Russell Louder à cœur ouvert

L’auteur-compositeur-interprète montréalais Russell Louder revient sur le processus créatif de son remarquable deuxième album Fair​-​weather – une ode à l’urgence de vivre.

Russell Louder. Crédit: JG and SHI

La Face B: Comment se sont passées les deux années depuis la sortie de ton dernier album Humor?

Russell Louder: C’était étrange! Nous étions en février 2021, en plein dans des cycles de confinement, et cela ne ressemblait pas vraiment à une sortie. Les chansons étaient diffusées partout et vivaient leur vie. J’ai certainement eu de nouveaux auditeurs et c’était génial, mais je n’ai pas vraiment eu l’occasion de promouvoir le disque. C’était juste un peu bizarre, mais je ne regrette rien. Je suis même plutôt content. C’était peut-être une microdose de sortie d’album. J’ai vraiment été content de voir la réception de celui-ci. Humor a été sélectionné pour le prix Polaris, ce qui était à peu près mon objectif de vie, alors je me suis dit « check » !

LFB: Comment as-tu préparé et créé ce nouvel album, Fair​-​weather?

Russell Louder: Au départ, j’avais prévu de terminer cet album en décembre, pour une sortie au début du printemps, puis ma vie s’est complètement effondrée, j’ai eu une rupture amoureuse, je n’avais plus de maison. C’était également une période où les redevances de la CBC s’amenuisaient pour de nombreux musiciens indépendants à cause de l’expiration de l’accord avec Sirius XM. Ma principale source de revenus s’est donc également dégradée. Plusieurs parties de ma vie se sont tout simplement effondrées. Je devais trouver une maison, un emploi dans le secteur des services pour la première fois depuis environ cinq ans, et donc je travaillais, travaillais, travaillais. Je dormais environ deux heures par nuit pratiquement tout l’hiver. Je n’ai pu terminer l’album qu’en juin et à ce moment-là, j’étais juste en mode survie. Les choses doivent être faites, je dois juste le faire, écrire l’album et y mettre les dernières cellules cérébrales que j’ai et j’espère juste que cela a du sens, car ce n’est pas la façon dont j’ai l’habitude de travailler. J’aime avoir une routine. Alors oui, je devais terminer ce travail. Et c’est ce que j’ai fait. Au moment où je l’ai terminé, je faisais partie de ce programme appelé Women in the Studio program au sein de Music Publishers Canada, qui est un programme d’accélération pour les producteurs qui ne s’identifient pas comme des hommes. J’ai obtenu beaucoup d’informations sur l’industrie grâce à cela. On acquiert des compétences en studio, mais on apprend également de choses sur l’industrie musicale en général. Je sens aujourd’hui que j’ai beaucoup plus de connaissances de l’industrie. J’ai vraiment hâte de rejouer des concerts. Ouais, cet album était en quelque sorte une combinaison émotionnelle de chagrin, mais aussi je ne sais pas. Le mot «fair-weather» en anglais est une expression pour décrire quelqu’un qui est en quelque sorte dans les parages quand tout va bien et puis qu’une merde arrive, il déserte comme des tas de gens le font, n’est-ce pas ? Et pendant cette période intense où tout dans ma vie s’est effondré, j’ai en fait eu beaucoup de chance, car j’ai réalisé que les gens «fair-weather» m’avaient abandonné. Ils m’ont rendu un immense service en agissant ainsi. Je ne le voyais pas de la sorte à l’époque, mais maintenant c’est le cas. Les gens qui font désormais partie de ma vie sont mes gens. Mes chansons ne parlent pas nécessairement de ces personnes «fair-weather», mais il me semblait que le mot englobait ce que je traversais à l’époque. Je me sentais isolé et sans soutien. Alors oui, c’était ça ma préparation ahahah !

LFB: Comment ton mode survie a-t-il eu un impact sur ta créativité ?

Russell Louder: En tant que chanteur, c’est très intéressant parce que l’une de mes pires craintes est de tomber très malade avant un grand concert. Mais en réalité, certains des meilleurs concerts que j’ai jamais joués ont eu lieu quand j’étais malade et c’était parce que je ne me poussais pas, c’était juste comme si je devais m’assurer d’atteindre les notes. Ça me donne une certaine sensation lâcher-prise et j’ai l’impression qu’une chose similaire s’est produite dans mon processus de production pour Fear-weather. Il fallait juste faire sortir les idées. Côté production, je faisais à peu près tout tout seul dans ma chambre. Je devais donc être vraiment créatif, ingénieux et discipliné.

LFB: Ta musique est pourtant joyeuse et dansante, est-ce une échappatoire?

Russell Louder: C’est intéressant parce que j’ai l’impression que ma production et mon écriture sont deux animaux différents. En termes de production, c’était un processus magique pour moi et j’aime courir après la beauté. C’est ce que je recherche. Je pense toutefois que mes paroles sont parfois assez dévastatrices, ce n’est pas léger. J’utilise un format pop, mais je ne suis pas un auteur-compositeur pop d’une certaine manière. Je suis baigné par la poésie littéraire et j’ai de grosses choses tristes à écrire. Ce style se ressent dans Fair-weather. L’arc de l’album commence en quelque sorte par un crescendo puis s’éteint dans ce petit feu acoustique que j’aime bien. Je ne m’attendais pas à ce résultat.

LFB: C’est vraiment intéressant la façon dont tu mélanges le violon et la synth-pop des années 1980…

Russell Louder: L’album comporte beaucoup de cordes en général. J’adore les cordes dans le disco et je pense que le disco est vraiment intéressant pour des raisons similaires à celles de l’écriture de mes chansons. Quand les gens entendent du disco, ils veulent faire la fête, mais quand j’entends du disco, j’entends du désespoir. Comme je viens de l’Île-du-Prince-Édouard, les cordes sont une tradition celtique et acadienne. Vous ne pouvez aller nulle part sans entendre un putain de violon. Ça me rendait fou, et puis j’ai déménagé à Montréal et ça a commencé à se manifester dans mon travail. Les cordes me hantent en quelque sorte et trouvent leur place dans ma musique. Je suis beaucoup plus réceptif à ça maintenant.

LFB: How were those two years for you, since you released your last album Humor?

Russell Louder: It was weird! We were in February 2021, in lockdown cycles, and it didn’t really feel like a release. The songs were out in the world and they were doing their thing. I definitely got some new listeners and that was great, but I didn’t really have the opportunity to promote the record. It was just a little bit strange, but no regrets. I’m also kind of glad. Maybe it was a microdose of an album release. I was really happy with the reception of it. It got long listed for the Polaris Prize which was pretty much my life goal, so I was like «check»!

LFB: How did you prepare and create this new album, Fair​-​weather?

Russell Louder: I was initially planning on having this album done in December, ready to go for an early spring release and then my life just totally fell apart, I had a breakup, I had no home. There was also the time when CBC royalties went down the drain for a lot of indie musicians because of that deal with Sirius XM expiring. So my main source of income also got rugged up underneath me. Multiple part of my life simply collapsed. I had to get a home, a service industry job for the first time in like five years, and so I was just working, working, working. I was getting about two hours of sleep each basically all winter. I wasn’t actually able to finish the album until June and by that point I was just in survival mode. Things have to get done, I just have to do it and write it and put the last brain cells I have into this and just hope to god it makes sense which is the way I’m used to work you know. I like to have a routine. So yeah, I had to finish this body of work. And so I did it. By the time I finished it, I’d been part of this program called the women  in studio program within music publishers canada which is this producers accelerator program for non dude identifying producers and so I’ve been getting a lot of industry insight from that. You learn in-studio skills but then you also learn a lot of in-depth music industry info. I feel I have a lot more industry knowledge for my second album. I’m now back in a place where I’m pretty excited to play shows again. Ya, this album was sort of an emotional combination of heartbreak but also I don’t know. The word fair​-​weather is an expression to describe someone who’s sort of around and it’s fine and then the second shits get hard they desert like so many people do, right? And during this intense period when all the things in my life just fell apart around me I was very lucky because I realized the people who were fair-weather deserted me and did me a huge favor by doing so. I didn’t see it that way at the time but now I do. The people now in my life are my people. The album is not necessarily about those people in the songs but it felt the word to encompass what I was really chewing on during the time of finishing that. I felt isolated and I felt unsupported. So ya, that was my prep ahahah!

LFB: How has your survival mode had an impact on your creativity?

Russell Louder: As a singer it’s so interesting because one of my worst fears is about singing and getting super sick before a massive show. But then some of the best shows I’ve ever played have been when I was sick and it was because I wasn’t pushing myself I was just like I need to make sure that I’m hitting the notes for the rest of the performance and it’s just gonna be fine and it give me this release of control in some ways and I feel like a similar thing happened in my production process for Fear-weather. I just had to get the ideas out. Production-wise I was doing pretty much everything by myself in my room. I had to be really creative and resourceful and disciplined. 

LFB: Your music is joyful and dancy, is it an escape? 

Russell Louder: It’s interesting because I feel that my production and my songwriting are two different animals. In terms of production it was a magical process for me and I’m chasing beauty. That’s what I’m looking for. I think my lyrics are quite devastating sometimes, it’s not light. I’m using a pop format but I’m not a pop songwriter in some ways. I’m so informed by literary poetry and I have big sad fucking things to write about. That style definitely carries through Fair-weather. The arch of the album kind of starts with a crescendo and then fizzles into this little acoustic smolder which I like. I wasn’t expecting that. 

LFB: It’s really interesting the way you’re mixing violin and 80’s synth-pop…

Russell Louder: The album has a lot of strings in general. I love strings in disco and I think disco is really interesting for reasons similar to my songwriting. When people hear disco they wanna party but when I hear disco I hear desperation. As I’m from Prince Edward Island, strings are like traditional celtic, acadian. You can’t go anywhere without hearing a fucking violin somewhere. it used to drive me crazy then I moved to Montreal and it started to show up in my work. Strings sort of haunt me and they find their place in my music. I’m a lot more receptive to the music of my ancestors.