont fait prendre conscience que c’est ça que tu voulais faire ?

Gaétan Nonchalant : Ma première claque musicale, c’est Moby, Play. Mon père avait le disque, je l’écoutais dans sa chambre. Parce que c’est une personnalité cinématographique avec beaucoup d’ambiance et qui a pas tant vieilli en vrai. Après rapidement Pink Floyd vers 11 ans avec le live Pulse, encore pour l’ambiance le truc un peu introspectif. Et puis toute la suite rock, je me suis acheté une guitare Yamaha Pacifica pour jouer le Velvet Underground et je me rends compte à quel point ça m’influence encore aujourd’hui.

LFB : A la base, c’est donc plus la musique que la chanson qui t’intéressait ?

Gaétan Nonchalant : Oui, il n’y avait pas de chanson à l’époque. C’est arrivé tard, j’avoue au début je trouvais ça ringard, ça ne me touchait pas. Mais le premier qui m’a fait changer d’avis c’est Bashung avec Roulette Russe et Pizza avec l’aspect rock anglosaxon. Les textes aussi me parlait vachement avec l’absurde de Boris Bergman ,donc les premiers albums. Et puis ensuite il y a eu Christophe et Nino Ferrer. Celui qui est le plus resté dans mes influences c’est Christophe, ça vieilli pas du tout en fait. Il a toujours était proche de la nouvelle scène avant-gardiste.

LFB : Si l’on devait classer ta musique, tu préfères : chanson française, pop sentimentale ou rock psyché évolutif ?

Gaétan Nonchalant : Plutôt chanson française. Les textes sont importants. Parfois quand c’est psyché les gens s’en foutent un peu du texte. Je préfère partir du mot chanson et puis il y a des accords un peu complexes. Mais parfois quand tu écoutes du Michel Berger, ça à l’air simple comme Ma Déclaration mais en fait c’est bourré d’accords et de subtilités. Donc chanson plutôt.

LFB : On vient de parler de tes influences musicales psyché. l’album a été mixé par Jake Victor qui travaille avec Mockasin par exemple. C’est un langage que vous avez en commun ?

Gaétan Nonchalant : Oui c’est vrai. La scène que j’admire le plus en ce moment, c’est la californienne avec Connan Mockasin en figure de proue qui est un génie, pour moi le meilleur guitariste au monde. Il y a aussi Mac Demarco, Drugdealer. Depuis 2016 j’étais dedans à fond. L’album sonnant un peu comme ça, je me suis dit il faut que je le fasse mixer par un américain. J’ai regarder le dos du disque Abracadabra de Jerry Peper, j’ai vu mixé par Jake Victor. Je lui ai écrit sur son site web il m’a répondu direct. En plus il passait ses vacances en France avec sa femme donc on s’est rencontrés. C’est vrai que j’avais un peu peur de confier un album sur lequel je bossais depuis 6 ans à un mec juste par mail. Le mec était trop cool, ça m’a bien rassuré.

LFB : L’écriture instinctive, c’est un procédé que tu utilises beaucoup ?

Gaétan Nonchalant : Carrément, en cherchant la mélodie en direct, parfois je chantonne en anglais et je n’ai qu’à traduire, ça c’est trop bien. C’est le cas pour l’Amour est là. Parfois quand la traduction ne marche pas, je me dis que ça sortira en anglais un jour. Parfois même, je chantonne en yahourt français, ça c’est une nouvelle skill ( rire ) . Quand je trouve ma mélodie, je trouve mon texte en même temps. Bon, parfois il manque je deuxième couplet et ça peut prendre 3 ans.

LFB : Quand une chanson prend des années, quand est-ce que tu sais qu’elle est finie ?

Gaétan Nonchalant : Oui des fois tu as tout mais tu n’as rien. Mais quand ça vient tel quel, ce n’est même pas moi qui suis juge si c’est fini ou non, le propos est là. Parfois je sens qu’il manque une conclusion mais ça peut être juste une façon de voir les choses et qu’il n’y en a pas forcément besoin. C’est une question d’interprétation. Après souvent je fais des structures pop, couplet / refrain, 3 minutes et puis les morceaux court 1minute 40 ne me dérangent pas, au contraire, j’aime bien. Tu peux les écouter en boucle, faut juste que l’émotion soit complète.

LFB : Il y a une chanson qui a été particulièrement longue à aboutir, c’est Champs de Blés en duo avec Philippe Katerine, pourquoi ?

Gaétan Nonchalant : La chanson était là et puis Philippe l’a amenée encore ailleurs. En fait je pensais à lui dès le début donc si ça ne s’était pas fait, ce qui était fort probable, je me serai dit, ça aurait du être Philippe qui la chante. Des fois je ne sais plus trop sur quelle chanson me pencher et puis j’avais beaucoup de bon retours de copains, comme c’était le cas avec la Bérézina, ce qui m’a beaucoup encouragé.

Elle était un peu ambitieuse avec ses couplets en majeur et j’avais envie de sentir un ralentissement sur le refrain. La grille devenait un peu plus compliquée. J’avais de grosses attentes sur l’arrangement, j’essayais des choses et je savais que ce n’était pas encore ça. C’est vrai que je me suis un peu arraché les cheveux. Au début il y avait un Juno sur tous les temps, puis piano, Thomas Subiranin a trouvé une ligne de basse bien catchy mais assez bavarde qui ne marchait plus avec tout avec ce que j’avais avant. Fallait tout repenser, ça aurait pu être sans fin. Enfin quand Philippe est venu poser sa voix, j’ai trouvé ça énorme alors j’ai continué de bricoler alors que je pensais que c’était fini. Quand Jake a fait le premier mix très rapide, j’ai dit c’est parfait, c’est bon.

LFB : Il y a un autre titre avec Michelle Blades. C’était là première fois que vous faisiez un morceau ensemble ?

Gaétan Nonchalant : Alors non. J’ai pas mal collaboré à un de ses disques qui sortira bientôt. De la gratte, des synthés, des morceaux qu’on a enregistré à deux pendant le confinement sur des chansons plus folk que ce qu’elle faisait. Donc c’était plus dans l’autre sens. Pour l’instant c’est dans nos disques durs mais ça sortira un jour. Sur Changement de programme elle a enregistré la basse de Porté Sur Ton Dos, elle fait des chœurs aussi sur Salle d’Attente et Les légumes et j’avais aussi envie de l’inviter à chanter. Sur Programme TV, c’est la première fois, je me suis mis à entendre de l’espagnol, ça tombait bien.

LFB : Quand on est triste, il faut écouter des chansons tristes ou des chansons joyeuses ?

Gaétan Nonchalant : Je ne suis pas de meilleur conseil car j’ai une tolérance au triste qui est gigantesque ( rires). Il y a plein d’artistes dont la musique mettrait le cafard de ouf à pas mal de monde, alors que moi ça me met bien. Il y a l’ambiance hiver de Nebraska de Springsteen ou même Eliot Smith. J’écoute beaucoup d’artistes qui ce sont suicidé donc c’est chiant. Et ils étaient surement un peu tristes. Mais leurs chansons ne me rendent pas triste.

Moi je ne me considère pas du tout comme triste en tout cas. J’essaye toujours de twister ça, même si je suis cynique sur plein de choses comme tout le monde. Après j’aime pas trop quand c’est mineur genre Radio Head qui est énorme pour plein de gens, pour le coup ça me fout le blues direct. Il y a des groupes comme ça plaintifs, je peux pas. C’est subjectif, mais il y a des groupes qui sont trop tristes pour moi. D’ailleurs, la semaine dernière, j’était triste, je me suis mis l’Incroyable vérité de Sébastien Tellier que j’adore, mais ce jour là je me suis dit non là c’est trop. Donc faut doser.

LFB : Il n’y a pas de place pour la colère dans ton disque.

Gaétan Nonchalant : C’est vrai. Parfois ça vient de la colère mais le résultat sera apaisant. Souvent je joue de la guitare et la colère s’en va. Mais parfois c’est hyper important des groupes où tu sens la colère, j’écoute parfois des groupes vénères et ça fait énormément de bien, il y a un moment pour tout. Il peut aussi y avoir un contraste entre le texte et le tempo. J’ai un autre problème, c’est le français dans la colère. Quand je fais de la colère, c’est du yahourt anglais. Je trouve que le français à cet endroit sonne ringard, en tous cas je suis pas à l’aise avec l’intension. J’ai écouté les Béruriers Noirs mais la colère est plus sociale. C’est un mood très spécifique et c’est vrai que j’ai pas trop de références là. Dans le rap ça marche bien mais dans le rock moins.

LFB : L’idée principale de l’album est plus de sortir d’une situation passive ou se reconnecter à la nature ?

Gaétan Nonchalant : C’est tout ça. Changement de Programme, c’est à titre individuel et mondial. On est dans un tunnel depuis la société de consommation, il y a des choses bien qui sont arrivées mais le changement de programme c’est le rapport à nos aspirations. C’est essayer d’avoir de nouvelles priorités dans la vie. C’est vrai que ça fait longtemps que je suis à Paris et souvent j’écris quand je m’en vais. Je trouve qu’il faut sortir pour avoir ce recul. Finalement flâner à Paris, j’ai du mal, même si je suis près du parc des buttes Chaumont et voir un arbre, ça me sauve. A la campagne, je suis quand même mieux . C’est drôle, 90% de mes compos me viennent dehors, à la plage dans le jardin. Je sors avec ma guitare et j’ai 3 chansons qui me viennent. Pour moi, ce recul, la nature, c’est vital.

LFB : Dernière question, dis nous des choses que tu écoutes en ce moment.

Gaétan Nonchalant : Souvent je me fais des tunnels. Ces 2 dernières semaines il y a énormément Le beau Bizarre de Christophe, c’est rock et toujours doux et j’adore ses textes. Cet album est absolument parfait avec Un Peu Menteur qui est la plus belle chanson de Christophe pour moi. J’écoute aussi beaucoup Hubert Lenoir son album Pictura de Ipse, c’est exceptionnel. Je trouve vraiment qu’il a amené un truc dans la chanson avec sa façon de chanter un peu bizarre et ce côté Québec dans la musique. Pour terminer Connan Mockasin que j’ai vu la semaine dernière pour le Mexican Summer, c’était tellement énorme mais il se fait rare. C’est le meilleur.