La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans attendre, voici la seconde partie de notre 234ème sélection.
Waxahatchee – Much Ado About Nothing
Retour de week-end, on ferme les yeux sur la route (étant assis place passager). Instinctivement, on sourit un peu bêtement. Le silence ne nous dérange pas. À la radio, un morceau passe en boucle, Much Ado About Nothing de Waxahatchee. Il nous plonge dans cette atmosphère douce et particulière qui teinte parfois nos fins de vacances, ou ces lendemains de soirée au chaud un jour de pluie.
Waxahatchee est un groupe de pop américain, créé par Katie Crutchfield. Elle est auteure, compositrice et interprète, et nous emmène sur ses pas le temps de Much Ado About Nothing. On passe de l’autre côté, à la manière du plan où on aperçoit l’artiste sur la scène depuis les backstages. Le clip de ce nouveau single repose sur une succession d’images d’archives, de moments sur scène, de répétitions dans l’herbe sur un terrain de foot, de sourires et de paysages qui défilent tranquillement par la fenêtre.
Le titre est réconfortant et Katie marque le tempo. Il y a quelque chose d’assez simple et efficace dans la proposition. L’aspect un peu rétro apporté par la caméra portée nous donne l’impression d’y être. C’est une invitation simple et douce dans son quotidien, supplément paillettes.
Lisa Portelli – L’avancée
Lisa Portelli, c’est la femme poète. Elle s’illustre ici avec le nouveau single L’avancée tiré de son nouvel album Absens à venir en 2025. Dans des paysages côtiers de l’île de Ouessant, Lisa Portelli circule au rythme saccadé comme dans un film muet d’antan, les vagues et la houle s’articulent en ralenti comme en accéléré et l’artiste, livrée à elle-même, se perd dans un champ. Le clip bascule dans une ambiance onirique, à partir du moment où une silhouette comme spectrale prend possession du corps de la chanteuse.
A deux reprises, cette dernière s’assoit à son bureau, fait face à une feuille blanche, sa plume en main, aucun mot ne vient. Et la confrontation aux falaises pour espérer phosphorer et finalement… On vous laisse découvrir l’étrange dénouement.
Pour L’avancée, Lisa Portelli se libère dans un élan sensible, une mélodie douce qui contraste nettement avec Si haute qui l’embarquait dans un délire complètement psychédélique.
WILD CLASSICAL MUSIC ENSEMBLE feat Ava Carrere (Sage comme des sauvages) – On reste heureux
Et les belges continuent de distiller l’album Confined. Cette fois-ci le joyeux collectif du plat pays nous partage son duo avec Ava Carrère du groupe Sage comme des sauvages. Un featuring encore profondément insolite sur fond des injonctions de la crise sanitaire. Soyons positifs – quoique c’est malvenu – donc a minima heureux, tout ce bordel pourrait revenir : « Mais on reste heureux, malgré tout çaaaaa ». Chacun a vécu le confinement à sa manière, le clip pour On reste heureux ne peut qu’apporter un énième témoignage.
D’un côté Ava Carrère déambule dans un cadre relativement bucolique, de l’autre Sebastien Faidherbe est cloitré dans une ambiance plus… clinique – promis, on ne l’a pas fait pour la rime mais ça tombait à pic. Là où le travail visuel sur My frustrations rappelait l’esthétique des fanzines, on est plus sur une approche de simples juxtapositions d’images qui se répondent.
Si My frustrations faisait crépiter le cerveau, On reste heureux peut nous faire faire quelques génuflexions sans avoir peur du ridicule, ça serait par pur amusement. Et si la tête se laisse tenter par quelques headbangers, soyons fous !
Lescop – Mélancolie
L’album Rêve parti continue de vivre – une tournée est d’ailleurs en cours, les franciliens peuvent d’ores et déjà le retrouver au Théâtre des Gémeaux vendredi 18 octobre à Sceaux aux côtés du groupe Omega Violet – mais Lescop s’attèle déjà à proposer de nouvelles choses. Mélancolie s’invite à la fête.
Si le garçon nous a habitué à une new wave à la française, Mélancolie s’inscrit dans une veine beaucoup plus clubbing. On délaisse légèrement les ambiances synthétiques pour de véritables soubresauts électroniques en boucle. Nouveau virage musical ? Thibault Frisoni, son nouveau comparse qui l’accompagnait sur Rêve parti a sans doute élargi le champ des possibles. La nostalgie qui teintait les textes reste bien présente. Soucieux de se réinventer, Lescop se dessine un nouveau chemin. On le suivra. S’il faut aller sur la plage, on ira et par ce temps maussade, ouais clairement.
Ashley Henry – Love Is Like A Movie
L’un des grands espoirs du Jazz britannique en ce mois d’octobre ! Ashley Henry fait parler depuis maintenant des années un talent pour déployer une musique effervescente, emplie de toute l’influence nourrie par son Londres natal, et plus particulièrement sa moitié Sud. À l’occasion de la sortie de son deuxième album : Who We Are, le pianiste londonien a rendu public le clip du morceau Love Is Like A Movie. Porté par sa section rythmique et son piano enivrant, le titre met en avant la voix de Judi Jackson se caractérisant par une tessiture haute et une certaine accointance pour la voix de tête.
La vidéo, elle, met en lumière une troupe de danseurs qui parviennent à donner vie à la composition du musicien anglais. Ces mouvements et cette mise en scène sont magnifiés par un plan séquence qui s’étend sur toute la longueur du clip, qui donne encore un peu plus de grâce et de volupté au morceau.
Dream Theater – Night Terror
Les maîtres du Metal Progressif n’ont pas tiré leur révérence, très loin de là. Suite au retour du grand Mike Portnoy derrière les fûts, le groupe s’est remis au travail et est prêt à accoucher d’un tout nouvel album, Parasomnia, prévu pour le début d’année 2025. C’est à cette occasion que le quintet a dévoilé ce 11 octobre le premier extrait de ce nouveau projet très attendu par les fans : Night Terror. Réalisé par Mike Leonard, le clip met en avant le côté sombre que l’on connaît du Dream Theater de la grande heure. Un visage aux images teintées, pleines de sens et d’authenticité.
Quant au morceau en lui-même, on retrouve encore une fois une recette qui nous renvoie quinze longues années en arrière. C’est presque comme si le line-up n’avait jamais changé, que l’un des fondateurs du groupe, Mike Portnoy, n’avait jamais claqué la porte, pour ensuite revenir près de dix ans plus tard. Ce premier single est une bonne promesse d’une musique qui s’annonce excitante, mais surtout rassurante. La flamme ne s’est pas éteinte, et est même sur le point de se raviver de plus belle.
Finneas – Lotus Eater
Vous connaissez sans franc doute Finneas, même sans en être conscient. Il écume vos oreilles depuis maintenant plusieurs années grâce au travail qu’il entreprend avec sa sœur : Billie Eilish. Mais le californien entretient également sa propre carrière solo, et cette dernière s’est ornementée d’un tout nouvel album : For Cryin’ Out Loud. Pour célébrer cette parution, le compositeur et producteur a rendu public le clip du morceau Lotus Eater. On y entend l’originaire de Los Angeles surfer sur un son très Pop Rock qu’il nous avait déjà introduit dans le passé notamment avec le morceau Mona Lisa, Mona Lisa.
L’une des particularités de cette vidéo est que le musicien y partage l’affiche avec sa partenaire : Claudia Sulewski. Ces derniers mettent en image une soirée autour d’une cheminée au sein de la maison du couple, dans les hauteurs de la ville. Un cadre très bien mis en image, avec notamment des effets de mise en scène sobres et intelligents.
Chubby Hearts Club – J’me dis quoi
Après le clip jubilatoire de Won’t you come out sorti il y a près d’un an, et trois morceaux en juin, Chubby Hearts Club revient avec J’me dis quoi et son joli clip réalisé par Jérémy Benoît.
On y suit Guillaume Forbes (porteur du collectif pancanadien qu’est le Chubby Hearts Club), qui vogue tranquillement sur son kayak, les bras en guise de pagaies. Autour de lui, la dense forêt canadienne est parée ça et là de couleurs automnales, que sublime le soleil déclinant.
Sa voix rejoint l’image, accompagnée d’abord d’une simple guitare, qui s’enrichit au fil du morceau, pour atteindre un son nettement plus rock sur le refrain. La chanson nous plonge dans les pensées nocturnes du protagoniste, pris de peur et d’une sensation de vide, seul dans le noir. Il ressasse des souvenirs d’une relation passée, cherche à trouver du sens à sa vie. Dans cette introspection, il passe de la résignation – « Une bière dans les mains, des clopes sans fin / Vas-y donc, ça change rien » à l’envie de vivre plus fort – «on en veut plus / De la joie de vivre et de la beauté douce ».
Au fil de sa réflexion et à mesure qu’il avance sur l’eau plate, il réalise la nécessité de se libérer du passé et de s’accepter, pour aller de l’avant. Le son et la vidéo se mêlent parfaitement pour peindre un tableau sensible et d’une douce intensité. Celui-ci culmine après le deuxième refrain, alors que les guitares électriques révèlent toute leur puissance : le soleil réapparaît et le kayakiste s’arrête un instant, donnant l’occasion à la caméra de dévoiler son visage, éclairé par une intense lumière orangée.
Le plan séquence nous immerge dans ce décor grandiose et l’ensemble donne envie de continuer à suivre Guillaume Forbes et le Chubby Hearts Club dans leurs prochaines aventures.
Melissa Weikart – Easy
Le chant d’un oiseau ouvre le titre comme perché sur une portée de la partition dont le piano égraine les notes. La voix de Melissa Weikart s’appuie sur les flancs d’une mélodie simple et mélancolique pour voleter. Parfois sûre d’elle, parfois plus incertaine. Les circonvolutions sonores suivent les turbulences nées du doute qui envahit la musicienne, et dont elle chercherait à se défier. « Easy, I’ll make it easy ».
Le voyage que l’on suit en sa compagnie est désormais plus intériorisé que ceux dans lesquels elle nous entraînait dans ses précédentes compositions. Afin d’illustrer l’écho de ces fragilités, le réalisateur Alfie Johnson a choisi de nous plonger dans une ambiance clair-obscur propice à l’intimité et aux confessions. Il a parsemé les images de traces mnésiques glanées dans de vieux films qui interrogent ou répondent à la musique de Melissa Weikart.
Easy annonce la sortie d’un EP éponyme dont la sortie est prévu en janvier 2025. D’ici là vous pourrez la retrouver au Mama Festival (17 octobre) ou en première partie de Léon Phal (Clichy le 15 novembre) ou de Thomas de Pourquery (Evreux le 5 décembre).
Roman Ausen – Moneymaker
S’il y a bien un univers qu’on trépignait de voir prendre forme à l’écran, c’est celui de Roman Ausen. Baby rockeur nourri aux vibes des 70’s, on l’avait découvert (et immédiatement adoré) sur la scène du Pop-up du Label, en première partie de Cosmic Crooner.
Avec le clip de Moneymaker, morceau d’ouverture de son premier EP Night Tracks, Roman sublime un titre qui ne nous avait pas quitté depuis notre dernière entrevue dans le douzième arrondissement de Paris. Réalisé par Ben Cabirol, le clip nous plonge dans une atmosphère sulfureuse, quelque part entre le rêve lynchéen et la décadence chic. Lumières tamisées, velours profond, l’ambiance nous rappelle ces clubs enfumés où tout se joue dans la moiteur des corps et la tension d’un groove implacable.
Dès les premières secondes, Roman apparaît derrière un épais film de verre, nous invitant à plonger dans un décor sensuel et hypnotique, comme un hommage à celui d’un certain Silencio. Les lignes d’une basse frénétique sont mises à l’honneur, menant avec brio cette danse de la vanité. Les corps féminins se déhanchent, tandis que des pounds à l’effigie de Roman et des verres de gin bien trop remplis tombent au sol, offrant un clin d’œil à l’obsession caricaturale du luxe. Cash, Roman !
Ben Cabirol, déjà réalisateur du clip de Blue Velvet, deuxième morceau de Night Tracks et autre clin d’œil à l’univers lynchéen de Roman, réussit ici à fusionner ivresse et sensualité dans un ensemble maîtrisé. Chaque plan respire la tension entre plaisir et danger, le tout dans une esthétique très soignée. Le résultat est une cinématique captivante, où l’on se laisse embarquer et happer par le rock.
Avis aux adeptes, ne manquez pas Roman Ausen lors de son prochain passage parisien: il sera de retour sur scène au Supersonic, son QG, le 18 octobre prochain !
James Baker – Yeux Mouillés
Il est des amours qui ne s’effacent jamais tout à fait, des souvenirs qui se glissent sous la peau, comme des cicatrices invisibles. Yeux Mouillés nous entraîne au cœur de retrouvailles où le passé ressurgit avec la présence troublante d’un fantôme qu’on croyait dissipé.
James Baker nous ouvre les portes d’une rencontre où les souvenirs amers et les émotions contradictoires s’entrelacent. À travers des paroles brutes, vibrantes de sens, il affronte son ex, huit mois après la rupture, conscient de la rancœur qui couve encore. Entre regrets étouffés et attirance dangereuse, il revit ce paradoxe d’un amour éteint, mais encore intensément vivant dans les replis de la mémoire.
Le clip, signé Monolove, amplifie cette atmosphère intime et sombre. Avec ses jeux d’ombres mouvantes et de lumières vacillantes, il nous plonge dans une esthétique quasi spectrale, à l’image de cette relation hantée où s’entrelacent amour et haine. Le timing, à l’aube d’Halloween, ne pourrait être plus parfait. Laissez-vous porter par les images de Yeux Mouillés et peut-être ressentirez-vous cette étrange sensation d’être dans les back-rooms, ou du moins, ce que l’on imagine y trouver…
Gisèle Pape – Vivre
Marek Zerba – Le jeu des Capitales
Cela fait trois ans de suite que Marek Zerba nous partage ses nouvelles collections automne-hiver de ses créations musicales. D’ici quelques semaines, il sortira déjà son troisième album pour nous redonner un peu de baume au cœur en ces temps d’austérité.
S’il est à l’origine des harmonies instrumentales avec l’aide son fidèle Hugo à la batterie, il est aussi à la plume pour les paroles pour Le jeu des Capitales. En tout cas, pour le premier couplet car, sur le suivant, on retrouve la patte Jean-Michel Nulengéo !
Le titre semble s’être inspiré des JO de Paris 2024, on y voit d’ailleurs la mascotte. Mais le clip du Jeu des Capitales témoigne encore du paradoxe dans les pensées de l’artiste : celui du musicien qui reste dans son appartement à effectuer une tournée musicale à travers son globe terreste. Il finit par errer seul, cloitré chez soi alors que le monde semble s’ouvrir à lui. Si tout les chemins mènent à Rome, il n’est pas à douter que cela reste Bagdad dans la tête de Marek Zerba.
Rouperou – Dark silk road
Après un premier EP qui nous avait bien plus, les normands de Rouperou reviennent cette semaine avec Dark silk road, premier extrait d’un album à venir cet hiver et qu’ils viendront présenter la semaine prochaine au MaMa.
Promenade entêtante et onirique, le morceau montre toute l’évolution opérée par le groupe depuis 2023 avec une musique plus frontale et assumée, où la voix du chanteur se retrouve plus en avant alors que la production oscille entre la dub et des intentions plus pop.
Dark sild road est à l’image de son titre, une invitation à voyager vers des paysages oniriques. Tantôt lancinant, tantôt dansant, le morceau prend le temps d’étirer sa ligne musicale, de faire vivre ses intentions pour permettre au tout de s’élever et de nous emmener ailleurs.
Pour l’accompagner, Rouperou nous offre un clip en deux étapes. D’abord accès sur la mise en vie de photographies, la vidéo bascule dans un univers beaucoup plus abstrait comme pour montrer le passage d’une réalité à une autre.
En mettant en vie des images faites à base de laine, le clip nous permet de découvrir un univers aussi délicat qu’il est incarné, représentant à la perfection les sensations ouateuses et émerveillées que nous offre la musique.
Du tout bon donc, en attendant la sortie de Dreamland, leur premier opus, en février prochain.