Trail Of Flowers, Dans l’univers enchanté de Sierra Ferrell

Avec son nouvel album Trail of Flowers, la musicienne country américaine Sierra Ferrell nous invite dans un monde onirique très personnel, révélant la finesse et l’imagination débordante qui se cachent derrière sa voix envoûtante et son style unique

Originaire de Virginie-Occidentale, Sierra Ferrell passe ses jeunes années sur les routes américaines, à jouer dans les rues et les bars de la Nouvelle Orléans ou de Seattle. Installée à Nashville et signée depuis 2019 sur le label Rounder Records, la musicienne se fait connaître internationalement par une vidéo produite par la chaine Youtube GemsOnVHS, sur laquelle Sierra chante sa chanson In Dreams. La reconnaissance de son talent s’est ensuite confirmée par le très bon accueil de son premier album, Long Time Coming, en 2021.

Désormais une artiste incontournable de la scène américaine (et nommée « Saving Country Music Artist » de l’année 2023), Ferrell s’est distinguée en s’emparant de style musicaux (le swing, ragtime) considérés comme démodés, et réussissant grâce à un talent un peu magique à les rendre populaires et attrayants pour un large public. C’est avant tout l’époque et non le genre musical qui est le plus important dans la musique de Sierra Ferrell, créant ainsi une cohésion entre les différentes influences qu’elle apporte à son répertoire, toujours donc imprégné de ce style ragtime des débuts.

Ferrell cite des influences allant de The Dillards à Dolly Parton, en passant par des légendes du bluegrass comme Tim O’Brien et John Hartford, des classiques de la country comme Hank WilliamsThe Carter Family et Patsy Cline, ou encore les Beatles et Otis Redding.

Avec cet album, Sierra Ferrell nous permet d’abandonner pour un temps notre incrédulité inhérente à la condition adulte et d’être transportés dans un univers poétique loin de la froideur de l’existence moderne. Trail of Flowers contient beaucoup de ces moments oniriques, mais offre aussi à l’artiste l’occasion d’explorer d’autres textures sonores et d’autres influences, la narration brute de Ferrell s’insérant dans un riche mélange de country, de bluegrass et de jazz. Trail of Flowers fait suite à son premier album sorti en 2021, Long Time Coming. Produit par Eddie Spear (Brandi Carlile, Chris Stapleton) et Gary Paczosa (Alison Krauss, Gillian Welch), l’EP voit Ferrell fusionner une musicalité classique avec des préoccupations résolument modernes pour raconter son parcours de vie dans une culture rongée par le capitalisme. Entre les histoires d’amour dans les bars, les ballades meurtrières et les récits fiévreux sur la recherche de nourriture, les mots et les émotions sont infusés de la vie nomade et frugale de la musicienne – ses années passées à faire du busking à travers le pays dans des wagons de marchandises, les relais routiers, et les ruelles de différentes villes, avec un groupe de jeunes musiciens itinérants.

Crédit photo: Alysse Gafkjen

« Avec Trail of Flowers, je voulais produire un son plus ample, avec une batterie plus grosse, tout en restant fidèle à l’ambiance dépouillée de la musique d’antan chaque fois que cela s’avérait nécessaire. Je voulais créer quelque chose qui rende les gens nostalgiques du passé, mais aussi enthousiastes quant à l’avenir de la musique. J’essaie simplement de mettre des mots et des mélodies ensemble et d’en faire quelque chose dans lequel les gens peuvent déverser leurs sentiments, leurs joies et leurs peines, afin que cela change un peu leur réalité et leur apporte un peu de réconfort. Pour moi, la musique est comme un médicament. Chaque fois que j’écris une chanson et qu’elle me fait du bien, je sais qu’elle peut faire du bien à d’autres personnes. »

La première chanson de l’album, American Dreaming, est accompagnée d’un clip montrant l’artiste à divers moments de sa vie en tournée. Sur ce morceau, Sierra Ferrell nous parle de moments difficiles vécus durant cette vie itinérante, déviant de ses inspirations habituellement plus oniriques. « I’m losing touch with all my friends, the ones who remind me who I am / If I could just get back home to pick up where we left off / I’d take better care of myself, I’d stop drinking from the bottom shelf / But my old wheels keep spinning and I cannot make them stop« . Comme pour beaucoup d’entre nous, la poursuite d’un rêve se heurte parfois à des considérations plus fondamentales comme les liens d’amitié, l’amour et le bien-être, appelant à faire une pause et prendre du recul, ce que la chanteuse reconnait avoir dû mal à faire. 

Sur le titre I Could Drive You Crazy, sorti en single, elle ouvre une nouvelle porte sur son univers sauvage et intemporel. Au son des violons, le morceau est une joyeuse bouffée d’amour, soulignée par les harmonies hurlantes, les crochets de violon et les tambours frémissants que Ferrell déploie sur cet album de douze chansons. « Je traînais avec des amis et nous avons eu l’idée d’une chanson où l’on dit à quelqu’un : Je ne suis pas doué pour ceci et je ne suis pas doué pour cela, mais il y a une chose que je peux faire, c’est te rendre fou », raconte Sierra Ferrell. « Nous avons décidé d’ajouter à la fin un enregistrement de mon public du réveillon du Nouvel An, pour que vous puissiez l’entendre hurler. J’aime toujours que tout le monde hurle lors de mes concerts, c’est un bon sentiment, un sentiment de liberté.« 

Trail of Flowers comprend également quelques titres plus country. Why Haven’t You Love Me Yet est une chanson que l’on pourrait imaginer entendre résonner depuis des honky tonks à Nashville ou Austin. De même, Dollar Bill Bar a une histoire délicieusement simple sur ces bars que nous avons tous fréquentés un jour, même si le cœur de la chanson soit un récit sur un chagrin d’amour imminent.

Bien que Sierra explore une multitude de nuances sur cet album, c’est toujours fondamentalement l’influence du old-time qui prévaut. La chanson d’Arthur Smith Chittlin’ Cookin’ Time in Cheatham County retrouve ainsi une seconde vie grâce aux cordes vocales de la chanteuse.

Alors que sur la murder ballad Rosemary, elle déploie une touche surréaliste avec une pluie sans fin qui laisse place à une rivalité amoureuse et culmine dans un fantasme de meurtre (« I’m going to Rosemary’s, where I’m killing both of you« ), Wish You Well est peut-être le bijou caché de Trail of Flowers, sur lequel Sierra transmet avec sincérité que le chemin pour surmonter un chagrin d’amour n’est pas la vengeance, l’évitement, la distraction ou même le temps, mais bien le pardon.

En somme, on ne pourra donc que vous recommander de plonger le temps d’un album dans le monde poétique et surréaliste de Sierra Ferrell, et d’enjoy the ride!