À l’occasion de son passage à Paris pour le festival Avec La Langue, nous avons rencontré Marco Ema avec qui nous avons parlé de son dernier album Anyway, Mommy Love.
La Face B : Comment est-ce que tu vas ?
Marco Ema : Ça va bien et toi ?
La Face B : Ça va super.
Marco Ema : J’ai dormi 15h donc je suis en forme pour ce soir. On m’a déjà dit que 15 h c’est parfois moins réparateur que 10h donc on verra mais je suis reposé, c’est ce qui compte.
La Face B : Ton album est sorti il y a trois semaines, comment est-ce que tu vis cette sortie là ?
Marco Ema : Je suis vraiment emballé en fait, là c’est assez fou. Je m’attendais pas à autant de répercussions que ça depuis la sortie. C’est le fun de voir ça, puis aussi de voir qu’on avait une vingtaine de dates d’embarquées avant même que l’album sorte, donc c’est vraiment cool. On a aussi une tournée en Europe en mars prochain de 10 dates. C’est vraiment chouette, je suis très content. Et puis il y a beaucoup de beaucoup d’amour que j’ai reçu dans les dernières semaines, et ça fait du bien aussi. Là c’est bien cool.
La Face B : Déjà, je trouve que c’est vraiment un album magnifique, et j’ai l’impression qu’il a été pensé comme une pièce au complet et pas comme un album avec des chansons composées indépendamment les unes des autres. Et puis c’est aussi un album hyper cinématographique donc je me demandais à quel point l’image et l’imaginaire t’ont permis de construire cet album ?
Marco Ema : Je crois qu’au départ, en fait, c’est le cœur de l’album partait de de cette image là. En fait, c’est parti du film Cinéma Paradiso qui était le film préféré de mon père et je l’ai perdu en avril 2022 donc ça a vraiment été la trame narrative de tout le projet. C’est parti avec cette chanson là qui est partie de ce film. Mais ensuite, il y a eu dans l’année toutes sortes de choses qui sont arrivées dans notre famille. Souvent la blague c’est de dire que si on faisait un film de notre vie, les gens ils y croiraient pas, c’est trop invraisemblable, ça a pas d’allure… Donc cette espèce d’image de cinéma a toujours été présente, et au moment où j’ai perdu mon père, j’avais cette espèce de sentiment de décrocher un peu du truc et d’être plus spectateur qu’acteur de ma vie. Donc un peu instinctivement, l’album s’est retrouvé à être teinté de cinéma du début à la fin là, puis ça a créé comme tu dis un album qui se suit qui est vraiment plus un album que des chansons individuelles.
La Face B : Même au niveau de la composition, à mon sens cet album pourrait être une bande-originale de film.
Marco Ema : Au moment où on a décidé que c’était un peu la direction qu’on prenait pour les thématiques, la musique a suivi cette idée là. La trame sonore de Cinéma Paradiso qui a été composée par Ennio Morricone a eu une influence, et dès le départ, la première chanson de karaoké, c’est le percussionniste de l’album PE Beaudoin qui a proposé l’idée de faire comme une espèce d’avant rideau, cette espèce de section instrumentale, c’est un peu cette image du rideau fermé, et de tout le monde s’accorde comme pour un spectacle d’orchestre symphonique, et quand le rideau s’ouvre, l’album commence avec la guitare et tous les autres instruments. Donc oui, il y a eu ce souci là du début à la fin.
La Face B : C’est un album aussi où tu ne mets mets pas du tout de limite en termes de genre, y a beaucoup de rock, il y a aussi beaucoup de folk, parfois les deux dans le même morceau, est-ce que c’était vraiment quelque chose d’important pour toi que tu avais envie de pousser avec cet album ?
Marco Ema : Ben en fait définitivement j’écoute toutes sortes de trucs, et mais les genres que j’écoute le plus c’est le rock et le folk, donc c’est un peu naturel pour moi. Mais j’avais vraiment envie que cet album là soit beaucoup plus rock que le premier. La façon dont on a fait le premier, c’était très « bedroom ». On faisait des trucs track par track et c’était intéressant, mais on dirait qu’on sentait qu’il manquait ce truc organique en fait. Je pense que on a voulu pousser ça. On a aussi voulu pousser aussi l’exploration musicale, donc c’est aussi là que tout est arrivé. Encore une fois, j’ai fait cet album là pour mon père, et je ne voulais pas nécessairement parler de mon père du début à la fin, mais je voulais vraiment le créer comme si c’était lui qui réalisait l’album. Mon père, c’est un fan de progressif, il adorait Genesis, Yes, Gentle Giant, tous ces groupes là, donc c’est aussi une tentative pour moi de de toucher un peu au prog, et justement avec une chanson comme Blank où ça commence très rock, puis après y a des segments plus folks… J’avais envie de pousser tout ça. Et puis le rock et le folk ce sont vraiment deux styles assez naturels pour moi. On verra pour le prochain où je m’en vais, mais ouais, je suis bin content.
La Face B : Vous avez passé combien de temps en studio ?
Marco Ema : On a fait 3 sections de studios, une première dans la ville de Québec où mon mon réalisateur habite, où on était 3, puis c’était guitare acoustique, basse, drum, puis on prenait 15 minutes maximum par chanson juste pour donner une vie à ces chansons là. Ça a peut-être duré 2, 3 jours. Ensuite on est allé au Wild Studio à Saint-Zénon, qui est quand même très loin en forêt, c’était une expérience très « shinning » là dans la neige, on a fait 5 jours-là full band, on voulait voulait vraiment monter l’album en live comme dans les années 70, et ensuite on a pris une coupe de semaines de retour à Québec pour finaliser, peaufiner les chansons, pendant un mois au total peut-être…
La Face B : Tu joues aussi pour Vendôme, est-ce que l’expérience avec le groupe teinte ta musique ?
Marco Ema : Définitivement. Je suis quand même quelqu’un de timide dans la vie. Vraiment beaucoup. Et sur le premier disque que j’ai fait, j’étais vraiment nerveux, et je ne croyais pas nécessairement que ce que je disais avait de la valeur en musique parce que j’étais un newbie. Ensuite, il y a eu la tournée du premier album, mais évidemment le fait de faire un album avec Vendôme, avec mes amis, ça m’a donné beaucoup de confiance et m’a permis de m’autoriser à expérimenter des choses. On on a une chanson qui finit avec nous, qui toussons, genre on tousse dans le micro parce que on trouvait ça drôle, et c’est cool de se permettre de pousser des idées connes jusqu’à la fin. Puis je crois que ça a aidé dans cet album là, je me suis permis de plus explorer, autant les bonnes que les mauvaises idées, et de garder seulement les bonnes idéalement.
La Face B : Tu as une chanson qui vient clôturer ton album qui s’appelle Grande-Vallée, qui est un village à côté d’une autre village en Gaspésie qui s’appelle Petite-Vallée où il se passe plein de choses pour la musique francophone. Est-ce que c’est lié d’une manière où d’une autre à cet endroit ?
Marco Ema : Oui, en fait c’est une chanson pour mon père. L’histoire c’est que j’étais au Village en chanson de Petite-Vallée parce que je faisais parti des chansonneurs cette année-là, et donc on avait une formation durant une semaine là-bas, et on était hébergé à Grande-Vallée. C’est pendant cette formation là que j’ai reçu l’appel qui disait qu’il restait une semaine à mon père, puis que si je voulais aller le voir, c’était le moment. C’est vraiment la chanson qui raconte mon départ de Grande-Vallée pour retourner à l’hôpital. C’était une route de 11h00 dans la neige, donc ça parle de ça, et ce qui est beau c’est que je suis allé au concert qu’on devait donner à Québec, et après le concert, on est sorti faire la fête un peu, puis c’est là que j’ai eu l’appel pour me dire que mon père était parti. C’est comme s’il avait attendu que tout ça se termine pour partir et c’est quand même touchant. Et puis Grande-Vallée, Petite-Vallée, j’y vais à chaque année, puis j’adore cet endroit là, c’est tellement un bel endroit là c’est beau, c’est très beau.
La Face B : D’ailleurs, vous avez beaucoup d’espace au Québec pour vous retrouver entre artistes, tu parlais des chansonneurs mais il y en a d’autres. Qu’est-ce que ça t’apportes de travailler avec d’autres musiciens qui ont un projet complètement différent du tiens ?
Marco Ema : C’est un formateur de voir comment d’autres personnes font le même métier que toi, sans avoir le même bagage puis le même intérêt musical que toi. C’est vraiment cool. En plus au Québec, tous ces endroits de formation sont situés dans des espèces de villes où il y a 300 habitants. C’est vraiment cool d’aller sur le bord du fleuve Saint-Laurent l’hiver, puis d’aller jouer avec des gens que tu connais pas et de monter des trucs. C’est une découverte pour moi en fait, parce que c’est j’ai fait ça un peu sur le tard, j’ai pas tant expérimenté formations là, mais sur cet album là il y a beaucoup de choses qui sont ressorties de ça. J’ai des chansons que j’ai créées à ces endroits là, parfois en collaboration avec des gens ou après des discussions avec ces gens-là. Des beaux réseaux créatifs !
La Face B : Merci beaucoup !
Marco Ema : Merci à toi, c’était full agréable !