Albert Newton n’est pas tombé sur la tête. Albert ne voit pas double. Il s’est pourtant bien passé quelque chose. Un événement déclencheur qui a fait que Gussstave que l’on connaissait pour son Bedroom Poster nous revienne sous le nom d’Albert Newton et un album nommé Twin Earth.
Sous ce nom combinant celui d’un physicien relativiste et d’un célèbre scientifique qui aimait les pommes, se cache Henry de Montbazon. Le Franco britannique est l’architecte d’un disque livre, un véritable voyage d’Ulysse plus cosmique qu’antique, naviguant autant sur la Manche que dans les confins métaphysiques. A l’origine de ce projet à part, il y a des rencontres passionnantes avec des astrophysiciens et autres mathématiciens quantiques. La découverte et l’intérêt dévorant que l’artiste mêle à cette discipline se lie étrangement parfaitement avec la musique. Les ponts sont nombreux, l’aspiration immatérielle ou une certaine organisation des sensations qui tient de l’infini de l’imagination.
Car si la musique est un univers à part entière, elle est aussi un langage. C’est bien par la poésie et la narration que nous fait voyager Albert Newton. Ce disque est une histoire et comme toutes les histoires elle a son commencement. C’est par l’éveil tout en douceur Morning Light que l’on entre dans ce disque. Un éveil et une première révélation sensorielle, celle d’une éclosion, d’une vue clairvoyante dans la beauté des forces naturelles. A l’écoute, nous prenons part à cette ambiance englobante chantée comme une ode.
Cependant, le voyage commence réellement avec Fall off, et cette deuxième révélation du métaphysique comme environnement fait de particules, d’étoiles et de dimensions parallèles. L’appel d’un synthé comme des trompettes dans le lointain entonnent le départ. On adore ces arrangements très synthé pop qui s’emparent de distorsions de fond et des mélodies claires. Une formule bien huilée qui peut rappeler un MGMT de 2007.
Somewhere In The Dark continue cette épopée musicale. Chaque piste a une personnalité forte, rien ne se ressemble et toutes viennent à nous avec évidence. Pourtant, c’est bien là une lettre d’adieu et la promesse d’un ailleurs inconnu heureux, se laissant guider par le chant des sirènes vers des rivages mystérieux au-delà de l’âme. Tel un marin spationaute, nous entendons alors les grondements des trous noirs Hello Black Hole.
Dans ce Twin Earth, on l’aura compris, les références scientifiques sont nombreuses. Pourtant, ce qui se dessine plus globalement se peuple d’autres types d’univers d’ordre cinématographique. Miyazaki se retrouve cité, Castle in the Sky n’est pas un titre choisi au hasard. Et si l’artiste dit adoré Philip Glass qui a réalisé de nombreuses bandes originales de films, l’aventure onirique racontée en image et en musique ressemble plus ici à l’idée d’un Interstella 555. Le tout illustré par l’os tourbillonnant d’un 2001 l’odyssée de l’espace sur la pochette. Ce dernier représentant bien toute l’essence concentrée du projet.
Les évolutions musicales jouent les différentes émotions comme YIMTIK qui est un formidable guitare voix puis piano avant d’opérer une mutation numérique toujours en douceur. On est jamais bousculé dans cet album mais à chaque fois accompagné. Car même si le contenu peut sembler un peu perché entre des notions comme Kuuki Yomenai qui défini l’impossibilité de saisir les nuances du ressenti par un défaut d’accessibilité ou le fait de se retrouver dans la 16th Dimension, celle qui communique avec les autres, il n’en reste pas moins que ce produit est réellement un disque de musique.
En effet, Twin Earth est bel et bien un album pop rock électronique qui ce joue dans les règles avec de réelles chansons qui se chantent et qu’on entonne. Bye bye record signe donc ici avec Albert Newton 10 pistes toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Produit par Max Baby, les arrangements sont parfaitement sentis pour émettre avec nuances tous les sons galactico pop sans jamais nous dérouter. Tout comme quand Bowie se demandait s’il y avait de la vie sur mars, il n’y a ici aucun besoin d’aller puiser dans la musique expérimentale pour rendre compte de la poésie fantastique ou de la science-fiction transcendantale.
La fin de cette histoire se termine bien avec un retour sur Terre intitulé Gravity Shop et une conclusion instrumentale Earthrise 2b avant que le mot fin s’affiche sur l’écran.
Il est nullement étonnant de constater que ce Twin Earth se dote d’une vidéo ou s’enchaine les pistes relevant tous les points que nous venons d’évoquer.
Petite info, Albert Newton sera à la Maroquinerie à Paris le 10 Avril.
Crédit photo de l’article Nicolas Despis