C’est par écrans interposés que nous avons pu discuter avec Raphaëlle et Axel. Avec le duo de Metro Verlaine, nous avons tirés tous les fils attachés à ce troisième album, Pop Sauvage, pour voir où ils menaient.
La Face B : En 2022, sortait Funeral Party. La préparation avait été compliquée entre le covid et les plans d’enregistrement aux Etats Unis qui n’avaient pas pu se faire.
Axel : Je te refais pas le film. En 2020, on devait enregistrer à New York. On s’est dit qu’on allait décaler de 3 mois et ça s’est décalé à jamais en fait.
La Face B : Avec ce nouvel album, avez-vous pensé à retenter cet enregistrement avorté ?
Axel : On fera peut être ça pour le quatrième. Là, on avait envie d’aller l’enregistrer au soleil dans le pays basque. En vrai c’était une super expérience, on passait nos soirées en Espagne à décompresser. Franchement, pas de regret.
Raphaëlle : Le premier à été enregistré à Evreux. On avait déjà fait des prises lors du deuxième là-bas à Saint-Jean-De-Luz, mais à l’époque ce n’était qu’un bout d’album.
La Face B : Ce troisième album s’intitule Pop Sauvage. Est-ce que ce ne serait pas justement la définition du rock ?
Axel : Absolument. C’est un terme qu’on utilise depuis le premier album. Notamment par ce que ça fait chier les journalistes qui nous disent : « Alors, vous êtes plutôt rock garage, plutôt punk…? » Quand tu aimes un peu tout ça et que tu n’es pas The Black Angel ou Slowdive, c’est pas intéressant. Mais oui oui, Pop Sauvage c’est Velvet Underground, c’est Television, c’est Patti Smith, c’est du rock’n’roll en fait.
La Face B : Pop Sauvage, c’est le nom de l’album, c’est aussi celui de la première piste. On a la sensation que c’est un peu le point de départ autour duquel tout le reste s’articule. C’est le cas ?
Raphaëlle : Pour le coup, tu as bien capté. Par ce que c’est le premier morceau qu’on a composé, qu’on a enregistré. De là, tout a découlé, c’est exactement ça en fait.
La Face B : De ce morceau émane un son très galopant qui se ressent dans tout l’album. C’était l’idée ?
Axel : En fait tu as raison dans le sens où le morceau Pop Sauvage on l’a imaginé comme un road trip en bagnole, un peu en gueule de bois. Il y a un mouvement qui défile, c’est quelque chose d’assez cinématographique. Cette idée là, on a essayé de ne jamais la lâcher tout le long du disque. Paradoxalement les tempos sont moins élevés que sur Funeral Party. Je trouve qu’au final il y a plus de dynamique. D’ailleurs, Pop Sauvage était un titre de travail. Une fois l’album fini, on s’est dit, vas-y, ça a du sens pour nous que se soit le nom du disque.
La Face B : Du coup dans la composition, ça a été très vite ?
Raphaëlle : Carrément, c’est la première fois qu’on met aussi peu de temps à faire un disque. On a vraiment commencé à se mettre au travail en mars 2023. En même pas un an, le disque est sorti.
Axel : Dans l’écriture on s’est enfermés 3 à 6 mois. J’avais plein de bouts de choses, de guitares ou un pattern de batterie, des lignes de basses. En quand on a réussi à boucler Pop Sauvage avec les paroles, tout s’est super enchaîné. Du coup on a pas voulu perdre de temps sur l’enregistrement. On a écrit le disque et 2 semaines après on était en studio.
Raphaëlle : Galopant comme tu dis, on a bien galopé. Spontané. Tu sais quand tu te poses moins de questions, ça va plus vite. On s’est enlevé quelques barrières, on a voulu se faire plaisir.
Axel : Oui et puis on avait envie d’aller plus loin aussi. Même si on n’avait pas le temps en studio, à un moment il était question qu’on ait 4, 5 mecs avec des trompettes qui viennent faire des arrangements sur un titre. Et ça, 3 ans en arrière, on aurait dit, non esthétiquement je le sens pas. Là on était en mode, franchement si les gars sont dispos, on fonce. Ca a failli se faire. Je suis un peu déçu que ça ne se soit pas fait. Pour le prochain, on ira encore plus loin.
La Face B : Donc une approche plus instinctive ?
Axel : Carrément. En studio, on a essayé des choses, ça marchait pas, on en essayait d’autres. On avait prévu des trucs en maquette, le full band brass prend moyen. On se dit vient on colle une gratte acoustique sur le titre, c’est des trucs qu’on avait jamais fait.
La Face B : Il fallait juste que ça reste dans la ligne Pop Sauvage ?
Axel : Ouais, on a mis partout le mot Pop Sauvage en studio pour que tout le monde se rappelle l’ambiance qu’on cherchait à écrire. Moi j’ai ramené une photo de Joy Division, que je mettais près de la batterie, un petit croco en plastique. C’est comme des totems, il fallait que ça imprègne. C’est un peu bizarre, mais ça a bien marché. Moi je m’exprime mieux en chanson que en discours donc avec mes petites obsessions de Cure, tout ça, les gars comprenaient mieux où aller. C’est comme déménagé son appartement dans le studio, du coup tu es bien. Tu peux presque bosser en pyjama et créer un espèce de cocon, par ce qu’avec Raff, c’est facile mais quand on est 5, 6 enfermés, c’est différent.
La Face B : Les musiciens n’étaient pas les mêmes que sur les disques précédents ?
Axel : Romain le bassiste était déjà sur le premier album. Le deuxième, on l’a fait que tout les 2. Le troisième, il y avait plus une dimension de groupe effectivement. On a rappelé notre pote de Crocodiles, Charles pour produire le disque. Du coup on a eu l’impression de retrouver la fraîcheur du premier album ou quand on était à Evreux on buvait du pastis entre les prises, le soir on faisait une pétanque, c’était cool.
Raphaëlle : Quand on avait fini toutes ces prises à Saint-Jean-De-Luz, on est remontés à la maison à Evreux et on a enregistré les voix. J’ai vraiment kiffé. Comme si on avait prit les instrus dans une valise. J’ai fait mes voix en 3 jours dans le studio d’un pote : Octopus’s Garden Studio, j’ai vraiment trouvé ça génial de ramener le soleil, les souvenirs et tout terminer à la maison.
La Face B : Ce n’est pas la première fois que vous faîtes du name droping, on se souvient de Richard Hell. Ici on trouve Etienne Daho, ou des paroles de Harley Davison de Brigitte Bardot. C’est pour s’approcher un peu plus de la partie pop de Pop Sauvage ?
Axel : C’est vrai que convoquer Daho, c’est convoquer cette pop classe française. Weekend à Rome, c’est toujours un plaisir en bagnole sous la flotte.
Raphaëlle : Et puis franchement, danser sur Daho sapée en noir, ça arrive. L’image existe, ça sort pas de nulle part.
Axel : Alors pour Richard Hell, il m’avait écrit du coup à l’époque. Il avait tapé son nom sur google et il était tombé sur notre morceau, dieu sait comment. On avait échangé un peu, donc si Etienne Daho a envie de boire un coup à la maison, il y a pas de problème.
Raphaëlle : Ou même juste salut. Mais une bière c’est mieux. ( rires )
La Face B : Lors de la sortie du disque précédent, dans une interview, vous disiez : Chanter en français, c’est pas à la mode. Qu’est ce qui a changé ?
Axel : Notre 1er album était full français. Le prochain sera peut être en italien, va savoir. Plein de gens ne comprenaient pas. Pour certain, le rock français, c’est forcément Noir Désir. Moi j’en ai un peu ras le cul des références Brel, Brassens, Noir Désir. Je trouve que Liminanas ont vraiment déridé l’utilisation du français en le rendant super surréaliste. Il faut s’accrocher pour piger leurs paroles. Nous on voulait pas rentrer dans une case, donc on a plus combattu l’idée de rock français. Noir Désir l’a fait et ils sont insurpassables dans ce trip là. On connait beaucoup de groupes qui ont essayé de faire comme eux et artistiquement on ne se souviendra que de Noir Des .
La Face B : Il y a pourtant toute une scène aujourd’hui qui fait du rock, qui chante en français et ça marche ?
Axel : Il y a des gens qui ont fait beaucoup de bien comme Biche. ce sont des gens qui ont vachement de références anglo-saxonnes mais en français. Bandit Bandit c’est peut être plus US mais en français. Ca c’est vraiment intéressant, par ce que il y a des gens comme Juniore qui ont réouvert la voie au fait que c’est notre langue. Entre Metro Verlaine et Bandit Bandit il y a un océan et pourtant on est pas si éloigné que ça dans la démarche.
La Face B : Une Ford Mustang dans le désert et une 125 dans la rase campagne de Normandie, c’est la même chose ?
Axel : C’est par ce qu’on passe notre BTS mécano ( rires )
Raphaëlle : C’est le rêve et la réalité. Pour tout dire, Mustang, c’est un morceau qui parle de drogue en fait donc ça serait plus en Renault 5 ( rires )
La Face B : Dans ce moteur on met plutôt de la rage, de l’envie ou c’est surtout de l’instinct de survie ?
Rafaëlle : C’est un peu de tout ça. Il n’y a pas de cause unique. Le fait d’être pressé, c’est de l’instinct de survie. On a l’impression qu’on va tout perdre dans 15 jours et qu’il faut tout faire maintenant. Après, on est dans notre grisaille normande mais on se créé notre soleil à nous.
La Face B : On retient plus l’idée de liberté que destruction dans ce disque.
Raphaëlle : C’est comme à l’adolescence et que tu deviens adulte, il y a toujours de la colère qui est dilapidée au fur et à mesure des années. Il y a toujours quelque chose d’urgent et d’inapaisé.
Axel : Faire des disques, ça empêche d’être destructeur. Mais tu n’entendras jamais de notre bouche l’idée de « disque de la maturité », ça c’est du bullshit de base. Mais disons que Pop sauvage c’est le disque de l’équilibre. Créativement, c’est une étape très importante et ça sera un pilier, bien plus que tout ce qu’on a fait avant.
Raphaëlle : J’ai vraiment l’impression qu’on remets 10 pièces dans la machine et que c’est reparti pour des années. C’était pas la sensation sur Funeral Party, même s’il n’y avait pas de doutes, c’était pas le même mood. Là tout est devant.
Axel : On a souvent cette idée de thème. Cut-Up était très orienté sur la scène londonienne, le deuxième est une sorte de fuck off général et là c’est comme retrouver un pote que tu as pas vu depuis 10 ans et qu’au bout de 3 verres, tu te rends compte que rien n’a changé et que tout a changé. Et que c’est super.
La Face B : On arrive à la fin. J’aimerai connaitre ce que vous écoutez en ce moment. Qu’avez-vous à me faire découvrir ?
Raphaëlle : Olivia Dean, c’est soul , c’est super.
Axel : Arlo Parks et Idles voilà. J’ai vraiment hâte que le nouvel album sorte.