Découvert en plein COVID, Nerlov ne nous a pas quittés depuis. L’Angevin nous a séduit avec deux EPs d’une pop en français, élégante et jamais réellement désespérée. Le grand saut du premier album était donc fermement attendu par nos oreilles. Pari réussi avec Pas si grave, une collection de onze morceaux dont vous avez tous besoin, même sans le savoir. On vous explique pourquoi.
Il est une réalité qu’on ne peut pas cacher : cela fait déjà quelques semaines que l’on pense à la manière dont on pourrait vous parler de l’album de Nerlov. Parfois, un album touche un point d’intime si important qu’on a bien du mal à partager nos opinions de manières posées. Et puis … Et puis la situation actuelle a transformé ce grand flip, ces peurs qui nous assaillent, en quelque chose de plus collectif.
On s’est toujours dit que la musique de Nerlov serait la bande son parfaite d’une apocalypse à venir. On ne pensait pas avoir autant raison, surtout on ne pensait pas que la musique de Nerlov deviendrait la bouée de sauvetage d’une grande dérive qui pointe à l’horizon.
Pas si grave ? Vraiment ? Derrière ce titre se cache énormément de recul et aussi un grand doigt d’honneur. Car dans la tempête, la musique n’a jamais été aussi nécessaire, ne nous a jamais fait autant de bien. En alternant en permanence entre le miroir et l’horizon, le regard sur soi et sur l’autre, ce premier album de Nerlov risque de devenir celui dont on a tous besoin.
« N’avancez pas trop, j’sais pas si ça va péter » – Pas Tant
En terme d’évasion pure déjà, le garçon a bien évolué. Son association avec ATOM continue à faire des merveilles et elle a surtout trouvé un point d’équilibre entre les envies de l’un et le talent de production de l’autre. Résultat, la musique de l’Angevin mute une nouvelle fois, se transforme, prend de son expérience passée pour permettre à son premier album de retrouver une forme d’élégance organique autour de la basse et la batterie tout en gardant ces sonorités électroniques si distinctives.
Quel Dommage, titre envoyé en éclaireur, et faisant un pont évident avec ses Prophéties, laissait déjà poindre cette idée, délaissant par moment une construction sonore trop imposante, souvent presque irréelle.
Ainsi, se développe une palette musicale large, jouant sur les tempos, sur les émotions dans un univers qui se veut forcément accueillant et mélodieux. Des morceaux comme Pas Si Grave ou Et Toi sont des exemples parfaits de ce que la pop doit être en 2024, tandis que l’énergie punk d’À l’envers nous cueille forcément et Disparaitre nous apaise.
Bien malin, le garçon s’amuse aussi à contrer nos attentes. On pourrait parler des variations incessantes de C’est raté , grand rollercoaster sur basse libérée, ou des morceaux plus posés comme Pas Tant ou Grâce à Toi se transforme parfois sur le coup d’une accélération, d’un son de batterie imparable.
Et que dire d’Affamé, qui clôture l’album, grande mise à nue musicale et thématique qui présente un spectre à l’opposé de l’ouverture de Pas si Grave. Un morceau qui laisse la légèreté d’ambiance pour une gravité et un premier degré que Nerlov se refuse souvent.
» Parfois je suis pour, souvent je sais pas. Tant qu’y a d’l’amour, j’ouvrirai les bras » – Quel Dommage
Ce grand écart musical, il se joue aussi dans les thématiques, car de Pas si grave à Affamé, se jouent des histoires que Nerlov réunit pour notre plus grand bonheur.
Nerlov, dans le texte, multiplie les points de vue. On savait que sa plume était acérée, bien trempée dans un humour à la fois salvateur et protecteur, tout en restant toujours profondément sincère et Pas si grave ne nous trompe pas de ce point de vue là.
Cependant, comme un sale gosse un peu décidé à grandir, Nerlov « s’assagit » un poil, prend de la hauteur et laisse percer une certaine douceur. En bon Jean-Claude Van Damme de la musique, il utilise autant le microscope que le télescope, s’amuse en permanence entre l’aventure égotique et la poursuite d’un idéal commun qui pourrait bien nous sauver.
S’exposer crument tout en pointant les défaillances collectives ; avec ces 11 titres Nerlov joue souvent à l’équilibriste, quitte à briser bien souvent le mur qui le sépare de l’auditeur. Car oui, l’objectif final est de pousser l’autre à se questionner, à tirer quelque chose de l’écoute et parfois à se rassurer aussi.
De l’image de soi et du doute avec lequel on vit au quotidien (Pas si grave), en passant du désastre humain et écologique qui pointe (Et Toi / Tout va bien) ou la destruction des égos trop présents (Quel Dommage), il s’amuse à balancer tout haut ce qu’on a parfois peur de dire tout bas.
Sorte d’hygiaphone de nos pensées profondes, Nerlov balance punchline sur punchline pour notre plus grand bonheur. Et il se permet même de parler d’amour au milieu de tout ça.
Mieux, il le fait avec une variété d’émotions assez dingue, jouant avec une voix qui passe de la fragilité à la force, de la maladresse à la morgue la plus pure. Multiple, Nerlov incarne toutes ses expressions, toutes ses opinions pour un résultat aussi puissant et impactant qu’une bonne droite dans la mâchoire.
Vous l’aurez compris Pas si grave est un grand premier album. Onze titres nécessaires dans une époque troublée comme un phare au milieu de la nuit.