Pour la 15ème année consécutive, le quartier de Montmartre-Pigalle a vibré sous les sons du MaMA Festival. Du 16 au 18 octobre 2024, plus de 240 artistes de tous les horizons ont fait valoir le caractère exigeant et pointu du festival francilien. Petit retour sur les concerts qui nous ont marqués lors de cette édition anniversaire.
JOUR 1 – Mercredi 16 octobre 2024
BILLIE à La Cigale (Ben)
Quand on vient d’une famille de musiciens (les Chédid pour ne pas les nommer…), deux solutions s’offrent à vous : soit vous prenez la diagonale opposée pour faire carrière dans un univers radicalement différent, soit vous perpétuez la tradition familiale, parce que vous avez ça dans le sang…
Billie a donc fait le choix de la seconde voie et se retrouvait ce soir à ouvrir pour le festival MaMA à la Cigale. Malgré l’ampleur de la tâche, BILLIE s’en sort divinement bien et nous propose quelques titres d’un futur EP dont le titre Ami Imaginaire, déjà fredonné à l’unisson par le public nombreux au rendez-vous.
Un style indie rock bien assumé qui risque fort de propulser rapidement la jeune artiste sur le devant de la scène musicale française !
Crédit photo : Ben Callens
THE HAUNTED YOUTH à La Cigale (Léa)
Sur mon chemin, j’ai croisé Hugo de Bandit Bandit, passé les salutations, je lui dis que je viens d’arriver. S’il n’avait qu’un nom à me donner c’était celui des Haunted Youth. A défaut de pouvoir arriver plus tôt, on a donc commencé le festival avec les Belges The Haunted Youth à la Cigale.
Le jeune leader du quintet, Joachim Liebens, arrive sur la scène avec un combo casquette-capuche. Quelques cheveux dépassent sans pour autant que l’on voit son visage. Mais quelle voix !
The Haunted Youth navigue dans des influences coldwave à la Cure et l’indie rock des années 1990. Si l’approche peut sembler juvénile de par ses thèmes, la présence scénique est totale. The Haunted Youth porte bien son nom, une jeunesse hantée – vous voilà bien avancés, avouez-le – par ses souvenirs, ses tourments, ses névroses. C’est d’ailleurs très perceptible dans leur superbe morceau In my head, très planante dans son introduction, progressivement une colère saine s’installe. Tout un décorum s’installe dans les têtes ; le lit défait, les baskets jetées en vrac au bord, des posters plaqués sur les murs et l’ado le Walkman vissé sur les oreilles – à appuyer compulsivement sur Repeat -.
A notre tour de vous recommander de croiser le chemin de ces cinq jeunes gens ! Pour l’heure, ils sont présents pour une tournée allemande pour ces quatre prochains jours, mais il est certain qu’ils repasseront par la France.
Crédit photos : Romane Marsault (@leoprenddesphotos)
PENICHE au Backstage By The Mill (Ben)
Un des concerts les plus attendus de cette édition du MaMA Festival était à n’en pas douter celui des Tourangeaux de PÉNICHE, sorte d’aliens au sein de la scène musicale indépendante française avec leur musique instrumentale portée par l’énergie du post-punk.
Et que ce soit des morceaux de leur premier album comme Cooloss Cooloss ou Grotsunami ou un Cargo tiré de leur tout premier EP sorti en 2020, ils enflamment un auditoire attentif qui va vite se débrider grâce aux riffs de guitare bien ciselés, à la basse vrombissante et aux coups de boutoir de la batterie d’Axel. Un concert parisien dont ils se souviendront longtemps !
Crédit photo : Ben Callens
PAMELA à La Cigale (Léa)
Alors qu’on se mettait en ordre de marche pour espérer rejoindre les Péniche – ou en tout cas en voir un bout -, notre rédacteur en chef nous demande où est-ce qu’on va comme ça. Et en voilà une idée qu’elle est bonne, rester pour Pamela. Retenez bien ce nom : Pamela. Un seul titre disponible sur les plateformes – Focused dont on vous parlait ici -, il faudra savoir attendre.
Pamela ce n’est pas une énième chanteuse, c’est un duo franco-britannique de mecs qui détonne : Sam Sprent et Simon Quénéa. Les deux sont rejoints plus discrètement par Pierre Cheguillaume. Dit comme ça, ouais encore un groupe de rock chant/guitare-basse-batterie quoi. Non, vraiment, ça n’a presque rien à voir.
Sam Sprent s’illustrait chez les rockers Von Pariahs, Simon Quénéa et Pierre Cheguillaume ont collaboré avec INÜIT et pour le second, avec une autre grande figure locale de la région qu’on ne présente plus ; Zaho de Sagazan. Ils avaient déjà les mains et la tête dans la musique, ils ont juste emprunté un autre chemin qui les amène au MaMA : Pamela.
Pamela c’est une énergie rock avec un beau dosage électro. Si vous aimez LCD Soundsystem, il y a fort à parier que vous adhérerez au projet. Pamela nous a proposé un set électrique, haut en couleurs. Pot-pourri de genres musicaux, Pamela assure un set qui ne peut pas vous laisser indifférents. Ça décoiffe autant que ça dépote. Ça s’amuse sur scène, ça prend plaisir à partager et ça nous plait bien.
Vous pourrez les retrouver en première partie de Zaho de Sagazan lors de ses prochains Zénith, aux Trans Musicales le 5 décembre et pour les plus patients, la Maroquinerie les accueillera pour leur concert en tête d’affiche le 20 mars 2025.
Crédit photos : Romane Marsault (@leoprenddesphotos)
LEMAN à La Boule Noire (Eloïse)
Après avoir eu le plaisir de l’interviewer, j’ai découvert Léman sur la scène de la Boule Noire. Avec son groupe, ils nous ont offert un live maîtrisé, empruntant à l’énergie du Rock dont il est issu, pour faire bouger une Boule Noire visiblement conquise.
Loin d’être un copier-coller de son disque On est plein, ce concert était l’occasion de donner une nouvelle vie aux morceaux – largement retravaillés pour l’occasion, d’exposer son amplitude vocale et d’offrir aux spectateurs un vrai moment de partage. Un concert tout en relief, à l’image de son EP, qui alterne avec finesse entre sérieux et humour, qu’il s’agisse de dénoncer la violence des politiques (Les plus bornés), de dénoncer l’injustice des privilèges (Petit garçon) ou de souhaiter du mal à un ennemi juré avec une bonne dose de dixième degré (JVQTSM).
L’alchimie du groupe est palpable, Léman quittant la scène un instant pour mettre en lumière la pianiste et le batteur qui l’accompagnent. Ils nous offrent un moment de grâce avec un morceau dans lequel l’artiste s’imagine dire adieu au monde de la musique. En introduction de celui-ci, il se livre sur les difficultés voire l’animosité auxquelles sont confrontés les jeunes artistes. Je me dis alors qu’il a bien fait de ne pas baisser les bras, et ce n’est pas le reste du public – qui récite chaque morceau sur le bout des doigts – qui va me contredire.
JOUR 2 – Jeudi 17 octobre 2024
NERLOV à La Cigale (Cynthia)
Si vous connaissiez déjà La Face B avant de venir lire cet article, vous connaissez forcément Nerlov. C’est d’ailleurs de cette façon que j’ai moi-même découvert cet artiste, au détour d’une interview sortie peu de temps avant mon départ au MaMA festival. Touchée par les sujets évoqués et la sensibilité qui émanait de cet échange, j’ai tout de suite ouvert Spotify pour aller écouter son dernier album. Coup de cœur pour 2 / 3 morceaux, aussitôt écoutés, aussitôt ajoutés à ma playlist.
C’est ainsi que je me suis retrouvée devant la scène, à attendre avec impatience de découvrir en live ces chansons qui allaient certainement prendre tout leur sens d’ici quelques minutes. J’avais, sans le vouloir, placé la barre très haut et pourtant, spoiler alert, la déception n’a pas montré le bout de son nez.
Nerlov arrive, tel un boxeur prêt à en découdre, et enchaîne les phrasés précis, piquants, entraînants. Le public du MaMA, connu pour être parfois un peu lent, se laisse prendre au jeu. Rapidement, la température monte, les corps s’agitent, les énergies se déploient et La Cigale devient un ring d’émotions qui s’entremêlent. L’impression de faire partie d’un grand club dansant pour personnes un peu trop sensibles, dont les sentiments ne sont pas toujours maîtrisés et où la rage a besoin d’être extériorisée.
Certains sont ici par hasard, mais la plupart ont eu pleinement conscience qu’ils allaient perdre le contrôle et se laisser happer par les paroles et l’énergie de Nerlov, qui finira par venir chanter C‘est raté au milieu du public pour terminer son concert avec une chenille géante. Nos attentes auraient pu gâcher ce moment mais, croyez-le, on est repartis encore plus fan qu’avant.
THEA à La Machine du Moulin Rouge (Ben)
Découverte l’année dernière lors des auditions des Inouïs du Printemps de Bourges à la Maroquinerie, THEA a depuis sorti un premier EP intitulé Paname Oestros Poubelle et continué à fédérer un public de plus en plus large grâce à de nombreux concerts aux quatre coins de l’hexagone.
Et encore ce soir, sa musique qualifiée d’hyperpop, combinée à des textes incisifs évoquant sa condition de jeune fille queer (Enfant d’laRave, Teen Movie…), fait mouche auprès d’un auditoire composé en majorité de teenagers représentatifs de cette nouvelle génération décomplexée. La relève est assurée !
Crédit photos : Ben Callens
MARTIN LUMINET à La Cigale (Cynthia)
Déjà dans nos cœurs et dans notre liste des “chouchous” dès l’annonce de la programmation, nous étions obligés – non pas sous menaces, mais bien par plaisir – d’assister au concert de Martin Luminet.
L’ambiance se prépare dès le changement de scène, avec des décors montrant déjà la puissance et la fragilité des textes et sujets abordés par Martin. On se laisse aspirer dans un monde où notre cœur commence déjà à s’agiter : il sait qu’il ne ressortira pas indemne de ce moment.
Et puis il arrive, accompagné de ses musiciens (Benjamin Geffen et Rémi Ferbus). Ce qui frappe en premier, que l’on connaisse déjà Martin Luminet ou non, c’est son ancrage. Il est ici pour en débattre, bien présent avec nous, et prêt à faire chavirer quelques pensées. A vrai dire, le public connaît déjà les paroles, et on devine des groupes d’habitués. Tout le monde est rapidement emporté, on se laisse prendre au jeu des hanches qui se balancent, des refrains qui se clament et des idées qui se bousculent dans notre tête.
Martin, en 45 minutes, nous offre une démonstration de ce que chacun vient chercher en assistant à des concerts. Des textes engagés, des thèmes renversants, des pauses douceur et des touches d’humour. Non seulement nous avons (encore) été conquis, mais une chose est sûre : on ne manquera pas de revenir chambouler nos émotions et chalouper nos corps à l’Olympia le 21 mars prochain.
MARIUS au Backstage By The Mill (Eloïse)
Le 17 octobre, Marius fait son entrée en scène au Backstage pour la Soirée des iNOUïS du Printemps de Bourges – dont il a remporté le Prix du Public cette année -. Dans le style qui le caractérise – chemise trop grande et cravate, en hommage aux grands de la chanson française – et accompagné de son pianiste Tom Bourcier, il a dévoilé son répertoire au public du MaMA.
Un show rythmé, passant du piano-voix à des arrangements plus fournis, lui permettant de révéler toute la puissance de sa voix et ses talents d’interprétation. Il faut dire qu’il en fallait, de la voix, pour capter l’attention du public du Backstage ce soir-là, mais il a joliment relevé le défi.
Les bribes de conversation glanées autour de moi pendant le concert confirment mon intuition première : Marius est un artiste qui ne laisse pas indifférent. Une maîtrise vocale rare doublée d’une sensibilité à fleur de peau, des textes intemporels posés sur des instru pop modernes, des refrains entraînants qu’il nous a fait entonner en chœur… et de belles exclusivités pour les fans (dans les rangs auxquels je me situe, vous l’aurez compris). Pas de prochain concert annoncé à date mais un projet à suivre de près et un live à ne pas manquer.
LEZARD à La Machine du Moulin Rouge (Ben)
Le quintet Belge LÉZARD a été ajouté en dernière minute à la programmation du MaMA en remplaçant au pied levé les Rouennais de SERVO, suite à l’annulation de la participation de ces derniers pour problèmes internes au groupe. Dont acte. On ne perd pas au change car nos amis belges sont en place pour nous distiller leur groove au son de leur musique empruntée au rock, à la funk, qui ne serait sans nous rappeler LCD SOUNDSYSTEM, rien que cela ! Et comme le public réagit positivement, c’est gagné pour nos amis belges !
Crédit photos : Ben Callens
NIT à La Boule Noire (Léa)
Petite escale à la Boule Noire pour découvrir le travail de Corentin Kerdraon alias Nit. Il n’est pas encore 21 heures que le warm up est déjà enclenché. Le temps de son set, Nit explore les sonorités les plus variées : italo-disco, funk, house, ambient et tant d’autres genres qui dépassent les étiquettes.
Le producteur convoque des pièces riches, originales et les joint les unes aux autres en bonne intelligence, c’est subtil et très puissant. La salle s’ambiance en dansant. Les jeux de lumières sont hypnotiques, on glisse un petit avertissement aux oreilles internes les plus sensibles.
Au delà des styles, Nit nous embarque avec lui dans une véritable navigation entre les époques sans pour autant perdre de vue l’instant bien présent.
Troy Von Balthazar aux Trois Baudets (Léa)
Il faut bien admettre que le MaMA est un marathon. Et quand celui-ci s’achève sur un concert de Troy Von Balthazar, c’est s’offrir un véritable moment de réconfort. Une petite madeleine que l’on tremperait dans un chocolat chaud. Le natif d’Hawai nous a emmené dans ses paysages de doux rêveur. Guitare, clavier ou encore ukulélé se voient accompagnés d’un violoncelle. La flottaison dans le coton est garantie.
« Sad songs make me happy. Happy songs make me sick so I continue this way » (« Les chansons tristes me rendent heureux. Les chansons heureuses me rendent malade donc je continue sur cette voie ») nous explique le personnage. Alors qu’à cela ne tienne, il prend de la hauteur, va chercher une espèce de transistor, se dresse sur sa chaise et le porte à son oreille gauche et fait retentir des cliquetis de l’autre côté pour entonner Tigers avec son refrain absurde : I drink to keep the tigers away.
Après quoi, je rentrais chez moi, contente de ce MaMA, prête à faire plein de rêves loufoques grâce à TVB. Tout Va Bien.
JOUR 3 – Vendredi 18 octobre 2024
BABY BERSHEK au Backstage By The Mill (Ben)
Une lecture rapide de la biographie de ces Hollandais en provenance d’Amsterdam aura éveillé notre curiosité et nous aura convaincu de se rendre dans la salle surchauffée du Backstage by The Mill pour se faire son propre avis. On remercie d’ailleurs au passage le MaMA de nous permettre toutes ces découvertes provenant d’horizons musicaux si différents ! Et bien nous, on a pris une claque : le trio volcanique met le feu dès les premières mesures de leur set, avec toujours l’envie de faire participer le public à la fête. Avec leur style disco-punk-new wave et des tenues dignes des plus grands créateurs de mode, on classera BABY BERSEK entre les Belges de VIVE LA FETE ! et nos stars internationales de LA FEMME.
Crédit photos : Ben Callens
SYQLONE au Backstage By The Mill (Ben)
On avait hâte de revoir sur scène la musique enivrante de SYQLONE, qu’ils qualifient eux-mêmes de cyber-chaâbi, un savant mélange entre musiques électroniques les plus extrêmes et sonorités maghrébines et arabes. En effet c’est dans l’enceinte de la Gaité Lyrique que l’on avait déjà pu les encourager, en première partie des Parisiens de PSYCHOTICS MONKS, dont ils partagent certaines convictions au sein de Artists Against Apartheid. Un de leur membre, Britney, était d’ailleurs dans la salle pour les encourager. Et bien lui en a pris tellement leur prestation a bluffé le public, qui s’est laissé emporter par le chant et les vibes de la derbouka de Sarah, en chef d’orchestre, bien épaulé par un batteur fou et des boucles électro entêtantes !
Crédit photo : Ben Callens
BIBI CLUB aux Trois Baudets (Charles)
Depuis plus de deux ans, j’ai énormément vu Bibi Club en concert. Il faut que je sois tout à fait honnête, le duo est probablement mon projet musical favori depuis la sortie de leur premier album. Je prends donc plaisir à les retrouver aussi souvent que je le peux.
On pourrait dire qu’il n’y a plus vraiment de surprises mais c’est faux car chaque concert est différent. Que ce soit les lieux, le moment de l’année ou l’ambiance générale, chaque chose imprègne le ressenti que je me fais de la musique de Bibi Club.
Ce vendredi soir, avec la fatigue qui tire les jambes, je prends plaisir à m’asseoir dans les fauteuils des Trois Baudets.
C’est sans doute ce qui sera le point d’ancrage de ce nouveau show des Québécois. Assis, l’écoute est différente, on est fixe, on observe et on vit différemment un concert. Pour la première fois aussi, le groupe est accompagné d’un ingé son et d’une ingé lumière, permettant à l’idée qu’ils se font de leur musique de vivre pleinement.
Et tout ça donne une expérience totale, à l’image d’un film de cinéma qui nous frappe par ses images et son histoire, la musique de Bibi Club ce soir-là m’envahit et me transperce, elle m’emmène ailleurs et me bouleverse.
Des morceaux comme Shloshlo, l’île aux bleuets ou ce qui va disparaitre me frappent progressivement de leur force, de leur douceur ou de leur inéluctabilité tandis que Le Feu reste encore et toujours un tube absolument parfait.
Que dire aussi de leur reprise de J’arrive à la ville de Lhasa de Sela qu’ils fondent complètement dans leur moule, lui incorporant une gravité et une urgence de vivre absolument fabuleuse.
Et puis, comme un dernier coup, une dernière explosion pour mettre tout le monde K.O, Jean-René explose dans nos oreilles, tire en longueur presque hypnotique ce morceau si particulier et intense.
Alors que les lumières se rallument, mon cœur lui ne cesse de s’emballer, ne voulant pas quitter ce moment si fort qui m’aura fait me sentir bien vivant.
Une fois encore, Bibi Club m’aura fait chavirer. Le plus beau concert du MaMA Festival sans aucun doute et le seul dont j’avais réellement envie de vous parler.