Alors qu’on était dans le train pour le retrouver au Bivouac Festival, St Graal annonçait la sortie de son nouvel EP : Les Extraordinaires Histoires d’Amour de St Graal. On a donc décidé d’en savoir plus sur cette prochaine sortie mais aussi sur son live, ses morceaux récents, son écriture et ses collaborations.
La Face B: Comment ça va Léo ?
St Graal : Écoute Charles, ça va super bien.
LFB : J’ai remarqué qu’on se croisait un peu tous les deux ans depuis 2019.
St Graal : C’est vrai, toujours agréable.
LFB : Comment tu as vécu la vie depuis la dernière fois qu’on s’est croisés aux Francoff?
St Graal : C’était il y a si longtemps que ça ? Il s’en est passé des choses. La vie se passe bien, il y a eu une petite évolution plutôt cool depuis.
LFB : De là où je te regarde, j’ai l’impression que tu as réussi un truc que certains ne réussissent pas toujours, c’est de transposer le public de tes réseaux sociaux vers les salles de concert.
St Graal : Ouais, de ouf. J’ai eu cette petite chance. Je ne sais pas trop comment, par quelle sorcellerie ça a pu se produire mais les gens viennent aux concerts et j’ai réussi à montrer aussi que j’étais musicien et que je chantais. Que j’étais chaud de tout donner lors des concerts.
LFB : Là, tu te retrouves avec trois PopUp du Label complet, une Maroquinerie, une Cigale qui arrivent.
St Graal : C’est ça. C’est assez fou d’ailleurs. Ce sont des petites étapes plutôt chouettes. Pour chaque concert, il y a des déjà des trucs prévus assez ouf. Pour les PopUp, ça va être très drôle. Pour la Maroquinerie aussi et la Cigale, je ne t’en parle pas, ça va être un enfer pour tout le monde.
LFB : Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que j’ai l’impression que tu n’as pas brûlé d’étapes. Il y a vraiment cette idée de ne pas aller chercher un drop trop important ou un truc où tu aurais pu te « casser la gueule ».
St Graal : Non et j’ai envie de prendre mon temps. Je n’ai pas envie de brûler les étapes. Pour moi, c’est aussi un moment de kiff total. Ce moment où tu vois un petit peu ta marge de progression et tu te dis que c’est top, qu’on y arrive petit à petit, que pour les salles on met moins de temps à les remplir. Et les partenaires s’affirment aussi de plus en plus avec toi. C’est le meilleur moment. Donc autant prendre son temps et kiffer.
LFB : Il y a aussi le fait que tu tournes énormément en dehors de Paris. Il y a vraiment l’idée d’aller chercher ton public partout où il est.
St Graal : En vrai, je ne suis pas à un Parisien du tout et je ne suis pas un projet avec de la hype et du swag parisien. Mais du coup, j’adore jouer dans les plus petites villes, les campagnes parce que c’est super important et moi je viens de là aussi. Et même si j’adore jouer à Paris parce qu’à chaque fois, c’est le moment où il y a le plus de gens, c’est cool parce que mon rôle est maintenant d’essayer de conquérir Paris, petit à petit. Donc c’est plutôt chouette.
LFB : Comment tu le vis le live ? Là, tu es tout seul mais est-ce que potentiellement, c’est un truc que tu aimerais voir évoluer ?
St Graal : Je vais te dire ça. En gros, là je vais rester tout seul encore. Là, c’était mon dernier concert avec ces morceaux-là. À partir de lundi, je travaille tous les morceaux pour le nouveau live et à partir de janvier, il y aura une vraie scénographie qui va être créée, notamment pour la Cigale mais elle va être travaillée pour toutes les SMAC après. Il y aura une vraie scénographie avec des décors, mais je ne peux pas trop en dire. De toute façon, c’est encore en construction donc ça peut changer.
LFB : Tu parles de la fin de cette version live, j’ai l’impression que tu avais plein de morceaux up-tempo, beaucoup dans l’énergie, je me demandais, vu que tu viens d’annoncer un EP voire un album, si tu allais chercher de la nuance, des variations dans ce que tu peux proposer en live ?
St Graal : Il y aura de la nuance dans l’EP. Il y a deux morceaux notamment. C’est quand même du 160 BPM mais ils vont être assez calmes dans l’énergie et ramèneront quelque chose d’un peu différent. Il y a des morceaux comme Arnica que j’ai pu faire ce soir qui eux sont assez lents et ont un côté un peu plus synthpop-rock. L’EP à venir, c’est vraiment beaucoup de travail, de A à Z, que ce soit dans la DA, dans tout.
LFB : Sur la période depuis le dernier EP, tu avais sorti des singles. J’avais l’impression que chaque single était un peu une espèce de court-métrage à chaque fois. Vu le titre de ton EP, j’ai l’impression qu’on est plus sur l’idée de ce qui va arriver, un long métrage.
St Graal : C’est totalement ça. Les Extraordinaires Histoires d’Amour de St Graal, chaque chanson est une histoire d’amour passée, d’où la pochette avec le tatouage. Oui, c’est un vrai tatouage pour ceux qui se demandent. C’est ce truc où les histoires d’amour passées nous restent un peu collées à la peau comme un tatouage et chaque chanson, c’est ça. Elles parlent d’histoire de cul, histoire de coeur, histoire d’amour, de séparation. Il y a même une histoire sur l’antipode de l’amour.
LFB : J’avais préparé l’interview avant et j’avais noté que finalement, déjà dans ta musique, chaque morceau parle d’amour. Il y a aussi l’amour de soi, des copains. J’ai l’impression que c’est l’élément central et vibratoire de ta musique.
St Graal : C’est ça, j’ai envie de chercher des choses un peu différentes sur l’amour parce que, même si je suis souvent sarcastique, je suis assez solaire naturellement. J’ai envie aussi de parler d’amour, mais de tous les prismes de l’amour, de ce qu’on peut imaginer et dont on ne chante pas forcément les louanges.
LFB : Ce que j’aime bien dans ton écriture, c’est qu’il y a un côté où il y a une petite phrase ou un petit mot qui rend le tout hyper visuel et qui permet de s’imprégner et de mettre des images sur ta musique.
St Graal : Merci beaucoup.
LFB : Est-ce que c’est quelque chose que tu travailles ?
St Graal : Ouais, de ouf. L’écriture pour moi, c’est important. Je commence toujours par ça, en même temps que la musique. C’est un peu bizarre comment je commence mes morceaux. J’essaie toujours de trouver la phrase qui va alimenter toute la chanson. Je sais que par exemple, pour Resto Basket, j’avais la phrase « voyou un peu poète » qui était l’amorce parfaite du petit con qui a envie d’impressionner quelqu’un, qui fait une petite connerie juste par amour et c’est mignon.
LFB : Il y a aussi un autre élément de l’amour, il y a l’idée d’acceptation qui est hyper importante aussi dans ta musique et dans ce que tu fais dans tes réseaux sociaux, à travers tes visuels.
St Graal : C’est pour ça que je termine toujours le concert en disant aux gens que s’ils sont bizarres ou s’ils sont à part, continuez et cultivez ça. C’est le truc le plus chiant d’être normal et d’essayer à tout prix de fiter dans la norme. Parce qu’au final, je pense que personne ne l’est. Je dis à tout le monde de continuer à être soi-même. C’est quelque chose qui est important ouais et c’est un message que j’essaie de faire passer.
LFB : Tu viens d’annoncer ton EP, et juste avant tu avais sorti beaucoup de singles de one-shot, je me demandais ce que ça t’apportait en termes de liberté de pouvoir balancer des singles et de tester énormément.
St Graal : Justement, le but est de tester. C’est pour ça que sur les réseaux, je balance énormément de morceaux. C’est un petit laboratoire où je dis juste aux gens que j’ai composé ça et je leur demande ce qu’ils en pensent. Quand je vois qu’il y a un peu un plus, plus au niveau de l’importance d’un morceau pour les gens, je vais le travailler et ça va me donner aussi l’envie d’en donner encore plus. Je sais que ouais, dernièrement j’ai sorti pas mal de singles, mais justement peut-être qu’il y avait une petite construction de quelque chose que j’ai annoncé aujourd’hui. Certains morceaux qui sont sortis récemment, on va les retrouver dans l’EP.
LFB : Tu parlais de réseaux, est-ce qu’il n’y a pas un danger parfois malgré tout de trop écouter les autres, de moins se trouver soi à travers sa musique ?
St Graal : Je suis d’accord mais je pense que comme toute chose poussée à l’extrême, ça devient dangereux. Évidemment, je ne mets pas mon projet entre les mains du public parce que c’est mon projet, c’est moi. Il faut quand même que ça transpire mes émotions. Non pour moi, il faut juste réussir à garder cette intégrité, se garder soi-même et ne pas devenir esclave d’une audience, d’un public ou de trend. Si on a envie de faire un truc, il faut le faire. Les réseaux, c’est ça qui est bien. Juste si on a envie de faire quelque chose, on peut le faire. Il n’y a pas de trend ou quoi que ce soit. C’est pour ça que j’adore faire des vidéos dans le public, faire jouer le public. Avec KALIKA, on a fait un sondage, on a ramené plein de gens du public dans une salle et on leur a fait écouter le son en avant-première avec des casques de silence party. On avait 80 personnes je crois. Au final, la première fois, on a fait toute une vidéo. Tous les gens étaient trop chauds. On a cassé ce quatrième mur parce que j’avais envie de faire autre chose et essayer de changer un petit peu les réseaux. Je n’ai pas envie de faire que des vidéos en mode « excuse-moi, est-ce que tu fais de la musique ? ».
LFB : On avait déjà eu cette conversation, le fait de séparer le réel des réseaux, est-ce que tu as l’impression que la ligne s’est encore plus brouillée ? Les gens qui te voient sur les réseaux et qui vont être un peu trop familiers avec toi ou des choses comme ça.
St Graal : Je pense que ça dépend de chaque artiste. Je sais que moi, j’ai cette chance d’être assez à l’aise avec les réseaux. La manière dont je peux être sur scène ou sur les réseaux, c’est assez proche au final de ce que je suis. Franchement, les gens sont assez cool avec ça. Je n’ai jamais eu de relou, après je ne suis pas une meuf sur les réseaux qui fait de la musique, je reste un mec blanc qui fait de la musique. Donc je n’ai pas trop, trop à me plaindre sur certains points. Mais les gens sont très cordiaux avec moi. J’ai cette chance d’avoir un public très mature et très bienveillant, et ça, je les remercie tout le temps. Je pense que chacun dose là où il veut doser. C’est vraiment propre à chacun. Il y a des artistes qui se forcent pas mal à être sur les réseaux et qui au final, se laissent emporter par tout ça et finissent par être dégoutés, ce qui est dommage. Il y a des artistes qui peuvent être à l’aise avec ça et juste savoir mettre parfois la petite distance.
LFB : Tu parlais de Premier Baiser avec KALIKA, tu as sorti quelques featurings récemment. Qu’est-ce que ça t’apporte de faire cohabiter ta musique et tes influences avec celles des autres ?
St Graal : Pour moi, c’est du travail. C’est plus une expérience. Je me dis que j’adore la musique de cette personne-là, j’ai envie d’essayer un featuring. Au final, je n’en ai pas fait tant que ça. J’en ai fait trois, avec Ajar c’était il y a un moment, avec Dani Terreur c’était sur son projet à lui et avec KALIKA, c’était moi qui l’avait invitée. Je ne sais pas, il y a un truc un peu d’expérience où on va s’essayer à essayer quelque chose. J’adore ça. Il y a plein d’artistes qui viennent chez moi pour juste essayer des choses. Des fois, ça n’amène à rien et on ne fait que parler, et c’est trop cool. Des fois, ça mène à rien, on ne parle pas et c’est chiant. Et il y a des fois où ça mène à quelque chose et on se dit que ça, soit on le met sur les réseaux, soit on le sort ou on en fait quelque chose. J’adore ce truc de juste travailler avec des gens, parce qu’au final, je ne fais pas de la musique que pour ma gueule. Ma musique, c’est vivant et j’ai envie de la faire avec des gens des fois. Comme je suis tout seul sur scène et que je compose tout, tout seul… Là, très récemment, il y a THEA qui est venue travailler avec moi. On a travaillé un morceau qui sera sur le prochain live à partir de septembre.
LFB : J’ai remarqué que beaucoup de tes morceaux ne dépassaient pas les trois minutes.
St Graal : Moi, comme tu le disais, c’est du uptempo. À chaque fois, c’est du 150-160 BPM, ce qui assez rapide. Dès que j’allume mon logiciel, je me dis 150-160 BPM. Comme la musique est rapide, juste ça se finit plus tôt. C’est ça en plus. Dans mes chansons, dans Je t’emmènerai, c’est 2mn50, il y a couplet, refrain, couplet, refrain, pont, refrain, solo. Comme c’est du 160 BPM, forcément le truc file droit.
LFB : Ce qu’il y a de marrant, c’est que les morceaux qui dépassent c’est Vampire et Le coeur qui cogne, qui font 3mn30, qui sont beaucoup plus lents.
St Graal : C’est ça. Au final, la raison c’est juste que c’est du gros BPM. Moi, j’aime bien, même quand c’est des chansons tristes, me dire que ça va être un BPM abusé où les gens vont danser sur quelque chose de triste.
LFB : Est-ce que tu penses qu’en 2024, un artiste se doit d’être politique ?
St Graal : Je pense que l’art est politique en règle générale. S’il y a un artiste qui n’a pas envie de parler de politique, il n’en parle pas. Ce n’est pas un drame pour moi. S’il a envie d’en parler, il en parle. Moi je sais que j’en parle parfois parce que j’ai envie d’en parler et je me sens politisé. Je pense que malgré nous, même en n’en parlant pas, on est politisés par le fait que l’art a quelque chose de politique. Moi en tant que personne qui parle aussi pas mal de ma bisexualité, ce genre de choses, mine de rien, ça devient aussi politique.
LFB : J’entendais vraiment politique dans le sens très large. Tu délivres quand même des messages d’acceptation, de respect de l’autre, qui sont politiques dans une époque qui manque beaucoup de bienveillance. Ne serait-ce d’avoir ce genre de propos et ce genre d’idées reste un truc extrêmement politique.
St Graal : Totalement d’accord avec toi. Dans le sens où de manière plus large, quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, tout est politique. Pour moi, il n’y a rien qui peut ne pas être politique. Même si j’essaie de ne pas faire de vague, de parler d’un amour super cool, hétéronormé entre blancs, même ça c’est politique. Peu importe, tout est politique, qu’on le veuille ou non. Mais ce n’est pas grave si les gens ont choisi de ne pas en parler. Chacun fait ce qu’il veut au final.
LFB : Pour rester sur l’idée politique, si on pouvait t’accorder trois voeux ?
St Graal : Alors sortez les violons. Évidemment, plus de guerres. On retourne à des bases un peu plus saines écologiquement parlant. Et mon dernier voeu, trois milliards de dollars sur mon compte en banque. J’ai utilisé deux voeux pour sauver la planète donc je peux prendre trois milliards.
Là, on vient de lancer du merch, j’ai fait chier tout le monde à être en mode coton biologique, 100%. Vraiment, essayer de faire les choses au mieux, avec ce que je peux. Que ce soit même les tournées, que ce soit logique. Qu’on aille pas faire du Espagne et après on vient à Lille. Essayer de vraiment faire une tournée qui a du sens à chaque fois. Je tourne en train parce que c’est plus écolo et parce que j’ai un matos qui permet d’être assez minimaliste. Faire plein de petites choses à son échelle. Un peu de bienveillance dans ce monde.
LFB : Est-ce que tu as des coups de coeur récents ?
St Graal : Ouais, de ouf. La série From que j’ai découverte récemment. J’adore les thrillers. Je lis énormément de thriller à la Stephen King. J’adore ça. C’est rare que j’ai été aussi hypnotisé par une série. En gros, c’est super. C’est sur des gens qui n’arrivent pas à partir d’un village. Ils sont bloqués, on suit une famille qui vient d’arriver dans le village et qui sont bloqués avec eux. La nuit, il se passe plein de choses étranges dans ce village. Je n’en dirais pas plus.
En musique, il y a l’artiste Shramm qui est un artiste allemand que j’ai découvert récemment. Il est incroyable. Il fait une espèce de post-punk allemand. C’est super. Je l’ai invité chez moi récemment, on a fait de la musique et il y a plein de trucs qui sont nés, c’est une bête de rencontre. Sinon, en truc un peu plus que j’écoute H24, c’est le dernier album de Jawny. On dirait une sitcom sous acide, c’est incroyable. J’adore.