Et si on ajoutait un peu de chaos dans nos vies ? ALIAS est de retour avec EMBRACE CHAOS, un second album jouissif qui voit le musicien emprunter un chemin plus synthétique mais mélodiquement toujours aussi impressionnant. Imaginez la rencontre de LCD SOUNDSYSTEM et SOULWAX avec le cynisme et l’humour de Chuck Palahniuk et vous n’aurez qu’une petite idée de ce qui vous attend dans les 12 titres de cet album.
Et si on commençait par le milieu ? Quitte à parler de chaos, autant aller fouiller dans le ventre de la bête, ici représentée par cet objet nommé EMBRACE CHAOS, second album d’ALIAS.
Au milieu du fracas, de la folie et de l’éclatement, le musicien nous balance DEMO 3 (I WANNA HUG YOU SO BAD) un titre au groove imparable, une échappée instrumentale, sexy en diable et qui dénote complètement du reste de l’album, comme si il était nécessaire de sortir la tête de l’eau pour mieux repartir en apnée.
Vraiment ? Pas trop en fait, car au milieu de ce qui s’apparente comme le titre le plus attrayant de l’album se cache un joyeux bordel, dix secondes chaotiques qui éclatent complètement le morceau avant que celui-ci ne reprenne complètement sa course.
Cette chanson, la cinquième de l’album, pourrait paraître comme une étrangeté dans l’ensemble, elle est pourtant là pour nous rappeler l’idée même de cet album : apprivoiser son chaos intérieur.
Revenons un peu en arrière, à l’automne 2022. ALIAS dévoile Jozef : un album puissant, hanté, rempli de guitares et d’étrangeté en tout genre et laissant vivre une narration éclatée et parfois exigeante.
La route était toute tracée : ALIAS ferait du rock. Une assertion, un épitaphe qu’on collait déjà sur une carrière qui ne faisait que commencer.
Mais Emmanuel Alias est un garçon malin, jamais vraiment là où on l’attend. Surtout, on en est certain, il crée la musique comme il l’écoute en cherchant en permanence à se surprendre et à grandir. Un plan pas vraiment carriériste mais qui nous convient parfaitement.
Ainsi, EMBRACE CHAOS commence par un petit doigt d’honneur à ce destin et un clin d’œil aux oreilles les plus attentives : SAIGON démarre sur les mêmes notes que The End (Part 2) mais passée à la moulinette 8 bits. Jozef n’est pas mort, il a fui Viêt Nam, s’est teint les cheveux en blond et a branché des synthétiseurs sur ses pédales de guitares et se retrouve bloqué dans une boucle temporelle.
SAIGON c’est Un Jour Sans Fin version psychotique, un BPM sauvage et vacillant et une grande question qui habitera le reste de l’album : Que faire du chaos que l’on porte en soi ? Doit-on le laisser prendre le dessus ou en faire une force motrice ? Puisque plus rien n’a de sens, autant s’amuser un peu.
Ca, l’ambiance poisseuse de EMPTY HEAD, l’a bien compris. Une abondance sonore dans toutes les parties qui composent le morceau pour un rendu apocalyptique et à l’empreinte Hip-hop très affirmée : des percussions en veux tu en voilà, des featurings vocaux ( KROY & Cadence Weapon) qui renforce la multiplicité et permette à ALIAS de s’amuser avec sa voix.
TRUTH OR TRUST débarque pour et cette fois-ci c’est Meggie Lennon et Virginie B qui viennent apporter leur talent et leur sensualité sur un morceau qui interroge le rapport de l’existence d’un artiste. La séduction du morceau est donc une sorte de trompe l’œil, une sorte d’emballage scintillant qui masque mal la tempête qui se cache en son sein. Le tout étant agrémenté d’une ligne de basse absolument parfaite qui nous secoue comme il le faut.
De basse, il sera aussi question dans BAD KIDS. Mais ici, elle passe à la moulinette fuzz et décide de s’offrir un combat de boxe avec les batteries et la boîte à rythme pour savoir qui prendra le dessus. Un combat inégal à l’image de tous ces moments où on laisse la partie sombre que l’on cache au fond de soi prendre le dessus et réclamer son dû : du sang, des larmes et des cris. Bref, tout un programme que BAD KIDS remplit à merveille.
Après DEMO 3 (I WANNA HUG YOU SO BAD), ALIAS joue avec les formats punks qu’il saupoudre d’une esthétique synthétique. MOTHER LOVE et EVIL TWIN sont deux uppercuts de moins de deux minutes qui nous fracassent la tête d’une manière assez évidente et jouissive, notamment la seconde, ride psychotique et dérangeante que le musicien partage avec Virginie B.
Vous en voulez encore ? C’est mal connaître ALIAS et son sens du contrepied. Car sans prévenir, le garçon nous balance WATER CALLS, complainte introspective et charge émotionnelle aussi surprenante que nécessaire. Une petite nouveauté dans l’univers déjà bien complet de l’artiste tant, que ce soit dans sa construction et son interprétation, le morceau se ressent comme une grande vague qu’on se prend en pleine gueule sans rien pouvoir y faire.
CURSED, qu’on avait déjà disséqué par ici, vient reprendre la marche chaotique en avant. Au programme : prise de pouvoir, inversion des rôles et grande libération.
Et puisque tout est possible, pourquoi ne pas partir à la rencontre des aliens ? Mais tant qu’à faire autant que ceci deviennent addict au coca light, ce qui les empêchera fatalement de remplir leur mission et de détruire la terre. DIET COKE ON ICE, c’est tout ça et bien plus encore, un grand moment de libération qui permet à ALIAS de s’amuser avec les formats mais aussi avec sa voix, se transformant le temps d’un morceau en robot étrange et désincarné.
Alors que la ligne d’arrivée se rapproche, ALIAS n’est pas décidé à retirer le pied de la pédale et nous entraine dans une nouvelle cavalcade avec OLD MAN, un morceau à la construction musicale dingue et aux thématiques toujours aussi forte. Un face à face entre présent et passé, un avertissement et le besoin de vivre pleinement pour ne rien regretter.
Il fallait bien une fin, une sorte d’apothéose au chaos. La grande libération prendra le nom de COCKTAILS AND DREAMS et terminera par … le début. Premier morceau composé pour le projet, il en est la pierre principale, celle que l’on garde de côté pour la mettre en avant comme il faut. Un morceau beaucoup moins synthétique que les précédents et qui promet de grands moments à vivre prochainement en live.
Avec EMBRACE CHAOS, ALIAS s’impose dans nos corps et dans nos cœurs et nous offre 12 morceaux libérateurs, resserrés, incisifs et addictifs. Surprenant dans la forme, cohérent dans le fond, le français installé à Montréal nous offre un album généreux et très humain qui risque de nous accompagner pendant un bon moment.