Parmi une scène angevine qu’on affectionne particulièrement se promène une bande d’aliens nommés Big Wool. Quatre garçon et une fille bien décidés à vivre la musique comme ils l’entendent, en prenant leur temps, en faisant de chaque sortie autant un événement qu’un marqueur d’une époque. Quatre ans après Simple Travel, le quintette est de retour avec Alien Days. Un nouvel album époustouflant et humain qu’on vous propose de découvrir en avant première dans cet article.
Quoi de plus humain que de parfois se sentir comme un alien ? De vivre parfois en étant étranger au monde à ce qu’il nous demande d’être ? Un peu à côté, rempli d’incompréhension sur la marche à suivre et sur la façon de s’intégrer à une société que l’on pourtant pleinement envie de rejeter.
Si l’on regarde, Big Wool est l’exemple parfait, dans son parcours, du petit Alien de l’industrie musicale. Loin de la ligne droite, le parcours de ces cinq enfants du rock est du genre sinueux, ponctué d’obstacle, d’aventures parallèles et de la recherche d’une magie collective qui apparait de manière fugace, toujours pour le meilleur.
Loin de la production boulimique que l’industrie, et notre époque, demande à un groupe, Big Wool, à choisi l’artisanat, la patience et l’exigence pour construire petit à petit sa propre planète et, comme E.T, retourner de temps en temps à la maison.
Ces jours aliens viennent donc à point nommé et, de manière ironiquement prophétique, commencent et se terminent par deux sentences qui recouvrent et conditionnent notre époque :
The mess is here and no one cares – Alien
But all we know for sure
There is no issue
Shall we just pass – Dancing in the fire
Mettre ces deux phrases en perspective et collées l’une à l’autre rend la chose assez drôle, elle résume pourtant parfaitement toute l’histoire qui vibre à travers Alien Days.
Celle d’une réflexion et d’une acceptation de deux univers : celui qui nous entoure et celui qui vit à l’intérieur de nous. Un aller retour permanent entre l’intimité et le collectif qui s’exprime à travers six morceaux à la fois drôle, conscient et rempli d’énergies variées et humaines.
De manière grossière, on pourrait dire que Big Wool a branché les amplis, a décidé d’embrasser une veine musicale plus puissante, plus sonore. C’est bien sûr une bêtise absolue tant l’intensité et la puissance se sont toujours exprimée chez les angevins.
La différence c’est qu’elle emprunte désormais un chemin moins folk, avec des marqueurs qui seront sans doute appréhendable par public plus large.
Ce n’est en rien une insulte, c’est même l’une des grande qualité d’Alien Days : la nécessité d’être plus direct, plus spontané et plus humain. Cela s’exprime à travers la musique, mais aussi à travers des textes traversés autant par la noirceur propre à une époque que par la volonté d’y répondre à travers l’humour et une écriture qui ne cherche plus à se cacher derrière la poésie pour exprimer les choses.
Ainsi, l’album démarre en douceur avec Alien. Porté par une ligne de basse entêtante et des cordes qui s’envolent sur les refrains, le morceau se structure de manière très pop, une idée qui ne quittera jamais l’album, tout en s’amusant de cette structure pour la distordre légèrement, alors que la voix joue une sorte de dialogue permanent. Alien, c’est la descente d’Alice dans le terrier du lapin blanc, une descente de quatre minutes qui nous entraine vers le grand inconnu.
Et pour amortir la chute c’est Magpies qui nous réceptionne avec son coussin de guitares lumineuses, sa batterie millimétrée et ses chœurs chaleureux qu’on ne peut s’empêcher de reprendre. Magpies pourrait parler de consumérisme, mais dans notre esprit c’est bien le rapport au corps, l’image qu’on lui donne à travers les carcans de la société qui vibrent dans ce morceau.
Everybody Knew commence comme un vieux morceau des Decemberists mais s’en éloigne rapidement pour laisser l’énergie prendre le pas pour nous entrainer sans fléchir. La beauté du morceau se retrouve dans sa manière éclatée d’amener les choses, en plusieurs étapes, sans jamais baisser en tension. Là encore, on ne peut s’empêcher de sourire face à la douce ironie qui émane des paroles, tant et si bien qu’elle arrive à contaminer la façon de chanter de Maxime
Dans sa droite lignée Freud prend le pas et la grande analyse continue. Au programme : les grandes analyses des grands imbéciles et les mystères de ceux qui parlent trop. Un morceau en deux étapes distinctes, entre la colère contre les autres et la grande réconciliation avec soi même, Freud semble être une étape importante qui annonce une sorte d’apaisement à venir.
Forcément, Nova Bossa ralentit le rythme et après tout un tas de questionnement, ouvre la page des réponses. Le morceau nous berce dans une sorte de douceur réconfortante et chaleureuse qui nous contamine.
Mais où nous mènent toutes ces braises ? Au grand feu final, qui porte bien son nom : Dancing In The Fire. Un final comme une sorte d’apothéose dans l’intensité, qui trouve, une nouvelle fois, l’équilibre parfait entre le texte et la parole laissée aux instruments. Un grand morceau de plus de 8 minutes qui se vit comme une grande libération, comme si être étranger au monde et à l’époque ne devait pas nous empêcher d’exister comme on le souhaite.
Il parait que le septième jour est dédié au repos, ces Alien Days de Big Wool seront donc au nombre de six. Six morceau pour un grand album qui prouve bien que la patience, l’attente et le temps qui passe sont parfois des alliés plus qu’utile pour faire de la grande musique.