La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre voici la première partie de notre 195ème sélection.
Ian Caulfield – Banzaï
On prend souvent, à tort, le monde qui nous entoure comme un miroir. Un lie où se regarder, pour évoluer, copier et essayer de s’intégrer à ce réel envers et contre nous.
Comment se libérer de ses attentes qui ne nous correspondent pas ? Comment trouver le moyen de vivre avec les autres et pas pour les autres ? Comment évacuer les attentes irréalisables qu’on se fixe en voulant plus que tout l’approbation du reste du monde ? Sans doute en prenant Ian Caulfield par l’épaule et en hurlant Banzaï avec lui.
Après deux ans d’attente pour nous, Ian revient prendre la place qu’il mérite dans la pop française moderne. La preuve avec ce nouveau titre assez dingue, qui évolue, qui passe d’une rythmique hip_hop à un refrain pop à reprendre en chœur pour dévier vers une partie cauchemardesque avant de s’adoucir et exploser à nouveau.
Une mise à nu sublime d’un garçon perdu qui se retrouve, qui trouve les mots pour exprimer ses colères et ses envies, sa tendresse et sa différence, laissant apparaitre des failles qu’on a tous au final. Banzaï est sans doute le morceau le plus intime de Ian Caulfield mais il est surtout celui qui le rapprochera le plus de son public.
Pour l’accompagner, il s’associe une nouvelle fois avec son comparse Hugo Pillard et s’inspire d’un souvenir adolescent de soirée foireuse dans un bar où il n’a pas sa place.
Un lieu où les gens s’observent, se singent et oublient bien souvent ce qu’ils sont. D’une tentative d’adaptation foireuse à une libération totale en passant par un instant onirique un peu crucial, Ian et Hugo étendent l’univers du morceau pour le rattacher encore plus au réel du chanteur.
Pour le reste, c’est sur meilleur terrain de jeu, la scène, que cela se jouera avec un premier rendez-vous annoncé à Paris à La Boule Noire. On a déjà coché la date dans notre agenda.
Vincent Delerm – Friends Of Mine (Adam Green Cover)
Il y a des associations rêvées, des héros dont la route se croisent et qui nous offre des petits moments de bonheur qui se posent sur nous pour nous soulager d’une certaine tristesse, d’un certains poids de l’époque qui nous gène.
Si on nous avait dit qu’un jour Vincent Delerm reprendrait Adam Green en français, on n’y aurait pas cru. Si on nous avait dit qu’il réinventerait complètement Friends Of Mine, morceau doudou depuis plus de 20 ans pour nous, on ne l’aurait pas rêvé.
Mais les musiciens sont aussi des amoureux de musique et il faut croire que ce morceau a aussi une importance pour se cher Vincent. La preuve avec cette relecture, qu’on doit à l’excellente idée de Capitane Records (merci merci à l’infini), douce et légère qui doit autant à la beauté mélodique d’Adam qu’à l’écriture tendrement drôle et subtile de Vincent. Le résultat est à la hauteur de nos attentes les plus folles.
Pour l’accompagner, pas de chichis, un clip home-made qui laisse dévoiler l’humour pince sans rire et le sens de l’absurde de nos deux musiciens. Deux caméras, un faux décor de fête finie et nos deux garçons reprennent le morceau face à nous, dans une espèce d’intimité parfaite. On en demandait vraiment pas tant.
Pour le reste, Adam Green reviendra à Paris au mois de mars. On espèce croiser Vincent Delerm dans la salle pour chanter Friends Of Mine avec lui.
Olivia Ruiz – La Réplique
La Réplique est le premier extrait de du sixième album d’Olivia Ruiz qui sortira début 2024. Sept ans après Nos corps aimants, La Réplique s’aventure sur des terrains nouveaux: Un titre atypique du répertoire acoustique et riche en instruments que le public connaît, ce qui montre bien qu’Olivia Ruiz prend une direction musicale ou on ne l’attend pas forcément.
La Réplique donne la tonalité de ce nouvel opus plus épuré avec une touche d’électro. Comme l’a déclaré Olivia Ruiz, « La Réplique est un hymne aux femmes qui évitent les autoroutes au profit des chemins de traverse ». La Réplique est un message fort pour les femmes, avec des couplets en mode seduction et badinage et un refrain catchy en espagnol. Olivia Ruiz annonce cet album comme un retour aux racines “Il y a beaucoup d’espagnol dans le futur album. Un album qui a vu le jour a partir « d’une envie de bougeotte et de danse et « les mots « hanches » et « bassin » sont au centre du propos pour chaque chanson ».
Que dire du clip? Un clip graphique et minimaliste de part les combinaisons et voilages bleu cobalt et les batiments geometriques qui entourent la scène. Ce clip, signé Nassim Maoui et Christophe Mentz de VideoDrome, est centré sur une chorégraphie qui mixe danse contemporaine et flamenco de la compagnie Rift Marseille.
The National – Laugh Track feat. Phoebe Bridgers
Cinq mois seulement après First Two Pages Of Frankenstein, The National annonçait avec surprise un nouvel album intitulé Laugh Track, titre éponyme de la piste qui se pare d’un très beau clip cette semaine. Une génération sépare ces deux artistes et pourtant il y a indéniablement une certaine évidence à ce que ces deux voix se superposent. Phoebe Bridgers et Matt Berninger se connaissent bien puisqu’ils ont déjà collaboré ensemble il y a quatre sur deux titres 7 O’Clock News et Silent Night avec Fiona Apple ainsi qu’à deux autres reprises sur ce disque d’avril dernier. Les deux timbres de voix sont faits du même bois. Que se soit dans une certaine fragilité et dans la sensibilité de l’écriture, les points communs sont nombreux. Le résultat, c’est une chansons magnifique, rythmée par une valse vocale parfaitement représentée par la mise en image animée. Le joli contraste des sentiments indicibles et du mouvement opère gracieusement et nous met en émoi.
BEN plg – Le goût du sel
Une semaine après la sortie la Grünt #59, mettant à l’honneur le rap Lillois aux côtés de Bekar et Sto, BEN plg marque son retour avec Le goût du sel. La longue intro crescendo au piano annonce la couleur : le drop sera percutant. BEN plg s’est associé aux équipes de Bien Vu pour produire un clip à la hauteur des ambitions du morceau. Plongé dans les quartiers ouvriers des Hauts de France que le rappeur revendique – « paraîtrait que j’suis à ma place » -, le clip se construit autour d’un frigo tombé du ciel, un frigo qui ne cesse de se remplir pour répondre aux désirs des Hommes. Cet objet sacré du foyer, symbole de confort et d’opulence quand il déborde, et source d’angoisse quand il se vide, vient perturber tout un village. Avec un de ses meilleurs textes, BEN plg délivre un single d’une sincérité poignante, bel hommage aux enfances difficiles marquées par le manque.
La Femme – Ballade Arabo-Andalouse
La Femme vient clôturer son album aux inspirations hispaniques Teatro Lúcido avec le clip de son outro Ballade Arabo-Andalouse. Longue déambulation nocturne dans les rues de Grenade nourrissant les fantasmes du groupe : romantisme, flamenco et psychédélisme. Des gestes d’une beauté pure réalisés par Sam Quealy et Ysé Grospiron. Un an plus tard, le clip clôt à merveille cet univers hispanique que le groupe a su déployer au fil des singles et des clips : hommage à cette culture qu’ils ont côtoyé de près, au sud de la frontière de leur pays natal. Un clip qui ne sort pas seul mais accompagné d’une version bonus de l’album disponible en streaming et comptant 5 morceaux alternatifs : version basque, version hispanique, version instrumentale…
Ugo Del Rosso – Rochambeau
On découvre cette semaine Ugo Del Rosso qui nous partage Rochambeau, un sublime premier extrait d’un premier album intitulé Homme Jeu qui ne tardera pas à arriver jusqu’à nos oreilles. L’artiste lyonnais contemple ici le temps qui passe, la complexité du chemin sur lequel on se balade tant bien que mal et la force qu’on arrive pourtant à puiser entre les deux, celle qui nous pousse à avancer.
Pour nous raconter tout ça, Ugo Del Rosso s’est attelé tout seul comme un grand à la réalisation titanesque et minutieuse d’un magnifique clip en pixel-art : les précieuses heures investies dans cette jolie histoire visuelle et sonore nous font le plus grand bien.
The Big Idea – Guess Who’s Back
The Big Idea est un projet qui porte bien son nom. Les six rochelais, amis de base, décident, comme une évidence, de former un groupe. Mais cette bande décide de porter l’histoire sur un autre niveau. De leur discographie, on retiendra principalement ces quatre disques qui racontent une enquête de l’inspecteur Lawrence dans le Londres des années 80. Rien que ça. Remixés en 2021, les quatre disques sont devenus un double album génial, La Passion du Crime 3. Mais leur plus grande idée émane de leur quatrième sortie. Les gars ont tout simplement décider d’enregistrer cet opus sur un bateau, en traversant l’Atlantique. En sort donc The Fabulous Experience of Le Grand Vésigue. Et le pire, c’est que ces albums sont tous bons, voire même de très bons albums à guitares. Et pour les avoir vus cette année au mAmA, ils répondent aussi présents sur scène. Bref, un groupe complet, riche et créatif, qui donne plaisir à voir et à écouter.
Un cinquième opus va sortir debut février, et voici son premier single, Guess Who’s Back, qui raconte les aventures d’une compagnie a la recherche d’un dieu céleste. Le tout porté par un clip animé magnifique. Encore une fois, c’est exécuté à merveille.
ARCHE – New Days
ARCHE est le nom d’un quatuor lyonnais qui se donne à la pop. Cette nouvelle pop à guitare, chantée en anglais, qui allie des napes de synthés tirant sur du vaporeux, des voix de têtes, une batterie parfois électronique, et des rythmes calmes et poétiques. On retire de leur écoute un petit côté Metronomy, assez indé, psychédélique et franchement cool à écouter.
Le groupe est encore tout jeune, ils n’ont sorti qu’un EP, Le A, en 2019. Celui-ci permet de poser les bases de leur identité, colorée et dansante. Une large place est laissée à des parties instrumentales plutôt bien exécutées.
Le quatuor vient de sortir un nouveau son qui montre une certaine progression dans leur univers. La composition est bien plus étoffée, plus travaillée, tout comme le mix, qui rend bien plus justice au groupe. On découvre même l’apparition du vocoder, encore inutilisé jusqu’à présent. New Days se voit donc comme une nouvelle étape d’ARCHE, un nouveau jour si l’on ose dire.
Le clip est lui aussi travaillé, dans l’esthétique comme dans la mise en scène, sans oublier une petite pointe d’humour qui rentre parfaitement dans l’univers du groupe.
Clara Ysé – Pyromanes & Anathema ton aitio
Pour cette nouvelle session Blogothèque Clara Ysé reprend deux chansons. La première, Pyromanes, ouvre son dernier album. Une chanson qui sonne le tocsin, annonçant à la fois le renouveau et la fin. Il est question d’un monde qui prend feu et qu’il faudrait reconstruire. Réparer, soigner en somme. Cela tombe juste. Le réalisateur Vincent Moon fait de l’aumônerie de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière le lieu de tournage du clip. Comme si Clara Ysé,accompagnée de musiciens et de chanteurs parvenaient à soigner les âmes par leur voix et leur son. La seconde, Anathema ton aitio est une chanson d’amour traditionnelle de l’île grecque de Lesbos. Elle est entonné par la chanteuse franco-grecque Dafné Kritharas qui ouvre le chœur. S’ensuit un accompagnement par Clara Ysé, Lou Du Pontavice et Paul Barreyre. Le chœur chante en marchant, rappelant une précédente reprise par le quatuor dans les rues de Montreuil.
Gabriel Auguste (ft. Hubert Lenoir) – Le & La
Il faut parfois du temps pour se réinventer, du temps pour faire sa mue, pour travailler à un projet intense, radical et qui nous représente totalement.
Dans un monde où tout va trop vite, où les modes se font et se défont au goût du vent, Gabriel Auguste est allé contre. Il a pris le temps et l’a choyé, l’a laissé le nourrir et lui offrir la nourriture nécessaire à sa création.
Le temps, devenu ami, est venu et lui a glissé à l’oreille que le moment était opportun, nécessaire, évident. Gabriel Auguste est donc de retour avec un projet en forme de conte musical, d’ode à la vie et à la tendresse intitulé La Grande Gomme.
Pour le présenter, il nous offre une petite pierre de Petit Poucet, une orfèvrerie pop qui montre le chemin et qu’il partage avec Hubert Lenoir. Le & La, histoire d’amour, d’amitié, de place à trouver et à prendre, chaleur pop qui nous frappe le coeur pour se diffuser dans tous le corps.
Il l’accompagne d’un clip qu’il coréalise avec Martin Lazlo et dont il réalise les décors. Un monde surréaliste qui colle bien à sa musique, évanescent, mouvant, ou les corps et les hommes changent au gré des envies et de la place qu’ils doivent prendre.
Un premier pas, une première pierre en attendant l’arrivée de La Grand Gomme pour 2024.
LEDOUBLE – TT BAISER
On remonte un peu dans le temps et on s’arrête en mai de cette année quand LEDOUBLE sort un petit EP nommé Tragedy. Ce dernier se présente comme une carte de visite sans trop de prises de tête et se clôture par TT BAISER, un morceau aux influences dance qui laisse entrevoir une autre facette du rappeur montpelliérain que celle de technicien qu’il a mise en avant il y a peu avec le projet MOTHERLODE.
Alors, pour contraster avec l’ambiance de ce projet et pour amener un peu de chaleur dans le froid de l’hiver, il a décidé, six mois plus tard, de sortir le visuel accompagnant TT BAISER.
Avec @donk_vhx qui réalise ce clip, le parti pris est simple : raconter une soirée qui rythme le quotidien du sudiste. Alors on se donne rendez-vous à l’épicier pour prendre de quoi s’hydrater et tenir toute la nuit à riderdans les rues de la ville sur cette production électronique signée toniodubendo.
VIOLET INDIGO – ON THE LOW
Violet Indigo a dévoilé récemment son nouvel EP, Check Yourself. Un EP à la liberté assumée et revigorante dans laquelle elle explore les genres avec un bonheur non feint sans oublier d’ajouter humour et profondeur grâce à des textes qui ausculte ses sentiments et la manière dont la société les voit.
La preuve avec On The Low, un petit banger à l’énergie contaminante et dans lequel la musicienne nous pousse à nous libérer des carcans, à assumer nos faiblesses et nos émotions et à ne plus les taire. Un appel à s’exprimer et à s’assumer qu’elle nous offre sur le dancefloor.
Un bon moyen de danser ensemble dans un univers safe et bienveillant.
Pour l’accompagner, Grégy et Joseph Maur nous offre un superbe clip à l’esthétique sublime. Se rattachant aux aventures et aux lieux déjà développé dans le clip de Toxic, on suit notre (super) héroïne Violet Indigo dans de nouvelles aventures.
Un univers nocturne et sombre qu’elle cherche à fuir, poursuivie par des êtres pas forcément remplis de bonnes intentions. C’est dans la solitude de sa chambre qu’elle trouvera le moyen d’exprimer pleinement ses sentiments qu’elle gardait jusque là sous les radars.
Un clip flamboyant qui mélange autant Akira que la série Heroes et qui nous transporte dans les pages d’une BD animée qui nous fait clairement vibrer.
Prochaine étape ? Sa release ce jeudi au Mazette (et on vous fait gagner des places sur notre compte instagram 😉 )
Maud – Let Me Feel It
A cette période de l’année, le soleil se couche de plus en plus tôt et, fatalement, l’obscurité pointe également le bout de son nez plus rapidement. Alors, un peu comme Maud dans le visuel de Let Me Feel It réalisé par Signe Dige on en vient à chercher un peu de lumière et de chaleur dans la froideur environnante.
Et si, au final, cette énergie que l’on cherche ne se trouverait pas autre part ? Comme, par exemple, de la paume de la chanteuse. Encore embryonnaire, ce petit rond lumineux déambule dans la forêt noircie par la nuit déjà tombée. Petit à petit, il gagne en importance, éclairant la nature l’entourant au fil des mélodies cristallines de l’artiste. Il continue de grandir, jusqu’à illuminer et raviver tout l’environnement dont il semble avoir pris possession.
L’onirisme de ce visuel couplé à celui dégagé par la production de Kristine Hoff ouvre carrément un nouveau monde beaucoup plus lumineux.
Et si, ce n’était pas ça au final, le vrai pouvoir de la musique, d’être cette petite lumière qui brille constamment, et ce, même quand le soleil décide d’aller se coucher à 16h…