Avec LOVENAYWAY, son second projet paru le 8 mars dernier, Nemo nous ouvre les portes d’un univers musical pop-hybride-vibrant couplés à des moments plus mélancoliques, servant comme un témoignage de ses premiers pas dans le dédale de la vie adulte. Nous l’avons rencontré pour échanger sur son parcours, ses projets, ses rêves et la transition de l’adolescence vers l’âge adulte.
LFB: Salut Nemo, comment tu te sens aujourd’hui ?
Nemo: Je suis fatigué. Mais quelle belle journée! Les feuilles poussent sur les arbres et ça me rend très content.
LFB: Ton projet est sorti il y a un mois. Tu as un peu de recul dessus?
Nemo: Je suis content de l’avoir sorti. Je l’ai commencé en 2022, ça commençait à faire longtemps. Il a été retardé plein de fois parce que j’ai galéré à être satisfait des mix et les morceaux n’étaient pas bien terminés. Donc j’ai tout retapé avec Kofi bae, mon super copain, et on a fait un truc un peu plus digeste. J’ai changé d’ingé son aussi. Je suis content, j’ai eu plein de bons retours.
LFB: On te fait quoi comme retour sur ta musique?
Nemo: Les gens aiment beaucoup mes instrus. Ça me fait trop plaisir parce que c’est moi qui les fais. On aime bien mes textes et ça me touche aussi parce que ce qui me touche le plus c’est quand les gens se reconnaissent dedans. Je pense que pour tout artiste c’est un goal, quand tu t’appliques et que tu fais des chansons personnelles. C’est mon vécu personnel. Moi je suis un gars très solitaire, surtout à la période où j’ai fait le projet, j’étais assez isolé et quand j’écrivais une chanson, je me posais pas la question de sur quoi je vais écrire ou quoi ça sortait tout seul de ma bouche avec l’instru.
LFB: Tu commences par l’instru?
Nemo: Je commence par l’instru. Après, il y a des fois où ça ne marche pas aussi bien et aussi rapidement, mais il y a des fulgurances comme ça où je vais écrire des accords et puis là d’un coup, tu as la mélodie qui vient avec les mots dessus et ça c’est le graal.
LFB: Tout t’es venu naturellement ? Il n’y a pas des morceaux où tu t’es un peu pris la tête sur le projet ?
Nemo: Sur cet EP là, j’étais un peu dans une période de grâce, ça me tombait dessus et ça marchait trop bien. Je me suis pris la tête après avec les mix, les éléments, les structures, mais niveau texte et base de morceau, je ne crois pas que j’ai galéré. Par contre maintenant je galère plus parce que j’ai changé un peu ma manière de faire. Puis la grâce ne dure pas éternellement.
LFB: Je voulais parler du premier single que tu as sorti, Pas sommeil. Il évolue en deux parties avec une fin un peu plus triste, nostalgique mais tu mélanges ça avec des paroles humoristiques au début.
Nemo: C’est le dernier morceau que j’ai fait de l’EP. Moi je viens de Grenoble à la base et je suis monté sur Paris en août 2022 parce que j’ai signé dans mon label Pan European Recording. Je ne connaissais personne et surtout en août il n’y a pas grand monde à Paris. C’est Arthur, le directeur du label qui me loge chez lui alors qu’il n’est pas là, j’étais vraiment tout seul et j’avais les clés du studio du label. J’oscillais entre chez Arthur et le studio et je n’avais aucun contact humain mis à part les contrôleurs qui m’ont mis une amende dans le tram. Donc j’avais même plus de thunes parce que ma carte était bloquée.
J’étais dans un état trop chelou. C’était un peu la vibe Lost in translation. Mais en vrai c’était pas triste. Il y avait une ambiance un peu lourde des fins d’été, c’est toujours trop cool.
J’ai fait ce morceau au bout d’une semaine où j’étais tous les soirs au studio et j’arrivais à rien faire, je commence à écrire cette petite mélodie de l’intro et là ça part tout seul. J’étais dans un mindset où je viens d’arriver à Paris, je vais tout niquer, du coup je fais l’insolent. Et j’étais trop content. Un soir, je reviens sur le morceau et j’étais un peu secoué par les événements de la vie parce que j’avais une histoire d’amour qui venait de se terminer etc. Et en fait ça conclut hyper bien le morceau je trouve. C’est une espèce d’évolution, d’émotions qu’on peut tous traverser, la vie est faite d’oscillations.
LFB: Dans ce morceau, tu parles tes rêves et ça revient énormément dans ta musique. Tu rêves de quoi ?
Nemo: Mes rêves…C’est la paix sur terre. Non, je ne sais pas vraiment. Mes rêves personnels, c’est d’arriver à vivre de ce qui m’anime. Donc la musique, la création, l’art. Les copains, l’amitié, l’amour. Je veux vivre mes émotions au plus proche. Et la musique, c’est ce que j’ai trouvé de plus concret pour être connecté à moi-même. L’écriture surtout. Mais même la production, c’est pareil en vrai. Et mon rêve, c’est de faire ça le plus longtemps possible.
LFB: Est-ce que tu te mets des goals par rapport à ta musique ?
Nemo: Pas vraiment. Là, j’avais un goal que je viens d’atteindre, c’est l’intermittence du spectacle. Donc il va falloir trouver un nouveau but. Mon rêve c’est de faire des tournées, qu’il y ait des gens à nos concerts et être respecté du milieu et que les gens se prennent mes sons et qu’ils pleurent quoi.
LFB: Tes morceaux, je les vois comme un documentaire de ton passage à l’âge adulte. Tu penses beaucoup à ton adolescence, ton enfance et tu n’aimes pas trop la vie d’adulte j’ai l’impression. C’est un peu un entre deux bizarre pour toi, non?
Nemo: Ouais, surtout à cette période où je venais de quitter le cocon. Où je commençais mes études, que j’ai avorté direct, je me suis retrouvé à Saint-Etienne en fac de musicologie en septembre 2021 et je n’ai pas du tout aimé. J’ai jamais été un gars des études. J’étais un cancre à l’école, je détestais ça. Quand j’ai terminé le lycée, j’étais trop content et je me suis dit que la fac ça allait être différent mais ça ne me correspondait pas non plus.
LFB: T’avais quand même déjà la musique en tête.
Nemo: Quand j’étais tout petit, je voulais être skateur pro. Mais en même temps, je faisais du rock. C’était soit rockeur, soit skateur. J’avais pas du tout le niveau pour être skateur.
LFB: Et pourquoi pas le rock?
Nemo: C’est un peu du rock. Je ne me suis jamais trop pris la tête sur mon avenir. On vit dans un monde où c’est dur de se projeter. Je préfère être dans le moment présent, faire les choses. J’ai toujours pensé à la musique. Et puis je me suis toujours dit que si je n’arrive pas à vivre de ça, je serais explorateur ou pirate, je sais pas.
LFB: C’est tes rêves d’enfant ?
Nemo: J’ai toujours les mêmes. Enfin, bien sûr, je les vois avec plus de réalisme. J’ai des phases de doutes mais bon, si je fais pas ça vraiment, je ne sais pas ce que je fais.
LFB: Tu préfèrerais revenir dans le passé ou aller dans le futur?
Nemo: Le futur ça fait trop peur. Moi, je suis un gars très nostalgique. Il y a plein de trucs que j’aimerais revivre. Après, je sais que ce n’est pas possible. Et est-ce que ça serait vraiment bien ? Est ce que c’est beau parce qu’on l’a vécu qu’une fois? Mais oui, à choisir, je pense que je reviendrais dans le passé, même très loin. Peut-être les dinosaures, l’Empire Romain ?
LFB: Tu parlais du fait que tu as quitté Grenoble. Est ce que ça t’a changé de venir à Paris par rapport à ta musique? Juste en termes d’inspirations parce que ce n’est pas du tout le même environnement?
Nemo: Avant j’écrivais beaucoup sur moi, sur mes potes, nos aventures. Et quand j’ai quitté Grenoble, j’ai commencé à plus m’introspecter parce que j’étais tout seul et que j’avais que ça à faire.
LFB: Comment s’est passé ta rencontre avec Pan European ? C’est arrivé très tôt dans ta carrière.
Nemo: Pan European, ils signent très peu d’artistes déjà établis. Ils aiment bien faire du développement. Moi, j’ai réussi à choper un rendez-vous avec Arthur, le directeur, parce que j’avais une entrée par un pote à mon père. Au début, il ne voulait pas trop, je comprends, il reçoit des milliers de maquettes. Je lui ai fait écouter mes maquettes de l’époque et il m’a proposé de m’aider à les produire mais pas dans l’idée de me signer, il voulait juste m’aider et les partager à ses contacts. Je lui renvoie ce que j’ai fait et il m’a dit ok, on va faire un EP quand je lui ai envoyé le morceau Changer mon époque. Et depuis ça se passe très bien.
LFB: Tu ne cherchais pas à être signé. C’est juste venu à toi ?
Nemo: A l’époque, je ne connaissais rien à l’industrie, du coup j’ai préféré me laisser porter. Je savais juste que les artistes que j’écoutais, il y en avait pas mal qui étaient signés chez Pan European.
LFB: Ça t’as pas mis un peu de pression au début ?
Nemo: Pas au début. J’étais hyper confiant. Je pense que je ne me rendais pas compte. Je suis trop jeune pour avoir de la pression. Maintenant je me rends compte que Pan European c’est trop stylé et de la chance que j’ai et ça met de la pression mais c’est plutôt de la bonne pression. Il ne faut pas non plus se perdre là-dedans.
LFB: Tout à l’heure tu parlais de tes prods, sur ton projet et tous tes autres sons, c’est seulement toi qui les produit. Est-ce que tu te vois travailler avec d’autres personnes maintenant que tu es plus implanté à Paris ?
Nemo: J’ai toujours fait tout seul parce que chez moi je faisais que de la prod à la base. Déjà, ma manière de composer, elle m’est propre. Je ne sais pas jouer du clavier, je sais un peu jouer de la guitare, mais je ne m’en sers pas pour composer. Donc déjà pour faire des trucs à plusieurs, c’est moins intuitif qu’un mec qui vient, il pose son clavier et compose. Je galère déjà à faire du son avec des gens pour ça. Je pense que ça s’apprend. Et là je commence justement avec Kofi bae. On essaie de faire du son ensemble.
Poser sur des prods d’autres gens, je ne l’ai jamais vraiment fait encore. Peut être une ou deux fois pour des feats avec des potes. Moi j’aimerais bien produire pour d’autres, ça c’est un peu dans mes plans de cette année. Mais c’est un exercice totalement différent et qui me ferait trop kiffer. J’y travaille.
LFB: Tu as un style qui est très particulier dans tes prods qui est vraiment à toi. Je n’entends pas des choses qui ressemblent à ce que tu fais. Du coup, pour produire pour d’autres personnes, tu dois forcément t’adapter ?
Nemo: Merci déjà. Moi, c’est ça qui me fait kiffer. J’ai envie de faire des trucs que je ferais jamais sur mon projet à moi, me challenger genre de la bossanova ou du dubstep, je pourrais faire même de la trap. J’ai trop envie de collaborer avec des gens parce que ça peut être un sport solo, mais c’est un sport collectif aussi. Il y a plein de gens cools dans ce milieu. Il y a trop de trucs à faire.
LFB: A Paris, ça va vite.
Nemo: Ça va vite et pas assez vite. Je sais pas, ça dépend des gens. Moi je suis un peu timide de base et je n’ai pas trop confiance. J’ai mis à peu près deux ans pour me faire à cette vie à Paname. Mais oui, une fois que tu connais quelqu’un qui connaît quelqu’un, ça va très vite.
LFB: Sur ton projet, tu as un feat avec Caroco, c’est une artiste que tu connais très bien.
Nemo: C’est un des plus vieux morceaux de mon projet, 2020, un truc comme ça. Caro c’est une super copine que j’ai rencontrée à Saint-Étienne. Je faisais mon premier EP et sur un morceau qui s’appelle Dehors il pleut elle prête sa voix. J’avais trouvé sa voix trop belle et même ses prods, c’est elle qui fait ses prods toute seule, elle a vraiment un style très particulier et ça m’a tout de suite touché. Elle a une sensibilité, une manière d’écrire, de poser, de composer qui est vraiment spéciale et que j’ai rarement entendue, même jamais. Elle a depuis signé chez Pan European aussi et ça c’est fantastique. Et puis on va en faire d’autres, on se capte vraiment.
LFB: Sur ton projet, il y a LOVEANYWAY où tu chantes en anglais, tu le faisais déjà sur NEVERSTOPTHERAVE, tu as aussi sorti une reprise de Ween.
Nemo: Des fois c’est plus facile en anglais. En fait, j’utilise l’anglais quand j’ai envie que le message passe plus par la musique que par les textes. C’est plus pour habiller, c’est stylé comme langue. Mais par exemple sur le morceau LOVEANYWAY, c’est que j’écoutais que du punk à ce moment là. Du coup j’avais envie de faire pareil. Et puis ça a vite dérapé en français.
LFB: Musicalement, tu as des influences très éclectiques.
Nemo: Je me rends compte en ce moment que je suis dans une phase où j’écoute quasiment rien de français. Le truc français que j’écoute à mort, c’est Stéphane Milochevitch. Il a sorti un album récemment et c’est un peu rock variété en français du coup c’est assez spécial, mais c’est vraiment le truc qui me touche le plus. J’écoute aussi beaucoup de pop anglaise. J’aime trop le label PC Music. Je suis fan de Caroline Polachek. Saya Grey, découverte de l’année.
LFB: Pour ta direction artistique, tu mélanges diverses influences que tu essaies de combiner. Peux-tu nous expliquer ta vision pour ce projet en particulier ?
Nemo: Les jeux vidéo, c’était un peu la D.A de celui là. J’ai toujours vu les jeux vidéo comme un art, au même titre que la musique, la littérature, les films. Et je me suis toujours buté à ça, notamment les RPG et surtout Zelda. Ça a toujours été mon monde, mon refuge. Sur le premier, j’étais un peu éparpillé et là, je suis encore en train de chercher ce que j’ai envie de véhiculer comme image parce que je n’ai pas envie de me cantonner à un seul truc. J’ai pas envie d’être le gars qui a juste un délire avec les épées, même si je kiffe trop le médiéval.
LFB: C’est important pour toi de développer une image unique pour accompagner ta musique ?
Nemo: Avant, je ne m’en rendais pas compte et je m’en foutais un peu, mais en fait c’est hyper important. Les artistes que j’apprécie, ils ont tous leur truc et c’est ça qui fait aussi leur puissance. Mais ça prend beaucoup de temps.
Puis je suis un peu control freak donc j’ai envie que tout soit bien fait, ça me fait un peu paniquer quand je ne contrôle plus les choses. Donc ça prend beaucoup de temps et au final, des fois je ne suis pas satisfait mais là je suis content de ce qu’on a fait. La photo de la cover, je l’adore.
LFB: C’était quoi l’idée derrière la cover ?
Nemo: Vu que l’EP s’appelle LOVEANYWAY, ça peut être très vite niais et peace and love et je suis un mec hyper peace and love, il n’y a pas de souci mais j’aime bien le contraste. J’ai fait appel à Raphaël Lugassy pour la photo et il avait un pote qui faisait des tatouages et des customs d’objets donc il a customisé notre fusil de sniper à bille. Je voulais une image un peu forte, un bête de look. L’idée c’était de se projeter dans un avenir proche, un monde post-apocalyptique, comme si tout s’était effondré et que je me retrouvais seul, mais je garde ce côté stylé, léché. Je veux la paix, mais parfois, il faut agir. Le pistolet ça représente l’urgence, mais toujours avec une touche de classe.
De base, j’ai dit que j’aimerais bien qu’il y ait une sorte d’arme sur la cover. Et après on a un peu brodé. Raphaël a des belles idées, j’aime bien quand je travaille avec des gens et leur laisser quand même une bonne manœuvre, mais qu’on puisse travailler à partir de mes inspirations.
LFB: Tu as travaillé de cette manière sur le clip de Au bout.
Nemo: Ouais, c’est moi qui ai écrit le pitch de base. Après, il a beaucoup changé par rapport à ce que j’avais écrit. C’était ma première expérience en tant que co-réal. C’était intense, on a eu plein de galères. Mais au final, je suis très content du clip. Ça change du premier clip qu’on avait fait pour Changer mon époque. Là, pour le coup, j’avais vraiment dit à Roxanne Gaucherand: fais ce que tu veux.
A l’avenir, j’ai envie d’être encore plus engagé dans l’équipe, j’ai toujours plein d’idées. C’est juste que j’ai du mal à les mettre en forme. C’est un truc que j’apprends. Écrire un scénario, un storyboard, faire comprendre aux techniciens et aux pros ce que je vois. Je voudrais faire deux clips pour le projet. Il y a un qui arrive pour Daron 90, il est très simple, mais on avait envie de représenter un peu le son, une image pleine d’espoir, on est tous les deux sur un toit, il y a un coucher de soleil derrière.
LFB: Il y a une esthétique très home made parfois dans ta musique.
Nemo: En vrai, j’ai envie de garder ce truc home made aussi. Les deux expériences sont intéressantes, mais là j’ai trop envie de refaire des clips à la caméra comme je faisais à l’époque avec les copains.
LFB: J’ai l’impression que tes potes c’est très important dans ta musique, ça fait partie de Nemo en tant qu’artiste.
Nemo: Vraiment. J’ai de la chance d’avoir un bête de crew. On est inséparable à la vie, à la mort. J’ai grandi en collectif, je n’ai pas grandi tout seul, on a fait les 400 coups et donc forcément si ma musique raconte ma vie, ça raconte la vie de mes potes aussi. J’essaie de les représenter, de leur rendre hommage. Ils font du son aussi et c’est trop cool. On fait des trucs ensemble. J’ai trop de chance d’avoir des amitiés très fortes, c’est le plus important pour moi.
LFB: Tout à l’heure, tu disais quand même que tu es une personne assez solitaire.
Nemo: J’ai des potes à Paris maintenant mais le crew originel n’est pas à Paris. Donc quand je suis parti de Grenoble c’est là que j’ai découvert la solitude et que je m’y suis habitué et au final j’ai pas tant détesté que ça. On a été un peu séparés par les études. La vie d’adulte. Mais on se voit toujours. Après je vois aussi le truc comme si on était seuls face au reste du monde aussi. Mais tu peux te sentir seul avec du monde autour et tu peux te sentir entouré en étant tout seul.
LFB: Il y a un son sur ton projet, La mer, où tu penses à l’avenir de la planète. J’ai l’impression que c’est quelque chose qui t’angoisse particulièrement.
Nemo: Je suis un grand anxieux de la vie. La mer, c’était un peu une manière de me rassurer. A une période, je prenais tous les malheurs du monde pour moi, j’ai du mal à me reconnecter à ma personne et à ma vie qui en fait se passe très bien. A ce moment-là, je ne faisais que penser à la pollution, au réchauffement climatique, ça me mettait trop mal.
Une fois une pote m’a dit que nous les humains on a fait de la merde avec la Terre et on va en souffrir mais la Terre s’en remettra, elle sera toujours là, avec ou sans nous. Et je dis sur la chanson, “vous viendrez pas pleurer quand on entendra plus qu’la mer”. Je m’imagine le futur avec la mer à perte de vue, des petites mouettes et le paisible. Et je sais pas, ça me rassure d’une certaine manière.
Il y a un film très bresson, vraiment dur à regarder qui s’appelle Kids de Larry Clark où il y a un narrateur à la fin qui dit que quoi qu’il se passe le soleil brillera toujours. Je trouve que ça rejoint la mer. La mer continuera toujours de faire le bruit des vagues. Je me sens très connecté avec la nature, elle suit son cycle sans rien demander à personne.
Quand j’ai fait Changer mon époque j’étais en mode “vas-y je vais sauver le monde si personne ne le fait”. Bon en fait on sauve toustes le monde à notre manière et on le tue aussi. En vrai, je pense que les artistes à leur manière changent le monde et j’aimerais bien en faire partie. Si je peux porter un bon message, je le ferai et j’essaye en tout cas.
LFB: C’est important pour toi de parler de sujets comme ça dans ta musique ?
Nemo: Ouais, après, j’ai l’impression que maintenant on est bien au courant quand même. J’ai pas envie d’être le mec relou rap conscient machin. Mais je fais des chansons personnelles donc si ça me touche, j’en parle et je serai toujours fier de parler de sujets comme ça, même si ça peut être très chiant quelqu’un qui te rabâche des morales comme ça tout le temps.
LFB: Il y a tellement de manières d’aborder le sujet, mais comme tu l’abordes sous ton ressenti personnel face à la situation, ça ne donne pas l’impression d’un donneur de leçons.
Nemo: C’est dur de donner des leçons, on est tous des humains et on est tous dans le même bateau. Les gens font ce qu’ils veulent, c’est juste mes points de vue. Si ça peut faire réfléchir certains, je suis content. Mais si tu veux vraiment te renseigner, ce n’est pas en écoutant ma musique. Ça reste important, je pense qu’il n’y a pas que moi qui pense à ça, toute notre génération, on vit avec ça et on est un peu condamnés entre guillemets à ça.
LFB: Je voulais finir en parlant de tes concerts. C’est comme ça que je t’ai découvert et ça été une très bonne surprise. Tu fais pas mal de dates pour quelqu’un qui n’a pas énormément de sons de sortis, ça te permet d’en tester sur un public, d’avoir un contact avec une audience parce que maintenant il peut y avoir cette tendance des artistes qui préfèrent attendre avant de faire des concerts mais toi, tu es dans l’apprentissage de la scène et ça semble important pour toi.
Nemo: Si je pouvais jouer tous les soirs, je jouerai tous les soirs. C’est vraiment ce que je préfère dans la vie. La musique, je la fais tout seul, mais elle est faite pour être partagée. C’est la manière la plus directe de partager ta musique, ton message. Même si t’écoutes pas ma musique et que tu l’écouteras pas ensuite, si tu passes un bon moment en concert, je suis content.
LFB: C’est quoi le meilleur concert que tu as fait?
Nemo: J’ai l’impression qu’à chaque fois, mon dernier concert, c’était le meilleur. Récemment, on a fait un concert à Lyon et c’était vraiment trop bien. Il y a des amis qui étaient là, plein de gens qui écoutaient mes sons qui sont venus me parler après et de les rencontrer c’était génial, on m’a dit des trucs qui m’ont trop touché. De savoir que j’ai touché des gens, j’ai un peu le sentiment d’une mission accomplie.
LFB: Comment tu travailles ton live ?
Nemo: On a une configuration idéale où on a deux caméscopes, un qui me filme, qui retransmet à l’écran derrière moi, ça fait un espèce de vortex vidéo qui est assez cool à regarder et une caméra que Bart mon DJ a en main et qui me filme moi et le public, il peut apporter des modifications, des glitchs, mettre des éléments déjà enregistrés mais ça c’est pas encore totalement au point, donc c’est tout le temps en évolution. Ça dépend beaucoup des salles, il y en a plein qui n’ont pas d’écrans. Récemment, on a apporté un nouveau synthé.
Pour la date à la Boule noire, il y avait Kofi bae avec nous sur scène, c’était trop bien. Mais il y avait trop d’éléments, on fera sûrement d’autres d’autres happenings comme ça mais j’ai envie de garder le format un peu rave avec un DJ et moi. J’ai eu la chance de faire le chantier des Francofolies et on a retravaillé le live, la structure parce qu’il y avait plein de problèmes. Moi, dès que je finis un morceau, je le mets dans le live et j’en vire un autre. Si vous venez me voir, vous entendrez un peu des morceaux qui sont déjà sortis, mais beaucoup d’exclus.
LFB: A chaque fois que je t’ai vu, c’était un live différent.
Nemo: Moi j’aime bien ça mais du coup à chaque fois c’est un peu le bordel et c’est toujours un peu brouillon. Et là, grâce aux Francos, on a appris plein de techniques, on a travaillé les structures des morceaux. J’ai appris des postures de scène. J’entraîne ma voix maintenant, je prends des cours de chant, parce qu’avant je criais sans m’en soucier mais quand je crie, je me fais mal et un jour je ne pourrais plus crier, ce serait triste. Même si tu veux être en mode fuck off et être punk. Si tu veux durer un peu, tu as tout intérêt à avoir une petite discipline. C’est tout un lifestyle que je découvre aussi maintenant.
LFB: Ta première tournée était en partie en co-plateau avec Simia, tu l’as vécu comment ?
Nemo: Moi j’ai kiffé. Puis vu que je suis pas connu, les gens qui viennent me voir, la plupart du temps c’est pour la headline. Bah moi, j’aime trop le défi. Ça me fait pas peur de jouer devant un public qui ne me connaît pas du tout. Ce qui me fait peur c’est juste qu’il n’y ait personne. Ça arrive à tout le monde. Et là, aux Francos notamment, ils m’ont un peu appris à me lâcher. Même s’il y a trois personnes, il faut faire le même concert devant trois personnes ou devant 500 personnes parce que les trois personnes ont payé, elles sont là, il faut les respecter.
J’ai trop envie de faire des très grosses scènes. Pour les Francofolies, je trouve que là, c’est l’exercice maximum parce que personne me connaîtra. C’est entre deux artistes et les gens vont peut être se foutre de ma gueule, mais je m’en fous, je vais faire mon truc au max et je vais profiter. Pour l’instant, je n’ai pas vraiment fait de festivals donc j’ai hâte, on joue aux Francofolies, le lendemain à Musilac, on joue à minuit sur une grosse scène je pense qu’on va faire un set full rave, full techno agressif.
LFB: Tu penses travailler encore sur des EPs pendant un moment ou est-ce que tu réfléchis à l’album?
Nemo: Ouais j’y pense, j’y pense. Mais en ce moment je travaille sur une mixtape.
Ça va rassembler tous les morceaux que j’ai fait depuis longtemps qui traînent dans mon disque dur, beaucoup de morceaux avec des potes, des interludes un peu marrantes, ce sera une sorte d’anti album, pour l’album que je prépare là. Donc peut être qu’il y aura dans la mixtape des bouts de maquettes et au final ce sera des vrais morceaux dans l’album, j’aime bien cette idée là.
Mais l’album pour l’instant n’est pas commencé. Ça me fait un peu peur, mais en même temps, je suis trop excité de le faire. LOVEANYWAY, c’est un peu un mini album. Pour moi en tout cas, je trouve que les tracks sont cohérentes entre elles, plus que sur le premier où c’était moins réfléchi.
Le premier projet, je ne savais pas à quoi m’attendre, j’avais peu de pression. Et on a eu de la chance, à mon échelle, il a plutôt bien marché. Ça m’a un peu mis la pression pour arriver à faire aussi bien. Après, il faut se détacher. Je sais que les chiffres et tout ça, c’est que de la merde. Mais forcément, quand tu es artiste, c’est un peu ton seul repère hors concert. Maintenant j’ai envie d’aller conquérir un nouveau public et ça va passer par les concerts. Et par la mixtape j’espère, parce que je sens qu’elle va être géniale. Là on part en Bretagne, sur une île avec tous les potes en mai pour travailler sur ça.
LFB: Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour la suite?
Nemo: Du bonheur j’espère. Trouver la paix, faire des bonnes musiques et plein de concerts.
Retrouvez Nemo sur Instagram.