Une tempête se prépare doucement, de lourds nuages semblent être prêts à sortir de leur torpeur en ce début de printemps. Les parisiens de Midscale viennent de sortir leur premier album, Movements, un disque monochrome qui arbore une multitude de nuances. Planant entre shoegaze et post-punk avec une lourdeur colossale qui ferait passer un zeppelin de plomb pour un moineau, le quatuor nous livre huit pistes d’une intensité sans bornes, habitée d’une poésie vibrante.
Après un premier EP remarquable en 2022, après seulement un an d’existence, et pléthore de premières parties assurées avec brio aux côtés de groupes majeurs du mouvement post et shoegaze, Midscale brise la glace avec un premier long format sans concession. En un an, le groupe semble avoir affûté son style et avoir posé le décor qui sied le mieux son vaste univers.
C’est dans cet univers au premier abord empli de noirceur que l’on plonge volontiers les yeux clos lorsque démarre le disque sur une intro nébuleuse. Des vents tempétueux se lèvent et nous aspirent vers un ciel assombri. De là-haut, on découvre un monde si vaste que le vertige est immédiat. Le disque est en effet baigné de réverbérations massives et denses, dans la plus pure tradition shoegaze. Ce qui frappe dès la première écoute, c’est cette faculté qu’à la quatuor à alternativement nous clouer au sol et nous aspirer dans les airs. Des rythmes lourds se contrastent avec des mélodies aériennes, des riffs massifs s’estompent en échos tandis que des harmonies vocales célestes nous envoûtent. Au final, on se retrouve avec cette délicieuse sensation de flotter tout au long de ce voyage hautement dépaysant.
Il y a Nothing et sa basse pesante, sa section rythmique tranchante auréolée de guitares éthérée. Ce chant obsédant scandé tel un mantra et ces déflagrations soudaines qui nous coupent le souffle. Il y a Bleeding in the Backseat qui semble vêtue d’un crêpe de mélancolie hantée alors même que les premières paroles sont « take your clothes away », cette intensité qui n’en finit pas de croître au fur et à mesure qu’un mur de son se construit. Il y a Love qui commence avec un dialogue entre une guitare tendre et son écho fantomatique et se termine sur des glissandos élégiaques. Il y a l’instrumentale Lush, rêveuse et vaporeuse, qui d’une profondeur sans pareil, touche au sublime, ressemble à l’épectase. Il y a Well qui a elle seule est un voyage astral au sein du grand voyage qu’est l’album. Près de sept minutes toutes en nuances subtiles, aériennes, aux prises d’assauts telluriques qui finissent en grondement impitoyable. Il y a Peat et son rythme électrisant qui soudain nous permet non plus de flotter, mais nous propulse dans un vol à des vitesses démentes. Il y a enfin l’imposante Black in May, une symphonie romantico-gothique hallucinée et tourmentée.
Entre tout cela, et malgré l’apparente noirceur qui émane de ce disque, fleurit une beauté protéiforme qui se love autant au sein de mélodies capiteuses et émouvantes, d’éclats de lumière irradiant les ténèbres, mais aussi et surtout de textes cabalistiques desquels émane une poésie luxuriante. Allant de textes acérés (Peat qui matraque le matraquage publicitaire) à des textes plus sombres et nébuleux (comme Black in May et Well qui traitent de la dépression), mais offre aussi des messages incandescents tels que l’aspiration à la persévérance sur Nothing tandis que « Love » invite à la reconstruction de soi. L’album explore également l’instabilité et le chaos sur Bleeding in the Backseat.
Au bout du compte, avec Movements, Midscale fait briller les ténèbres. Ils nous livrent un album dense et savent autant se fondre dans leur époque que plonger dans des influences telles que Slowdive, Mogwai ou encore DIIV. Disque ambivalent à l’équilibre irréprochable, c’est bel et bien un voyage dans des contrées reculées de l’esprit que nous propose le quatuor, qui semble accorder une place importante au pouvoir cathartique de la musique face aux tourments de l’existence.