Si Serpent a connu ses heures de gloire ces derniers mois, le castelroussin ne s’était pas téLescopé. Blague à part, on parle bien de Lescop. Dans l’ombre, il s’est essayé à un autre art qu’il affectionne tout autant, celui qui l’a formé : le jeu. Il a pris les traits d’un dessinateur de bande dessinée le temps du film Playlist de Nine Antico pour mieux se réapproprier les siens. Lescop se remet dans la lumière, un peu plus de 10 ans après son tube La forêt. Pour l’occasion, le garçon s’est entouré de femmes aux personnalités fortes : Izïa Higelin, Laura Cahen ou encore Halo Maud. Rêve parti est un album qui conte la reconstruction, la réappropriation. Si certains fantômes des années 1980 planent, Lescop les enlace. Treize morceaux aux doux parfums popeux.
L’un des premiers singles sortis ouvre l’opus ; Les garçons. Une chanson dont l’intéressé nous expliquait l’hommage à la sensibilité masculine. Celle-là même qui se révèle progressivement ces dernières années. Le petit synthé introductif, la voix monocorde, Lescop décrit les garçons. Petit clin d’œil littéraire avec la formule « leurs enfants après eux »qui n’est pas sans rappeler le roman de Nicolas Mathieu. Lescop livre une chanson à la rythmique saccadée dans l’esprit d’une pop légère, celle de la new wave des années 1980.
Dans cette même veine pop, Radio ironise sur le tube du garçon bien lucide sur le succès rencontré à l’époque. On adore ce son synthétique et le fond cold sorti à l’automne. Radio s’était offert un clip pour le moins aérien aux couleurs aussi lynchéennes que jarmuschiennes qu’on vous remet pour le plaisir des yeux.
Celle qui donne son nom à l’album prend la troisième position. Une rythmique tranquille entêtante qui donnent envie de faire quelques micros mouvements lents, la mélancolie chevillée au corps. Rêve parti invite une première voix féminine en arrière-plan. On lui fera peut-être un unique (franchement mini) reproche : le morceau est un brin répétitif.
Et là, elle prend le contrepied de la précédente : Exotica. C’est sans doute le morceau où le fantôme de Taxi Girl veille avec le plein de tendresse. Sa fraîcheur dansante, nous a conquis ces dernières semaines. Exotica comporte un refrain addictif bien grisant qu’on a hâte de découvrir en live.
La plupart du temps ondule dans les eaux troubles de la new wave, une chanson semi-parlée où s’invite Izïa Higelin. Un texte fort sur l’éloignement des corps amoureux pour enjoliver la notion de rupture. Un rythme de nouveau saccadé, comme pour fragmenter le départ à prime abord parfaitement inconsolable.
Si vous aimez le charismatique Bertrand Belin, son fidèle guitariste Thibault Frisoni a un mis la main à la pâte pour cet album et ça se sent encore plus sur Le jeu. Si on parlait d’une bienveillance de Taxi Girl précédemment c’est désormais une ombre d’Etienne Daho qui rode. Un cocktail qui fonctionne sur le fond d’une romance grise autour des règles du jeu insaisissable de l’amour. Aucun doute sur l’envolée sublime en concert.
Encore un clin d’œil aux 80s chéries avec le duo avec Halo Maud – qui l’a accompagné par le passé – sur La femme papillon où cette fois-ci s’invite Jacno. Souvenez vous, il y a quelques semaines on vous parlait du clip. Un morceau où s’invitent des basses enivrantes et un jeu de synthé subtil. Les voix se répondent, une complicité renouvelée.
Plus électrique, dansante, Elle c’est l’émancipation, l’affranchissement. Un vent frais – ouais on parle de cold wave ou de new wave quand il s’agit de Lescop mais là on est peut être sur une espèce de fresh wave -. Un bel hommage aux femmes indépendantes – sans doute parce qu’on s’identifie -. Merci Mathieu !
Dans Effrayé par la nuit, c’est comme si on assistait au come back d’Ellie et Jacno et ça n’est pas franchement pour nous déplaire. C’est raffiné dans le texte et tout – sur les plans musicaux et vocaux – est savamment bien dosé.
Sur ma route affiche un synthé bien rebondissant, il nous entraine dans quelques pas de danse. Cette fois, ils ne seront pas au ralenti, on esquisse quelque chose d’un peu plus grand, un peu plus travaillé. Ca passe sur le dancefloor, on l’écoute dans la foulée d’Elle.
Daniel Darc, si tu nous entends, on te voit ! C’est encore plus frappant ici dans le phrasé et dans le texte. Mais ce n’est pas pour autant qu’on oublie qu’il s’agit bel et bien de Lescop. Dans J’ai oublié ton image le rythme est plus lent, c’est synthétique et pour le moins efficace.
On retourne sur le dancefloor avec Tu peux voir. Une électro-pop curienne façon The walk un brin plus lente. Le synthé y est pour beaucoup on ne va pas se voiler la face. Encore une qu’il nous tarde de découvrir en concert et sans doute, au-delà de sa potentielle accélération, voir les réactions qu’elle va générer sur le public, aura-t-on l’impression de revenir dans les soirées gothiques de ce genre ? Hâte qu’on vous dit. Et c’est la fin. On va siroter Grenadine. On trouve encore du Daho là-dedans avec un peu de noirceur lescopienne.
Rêve parti est un bel opus où Lescop ne déçoit pas. Ses comparses de route sont bien choisies, elles lui apportent une dose supplémentaire de sensibilité – j’ai bien failli écrire vulnérabilité mais dans le fond ce n’est pas le propos -. On retrouve sa patte dansante sur les braises fumantes. Si, comme il le dit lui-même, la new wave n’a plus rien de très new aujourd’hui, le jeune homme parvient à entretenir toute sa fraîcheur tout en étant très inspiré d’une trinité de qualité toute trouvée : Daho, Darc, Jacno. La tournée a déjà bien commencé, on prend date le 4 avril pour la date parisienne à la Cigale.