Muddy Monk x Jimmy Whoo – Prétexte à la ride

11min18s – le temps d’une pause au travail, d’une micro-sieste, d’un moment d’absence. Le temps de fermer les yeux et d’accepter cette invitation au voyage que nous propose le producteur parisien Jimmy Whoo accompagné de son partenaire de ride Muddy Monk. Quelles images vous apparaissent ? To the Moon n’est qu’images, celles de votre imagination qui, ici portée par des boucles synthétiques addictives, est venue transcender la réalité.

EP cover par @redexpanse

L’un ne jure que par les motels américains, la couleur des néons et les trajets de nuit en chevrolet. L’autre y préfère son deux-roues Honda, qu’il conduit avec nostalgie sur les routes de montagne des Alpes suisses. Mais les deux ont cette attirance certaine et irréversible pour la ride. Une appellation presque ringarde que dirait un oncle pour avoir l’air cool “Alors, ça ride ?”. Une appellation que Muddy Monk a su remettre au goût du jour en un seul album – Longue Ride (2018). Pour ces deux producteurs, la ride est vitale et la musique est son prétexte. Allumer le contact, appuyer sur la pédale et prendre de la vitesse. Il ne reste plus qu’à regarder le monde défiler, là devant soi, et laisser nos pulsions nous porter dans une dimension inexplorée, une terre étrangère. Une expérience sensorielle que les deux artistes revendiquent seul, ou en duo.

Après avoir posé les fondations d’une alchimie certaine en 2019 sur le titre Divine, et plus récemment avec Aqua, les deux artistes reviennent cette fois avec quelque chose de plus grand, de plus complet. Un EP de 4 titres définissant les frontières d’un univers qui, un temps soit-il, nous promet une expérience explorant les dimensions de l’inconscient. La complicité est certaine, musicalement certes avec ce goût commun des synthétiseurs vintages, de leurs nappes enveloppantes ou de leurs notes tranchantes… mais aussi visuellement, toujours à la recherche d’une cinématographie marquée, d’une attirance magnétique pour les grands espaces et la liberté qu’ils procurent. Le résultat oscille entre expérience sonore et visuelle tant les images que leur musique suggère sont évocatrices. To The Moon a été imaginé comme la BO d’une escapade en nature – une randonnée, un bivouac au bord d’une rivière, une route des Alpes… La BO d’une aventure qu’il nous appartient de vivre.

Les 4 morceaux de l’EP viennent défier la frontière poreuse entre musique et cinéma. Comment la musique devient-elle le vecteur de notre imagination ? Quelques notes de synthé – répétées en boucle sur chaque portée du morceau – et la ride commence. Le premier titre nous porte avec une facilité déconcertante dans une autre dimension. Et c’est sûrement ça la clé pour atteindre cet état de transe cher aux deux producteurs : une boucle répétée jusqu’à épuisement, comme les paroles de So Close To You ou les notes mélancoliques de l’Outro du projet. Des répétitions qui installent rapidement une ambiance familière, dont le confort permet de s’abandonner à la mélodie et laisse notre imagination prendre le dessus. 

Après nous avoir porté très haut, Jusqu’à la lune si telle est l’ambition du projet, l’Outro vient nous arracher à nos rêveries cosmiques. La voix électrique de Muddy Monk, rembobinée à toute vitesse, marque un retour à la réalité brutale. 11min18s seulement. On aurait souhaité continuer l’expérience mais le plaisir en aurait été certainement moins intense. 

Un EP onirique qui voudrait que tout soit vrai. Un EP d’explorateurs de l’inconscient plus que du réel. Si To The Moon est un prétexte à la ride que j’ai écouté non dans ma Chevrolet – comme l’aurait sûrement souhaité Jimmy Whoo – mais sur mon canapé, l’aventure était quand même bien réelle. Je n’ai pas quitté mon canapé pour l’écouter, et eux n’ont pas quitté le Ciel Rouge Studio pour le composer. Comme quoi la ride ne tient qu’à peu de chose, un brin d’imagination que la musique saura éveiller.