Parfois, certains artistes ont besoin de réduire les effectifs pour laisser leur créativité s’exprimer. Ces mêmes esprits peuvent se rassembler, afin de faire coexister toutes ces identités créatives et n’en former qu’une. C’est le cas du trio britannique The Smile. Ce dernier s’articule autour de deux membres de Radiohead, Thom Yorke et Jonny Greenwood, et est complété par le batteur Tom Skinner, membre Sons of Kemet. Formé pendant la pandémie du Covid-19, le super-trio s’est rapidement penché sur son travail compositionnel ce qui a abouti sur le premier album de la formation : A Light for Attracting Attention. Sorti en 2022, le disque a placé la formation sur la carte d’un Rock hybride et particulièrement modulable. Ce qui les emmènera particulièrement à jouer au Montreux Jazz Festival en juillet 2022.
Avec leur deuxième album, Wall of Eyes, les britanniques entament une mutation au ton mystérieux mais élégant. En s’éloignant d’un son très orienté vers le Rock, on assiste à un rapprochement d’une identité bien plus relative au Shoegaze. Thom Yorke et ses deux collègues charpentent une musique à l’ambiance très brumeuse, oscillant entre passages sibyllins et d’autres aux discours et couleurs légers et lumineux. Le tout est construit avec une certaine pudeur qui confère à ce second disque une élégance rare et addictive. On peut prendre comme exemple le singe Friend Of A Friend, témoin d’une réelle douceur intrinsèque, notamment portée par le falsetto caractéristique du chanteur britannique.
Cette subtilité se confronte à une mise en place d’un champs harmonique acre et frôlant parfois la dissonance. On peut prendre l’exemple du titre Teleharmonic qui superpose deux pistes de guitare et qui créé un effet de frottement. Ce dernier prend la forme d’une réelle base, une structure mélodique sur laquelle The Smile échafaude et développe ses idées. Malgré la forme en trio du projet, les ébauches pensées par les trois musiciens propose une diversité appréciable d’instruments utilisés. On peut particulièrement penser à la guitare acoustique qui s’ajoute à ses deux penchants électriques sur Teleharmonic, permettant de donner une autre couleur de la nuance au morceau.
Cette tendance à utiliser une guitare acoustique prend d’ailleurs place dès le début du disque. Le titre d’ouverture éponyme prend comme premier ressort harmonique ce même instrument, mis en avant par un jeu aux doigts simple mais très efficace. C’est une observation que l’on peut par ailleurs étendre à l’ensemble de Wall of Eyes. On y retrouve un corpus chargé d’idées simples, qui une fois développées, forment un ensemble homogène et intrigant.
En d’autres termes, ce deuxième album constitue un changement de direction aussi surprenant qu’intéressant, aux chapitres passionnants. The Smile démontre ici une réelle capacité à muter, s’adapter et à ériger une œuvre qui se mue. En prenant un virage s’orientant vers le Shoegaze, le trio britannique signe un second disque dénué de toute forme de pression tout en conservant une certaine exigence. On ressent ici sans l’ombre d’un doute une vision résolument radicale, qui laisse toute la place à la création artistique, ne faisant aucune concession, pour notre plus grand plaisir.