La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, la première partie de notre 221ème sélection.
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Manu Chao – Viva Tu
Manu Chao nous fait découvrir Viva Tu, premier single de l’album qui sera disponible à la rentrée, 14 ans après La Radiolina. Viva Tu est un titre solaire et humain à l’image de Manu Chao. Viva Tu es une rumba dédiée à ses voisines de Barcelone : ”Viva Tu c’est avant tout l’amour de toutes mes voisines, c’est une rumba que j’ai écrite pour mes voisines et celles des autres quartiers« , déclare Manu Chao. « La question c’est de s’accepter comme on est et à partir du moment où tu acceptes ce que tu es, Viva Tu !”.
Viva Tu est une célébration, une ode à la vie, à l’entraide et à la solidarité. Par cette chanson, il remercie chaque rencontre, chaque main tendue qui nous donne de l’espoir sur le pouvoir des relations humaines. La mélodie est douce, simple entre les guitares, les chœurs et les voix. La voix de Manu Chao est si reconnaissable et singulière dans les phrases et le chant. Le clip est fidèle au texte et coloré. Il met en scène des moments de vie de son quartier barcelonais : des sourires, des apéros, des chansons, des voisines qui dansent, célèbrent des anniversaires et on ressent l’importance de ce lien tissé entre voisins entre convivialités, entraide, presque familial qui semble se perdre de plus en plus, mais qui est si important.
Nick Cave & The Bad Seeds – Frogs
Nick Cave & the Bad Seeds revient avec Frogs, second single de l’album Wild God (18e album du groupe) qui sortira le 30 août. Produit par Nick Cave et Warren Ellis, Frogs commence par le premier meurtre de la Bible, d’Abel par Caïn avec la première phrase le couplet « Ushering in the week he knelt down
Crushed his brother’s head in with a bone ». Cette phrase donne le ton avec de nombreuses références bibliques qui vont suivre comme le pouvoir de purification de l’eau, le saut des grenouilles pour atteindre Dieu entre amour et douleur et un couplet magnifique sur les enfants au paradis qui sautent pour la joie et l’amour afin d’ouvrir le ciel en deux (pleuvoir) qui est une métaphore pour accorder leur bénédiction pour aller de l’avant: » Oh Lord, oh Lord, The children in the heavens, Jumping for joy, jumping for love And opening the sky above« .
Nick Cave dit de Frogs: « La pure exubérance d’une chanson comme ‘Frogs’, ça me fout juste un putain de grand sourire sur le visage. » Frogs est toutefois optimiste et positive avec un sentiment d’acceptation du changement et ne pas se laisser abattre par l’échec. Ce titre est d’une élégance et esthétique immense par les arrangements symphoniques et la beauté des violons qui subliment la puissance vocale, les notes longues et l’interprétation intense de Nick Cave. Frogs a une richesse musicale telle qui rendra la version live impressionnante. Le clip est simple avec les paroles en relief sur fond hyper coloré tel l’arc-en-ciel qui se forme quand la lumière du soleil rentre en contact avec les gouttes de pluie.
Koast – Nevermind
Avez-vous déjà ressenti cette impression étrange au réveil, où tout ce qui compose notre monde et notre existence semble, en ce moment précis, devenir flou et irréel ? Comme si, durant un bref instant, tout ce que nous connaissons était altéré par une perception unique, au moment où nous quittons les bras de Morphée pour nous asseoir au bord de notre lit. Cette expérience crée une sensation de flottement qui peut être très agréable. Si vous vous identifiez à cette description, il est fort probable que Nevermind vous procure le même effet.
Koast nous plonge dans une introspection à la fois familière à bon nombre d’entre nous, mais qui reste néanmoins intensément vécue. Éprouver un amour particulier et puissant envers un être cher de manière aussi profonde est quelque chose de captivant. Cependant, cette déferlante de sentiments doit être avant tout contenue afin de prendre du recul sur l’être aimé. Il s’agit de considérer si cette personne sera, malgré peut-être des divergences de vie et de pensée, un réceptacle pour tout cet amour qui ne demande qu’à s’épanouir. Il est également nécessaire de réfléchir sur nous-mêmes pour voir si, à l’instar de ce que nous pourrions attendre de cet être cher, l’acceptation de changements, tant de son côté que du nôtre, doit être envisagée.
C’est sur ce tableau d’une scène de vie que sa musique nous transporte. À l’intérieur de cette familiarité que ce titre aborde, c’est de par sa voix et sa manière de l’exprimer que Koast nous enveloppe dans une émotion captivante et enchanteresse. Nous offrant ainsi un instant suspendu, éloigné de notre perception brute de la réalité.
Mélys – Josephine
Notre perception de nous-mêmes diffère de celle que les autres ont de nous. Pourtant, la vision que nous projetons sur une personne est souvent bien éloignée de ce que ses caractéristiques peuvent véritablement révéler.
Josephine incarne ce rôle avec grâce et élégance. Se mettant en avant dans ce morceau afin de révéler les aspects de personnalité qui peuvent se dissimuler ou se cacher au plus profond de chaque être. Notre protagoniste possède les caractéristiques d’une femme remarquable, une figure de beauté pouvant malheureusement être perçue comme une enveloppe presque inaccessible. Pourtant, au sein de cette héroïne si mystique et intrigante, pulse une folie positive qui ne cesse de bouillonner en elle et n’attend qu’une seule chose : sa libération. Cesser d’affronter la froideur et la superbe que les autres offrent à Josephine, afin qu’elle puisse établir son véritable être. Briser ce tableau composé de traits de peinture mensongers qui ont sans cesse été appliqués par tous ces jugements, révéler la vérité malheureusement cachée.
Ce titre, extrait de l’EP For Once, est une pièce maîtresse au sein de ce projet. Il justifie une plus grande exposition pour Mélys, pour ses mélodies, pour ce qu’elle peut nous transmettre à travers elles et pour partager son univers visuel. Un point presque indispensable au sein de ces harmonies.
Félix Radu – Ma mère
On connaît la plume du jeune jongleur de mots belge Félix Radu. Ses interventions sensibles, et drolatiques sur la RTBF, ne nous laissent pas indifférents. Et il y a quelques jours, à l’occasion de la fête des Mères, il a écrit une chanson pour sa maman posée sur le piano d’Augustin Charnet. Sujet qu’il n’a jusqu’ici jamais abordé dans ses chroniques.
En résulte un slam à l’image de ses chroniques qu’il intitulera sobrement Ma mère. Pour l’illustrer, il choisit de mettre en scène cette dernière dans une session d’écoute en studio. Une session privilégiée puisqu’il fait découvrir la chanson à sa mère en même temps que sa communauté de fans.
Filmée à la verticale comme sur un téléphone, la mère Radu sourit, rit, laisse échapper de petites larmes de bonheur, d’autres plus tristes. Pendant qu’il se lâche avec des mots tantôt plein de tendresse, tantôt bouleversants pour celle qui l’a élevé. Un premier pas dans l’univers musical, on est joie de retrouver sa plume dans cette bulle-là.
King Hannah – New York, Let’s Do Nothing
L’heure est à la fête pour les Anglais King Hannah. Leur deuxième album Big Swimmervient de sortir et pour l’occasion, un nouveau clip émerge : New York, Let’s Do Nothing. Inspiré de Daybreak Express, un curieux court-métrage daté des années 1950 de Donn Alan Pennebaker. Le court-métrage met en scène la ligne de train surélevée d’un terminus à l’autre de la Troisième Avenue qui sera bientôt démolie à Manhattan, New York.
Chez les King Hannah, les images de leur passage à New York se juxtaposent à des séquences dans le train et surtout à Hannah qui porte une perruque rose et des paillettes sous les yeux. Elle ne fait rien de spécial, c’est comme si elle se regardait dans le miroir. New York Let’s Do Nothing illustre parfaitement le projet de l’album consistant à proposer des chansons à l’ambiance romantique et douce, mais aussi parfois des sons plus durs. Résultat : on valide complètement le morceau !
Hippocampe Fou – DEMI-VIEUX
Lorsque Hippocampe Fou aborde sa crise de la quarantaine, il le fait pantoufles au pied et confortablement – ou plutôt acrobatiquement, signe qu’il n’a pas perdu en souplesse – lové dans un fauteuil club. Rappeur devenu papa, il effectue une plongée existentielle au cœur de ses doutes et de ses peurs « Hé ouais – C’est ça de grandir – Trop de questions ». Une introspection qu’il fait en douceur, portée par des accords de guitare qui étirent nonchalamment la ligne mélodique. Pas d’apitoiement pour autant, chez Hippocampe Fou souvent teintée d’autodérision, l’humour est toujours présent. Vieillir n’est pas se dénier. On retrouve dans Demi-Vieux ce qui caractérise son style onirique que l’on apprécie tant.
Demi-Vieux est le premier extrait d’un album à paraître à l’automne. Le concert d’Hippocampe Fou à la Boule Noire en novembre est déjà complet, mais vous pouvez d’ores et déjà réserver votre date pour un Trianon « En Famille » prévu pour mars 2025.
Timothée Joly – Oxygène Pur
Avec Oxygène Pur, Timothée Joly nous démontre – s’il en est encore besoin – que sa musique n’est pas cloisonnée. Elle suit de multiples courants qui la fait tangenter à l’hyperpop de ses débuts. On en avait déjà eu un avant-goût il y a un an lors de son concert des Inrocks Super Club à la Boule Noire. Un groupe live formé pour l’occasion, basse-guitare-batterie, qui délivra un son résolument rock. Celui même que l’on retrouve dans Oxygène Pur, sans concession. Timothée Joly aime s’affranchir des codes et c’est tant mieux. On retrouve cette aspiration dans le message porté par le morceau, sans concession lui aussi.
Une bouffée d’air salvatrice « J’inspire, j’exprime, j’ai besoin d’être » qui revêt toute sa signification associée aux images filmées par Micha Akchoti. Timothée filmé en noir et blanc entouré d’édifices à l’architecture totalitaire, mussolinienne ou stalinienne. Juste pour rappeler que face à la montée des radicalités que l’on constate actuellement, le monde a besoin de respirer. Sur la pochette d’Oxygène Pur, « Inspire expire – Besoin d’être » est écrit en braille pour qu’on puisse le lire même confrontés à l’obscurantisme. On a tant besoin d’être humain.
Thx4Crying – Rien ne m’attend
Rien de m’attend témoigne du manque de repères que ressent Thx4Crying en tant que musicien queer. Et la chanson est à l’image de ce ressenti. Une sensibilité hors norme associée à une pudeur délicate et compliquée. Des sentiments que l’on vit de l’intérieur et que l’on aimerait extérioriser pour mieux en maîtriser les effets. Une intro tout en douceur et tendresse qui mène à de profondes et tumultueuses palpitations. Les passages en mode banger ou electronica apportent un effet cathartique au message que nous délivre Thx4Crying. Une acceptation de soi qui affirme un besoin d’aller de l’avant, quelles que soient les difficultés que l’on rencontre.
Pour donner vie à la chanson, Thx4Crying s’est appuyé sur le collectif Afterlife dont il fait partie avec entre autres Louise Bsx ou Florian Salabert qui a réalisé le clip. Rien de m’attend, campé dans le corps d’un Pierrot à croupetons, il est plongé dans une profonde pénombre. Seule, au travers d’une lucarne inaccessible, une douce lumière lunaire l’éclaire. Mais même si les ténèbres dominent, un mince rai de lumière peut transpercer et illuminer cette obscurité profonde.
Ravage Club – Ecchymoses
Une fois n’est pas coutume, le duo punk rock des Hauts-de-France présente une ballade mélancolique. Est-ce la fin de leur rage ? Point du tout. Claudia a écrit ces me ces paroles touchantes et Vinz en est tombé raide dingue. Riche en rime, ce sujet lourd porte sur la dépendance affective qui amène inéluctablement à la violence. Ecchymoses se voue en une ode à la liberté dans ces relations toxiques. Le titre loin d’être un inédit pour les fans puisqu’il faisait déjà partie de la setlist des derniers concerts.
Le clip, réalisé par Paul-Etienne Luca, est tout aussi intelligemment et simplement pensé que l’écriture de ce texte. Claudia fait face à la caméra, narrant sa peine. La caméra dézoome au fur et à mesure pour nous dévoiler qu’elle n’est que le reflet de ce qu’on veut d’elle. Avec ces toilettes taguées et cette carafe d’alcool, on retrouve l’image débridée du groupe. Le final illustre de manière subtile et efficace son émancipation de cette situation intenable. La scène appelle à la révolte sans virer dans un style désuet. Ecchymoses a tout du tube qu’on réservera dans notre sphère intime.
Ravage Club présentera son deuxième EP à la Bulle Café de Lille le 13 juin après leur premier Olympia le 1er juin, en première partie de Tagada Jones. Classe, non ?
SCHØØL – N.S.M.L.Y.D.
Déjà, que signifie le titre ? Nothing Satifies Me Like You Do. C’est mignon. Et en plus, ce son de ce tout nouveau groupe remet en avant le son rock 90s tout en enlevant les surcouches superflues et lourdes. Pour un premier titre, c’est très prometteur ! Les guitares grésillent avec douceur et nous laissent dandiner sur une mélodie entêtante.
On pourrait situer SCHØØL entre Pavement et Oasis. Quand on regarde les membres de cette bande, on comprend mieux l’origine des influences. On y trouve Alex Battez de Marble Ach, Jack Moase de Liquid Face, Erica Ashleson de Special Friend et Francis Mallari de Rendez-vous. Du lourd.
Le clip se déguste à coup de canettes de bière dans les quartiers populaires du 13e arrondissement parisien. Mais on les retrouvera déjà sur la scène du Point Ephémère ce 3 juin en première partie de Drahla. Sans oublier la sortie du 1er album en fin d’année. SCHØØL n’a pas le temps de niaiser et saute déjà des classes.
Zeu – Wagner
Sous ce masque et ces lunettes noires se cache sûrement l’un des secrets les mieux gardés du rap francophone : Zeu. Technicien hors pair, amateur de références footballistiques et ex-membres du groupe Panama Bende sont à peu près les rares choses que l’on sait sur lui et c’est suffisant pour donner envie de prêter l’oreille à un rap actuel d’une exigence monstre.
Souvent habité d’obscurité, il prend une autre direction avec le clip de Wagner qui le voit, accompagné de son équipe, faire un petit tour aux Pays-Bas. Un clip lifestyle qui permet au rappeur de montrer un peu plus sa manière d’être au quotidien sans en dire de trop non plus. On le voit alors déambuler dans les rues pavées, mais aussi visiter des stades, comme celui de l’AZ Alkmaar, confirmant que ses références footballistiques lui viennent d’un amour sincère pour ce sport.
Sans forcer les comparatifs avec le milieu du ballon rond, Zeu possède une vista et une technique qui ferait pâlir les meilleurs milieux offensifs.