2023 – Les coups de cœur de La Face B – Acte VI

2023 aura été riche d’albums forts et ce, dans tous les genres possibles et imaginables. La rédaction de La Face B a donc aiguisé ses plus belles plumes pour vous offrir ses albums coups de cœur du cru 2023. Sixième acte maintenant.

Olivia Rodrigo – GUTS (Anthony)

a rentrée 2023 fût sûrement l’une des plus agréables de notre époque. Sortie le 8 septembre, le deuxième album de l’ancienne star de High School Musical confirme tout le talent musical de l’auteure-compostrice-interprète. Dire qu’elle n’a que 20 ans…

Le plus surprenant chez Olivia Rodrigo, c’est la liberté prise dans sa direction artistique qui semblait vouer à être une énième pop star américaine. Que nenni ! L’artiste affirme d’ores et déjà son âme rebelle alors qu’elle baignait durant des années dans un des univers les plus niais. Mieux que cela, elle donne un coup de polish au monde du rock qui attendait avec impatience un vent de fraîcheur. Certes, en écoutant GUTS, on n’entendra pas forcément un son révolutionnaire dans l’histoire musicale, mais c’est mieux que cela : l’artiste prouve qu’il est encore possible de sortir des classiques pop rock qui résonne avec son époque.

Dès l’ouverture all-american bitch, OliviaRodrigo s’amuse de son image qui correspond aux standarts de la jeunesse et de la beauté américaine. Elle en joue pour se transformer en une poupée diabolique avec cette voie perfide à la fin du morceau. Les nostalgiques de Avril Lavigne ont trouvé sa successeure. On trouve également des influences à Wet Leg (déjà!) sur la piste suivante bad idea, right? tant sur le rythme indie rock que sur les paroles pertinentes et amusantes quand elle évoque de revoir son ex. On retrouvera cette même performance sur ballad of homeschooled girl qui convaincra encore les férus de ce registre muscial. L’album contient également son lot de ballades d’une efficacité redoutable comme le sublime lacy et making the bed qui n’ont rien à envier à ceux de Billie Eillish. Sur le deuxième nommé, nul doute que le solo de guitare qui s’interrompt sur des propos imprégnés d’une mélancolie commune à tous marquera nos fins de soirées hasardeuses : « Sometimes i feel like i don’t wanna be where I am ».

Fuck, bitch, shit, motherfucker… Il n’y a pas à dire, Olivia Rodrigo tourne définitvement la page de l’image qu’on lui a prédestiné et trouve sa voie dans l’esprit du rock »roll. Les tubes s’empilent sur cet album qu’on ne sait plus lequel est notre préféré. Il n’en reste pas moins deux offrandes inoubliables. D’abord le sous-estimé indie poppretty isn’t pretty qui évoque la pression sociale que subit les jeunes femmes. On touche sur le refrain les guitares resonnantes de Alvvays et les envolés vocales de Cocteau Twins. Comment ne pas tomber sous le charme ? Ensuite, il y a le tube que tout le monde connaît déjà : vampire. Le morceau qui commence comme une comptine laissera une marque indélébile dans l’histoire de la pop moderne. D’une part, la mélodie qui s’amorce comme une opérette est l’une des plus sompteuses de la dernière décenneie. D’autre part, Olivia Rodrigo parvient à renverser le déroulé du titre par un rythme catchy et dansant. Les fans peuvent désormais cracher leur poumon sur le fameux tryptique « Bloosucker, famefucker, Bleedin’ me dry like a godamm vampire ». Puissant, harmonieux et révélateur d’une génération Z enfin prometteuse, GUTS aura marqué de son empreinte 2023.

PS : je n’ai pas réussi à avoir mes places pour ses deux shows à l’Accord Hotel Arena en juin (à une semaine de mon anniversair). Gardez l’esprit de Noël et aidez moi à obtenir une place, en fosse de préférence. Merci d’avance ! 🙂

Lost Girls – Selvutsletter (Cédric)

L’imperfection parfaite ou la perfection imparfaite, difficile de qualifier cet album fruit de la collaboration entre les deux artistes norvégiens Jenny Hval et Håvard Volden.

Le nom de Jenny Hval ne vous est probablement pas étranger si vous aimez l’art pop et l’art contemporain.

Le duo nous livre un rock expérimental où la guitare électronique côtoie les claviers et divers modulateurs électroniques, le tout accompagné par le chant hypnotique de Jenny Hval et ses textes poétiques et curieux.

Le résultat est comme je le disais au début une sorte de contradiction où l’imperfection côtoie les moments de grâce.

Et des moments de grâce il y en a à chaque chanson de cet album !

Mention spéciale à l’unique morceau en norvégien Jug Slutter Meg Selv  qui réussit à nous toucher profondément sans comprendre les paroles.

Des envolées ou des larmes, des questions, de la beauté tout simplement, cet album m’a captivé du début à la fin et est toujours aussi efficace maintenant. Et finalement ses imperfections font le charme de cette œuvre on ne peut plus humaine.

Une perle.

Flavien Berger – Dans cent ans   (Maud)

Ayant depuis quelques années déjà trouvé une place dans mon cœur, c’est avec impatience que j’attendais le nouveau projet de Flavien Berger. Sorti en mars 2023, Dans cent ans est certainement un de mes albums pépite de cette année.  

Le premier morceau, Les yeux, le reste, annonce la couleur. Le bruit de l’air conditionné nous emporte, et on se délecte de ses mots bien choisis. La capacité du musicien à expérimenter et rechercher de nouveaux sons est une nouvelle fois caractéristique de ce projet. Dans cet album, Flavien Berger explore également des thèmes comme le temps, l’entre-deux, la nostalgie et nos souvenirs, les rêves lointains, ce qu’il en reste.  

De la pop, électro.. difficile de le restreindre à un registre musical, quoi qu’il en soit la magie s’intensifie d’un titre à l’autre. D’ici là, sur le fil, est suivi de Berzingue, nous entrainant dans une course folle d’un tout autre univers, en apesanteur. Les interludes comme celle de Tchouang-tseu ou Étude sur voix mmxxii sont pareils à des petits indices laissés sur notre chemin pour prendre de la hauteur, un recul nécessaire pour apprécier cette temporalité, à part.  

J’aimerais parler de tout les morceaux, tant ils sont différents et complets à la fois. Ils se répondent, pour la cadence et la poésie. Feux follets est une danse décomplexée et palpitante, 666666 un extraterrestre au regard sympathique, Nouveau nous un point en suspension nous laissant rêver à un avenir. La nature s’immisce dans les prises de sons. Le morceau Dans cent ans, qui donne son nom à l’album, est marqué par des changements de rythmes forts et la construction d’un nouvel espace. Flavien Berger s’affranchit ou plutôt joue, avec cette question du temps. Au sein d’un même titre, qui ne fait pas moins de 15mn, on entre à pas de loup dans un couloir sombre et mystérieux … On s’installe, avant que l’on ne nous prenne par la main pour nous emmener sur une immense piste de danse, joyeuse et colorée, précédent un atterrissage tout en légèreté.  

De la douceur, le jeu des mots et des sons, tout y est. La recette fonctionne à merveille sur cet album. On a hâte de continuer à suivre cet artiste aux multiples talents, pour un temps indéfini. 

André Balboni – Gymnopedie no.3 impressions (Sarah)

Il arrive que fêtes de fin d’année riment avec morosité. Écoanxiété paroxystique et burn-out militant composent la litanie façon bruit blanc d’un hiver trop doux pour l’être. Dans le silence opaque d’un studio aux murs décorés de salpêtre, dont les rares concerts de l’entre 24-31 ne parviennent plus à nous extirper, on cherche des valeurs refuges. « Un EP de musique baroque d’un brésilien à 4000 auditeurs sur Spotify, ça passe ?« .

Le grand manitou valide : joyeux Noël. Exit Beirut et autre Eloi, c’est l’ultra talentueux André Balboni qui sonne le glas de 2023 – et avec quelle puissance. Sa relecture de Satie déleste de leur modernité ces Gymnopédies pour les ancrer dans l’éternel ressac d’une humanité en proie avec elle-même. Toujours parées d’une aura de fin de siècle, désormais radicalement baroques, elles s’ornent d’une mélancolie nouvelle…

Par delà le propos musical lancinant, entendre enchantés, pour la première fois, ce que l’on croyait su déjà. Une nouvelle perspective, pour la possibilité d’un renouveau.