Rencontre avec Melba au MaMa

Dans l’effervescence du MaMA festival, se poser à un café pour échanger avec un.e artiste devient un moment de douceur et de sérénité trop rare. Pourtant, entre deux concerts, nous avons pris le temps de discuter avec Melba de son EP Trop belle pour toi, qui sort aujourd’hui, le 8 novembre.

« J’ai compris aussi qu’en étant une personne pas normée, le fait que j’existe, qui plus est sur une scène, c’est politique. Parce que je suis une femme, je suis grosse, je ne suis pas hétérosexuelle… Juste mon existence est politique.« 

LFB : Coucou Melba ! On est là pour parler, principalement, de ton EP qui sortira le 8 novembre. J’ai eu la chance de l’écouter en avant-première. Il est très chouette, solaire, et il fait du bien.

Melba : Oh, merveilleux !

LFB : Est-ce que c’était l’objectif ?

Melba : Oui, tout à fait ! (rire)

LFB : Avant d’aborder les chansons, je voulais revenir sur les photos et la DA qui tournent autour de la promo de l’EP. Elles sont dans des couleurs nude, orangées, chaudes… Comment ça a été pensé ? Est-ce qu’il y a une raison pour que ce soit dans ces tons-là ?

Melba : Oui, tout à fait. En fait, je suis obsédée par l’idée de faire de la musique chaude. Donc je voulais que ça transparaisse aussi sur les visuels. Utiliser des couleurs chaudes mais aussi douces. Je ne voulais pas que ce soit agressif. J’ai travaillé avec une fille qui s’appelle Emilie Evans qui m’aide sur toute la DA visuelle de mon projet. On va pousser les choses encore plus loin dans l’année avec de la scénographie et du stylisme aussi. Mais du coup, elle m’a aidée à diriger artistiquement les photos, par exemple. Photos qu’on a faites avec un artiste qui s’appelle Hèctor Abela, qui est photographe. Le but c’était ça. Et d’avoir, comme dans la musique, des choses un peu ancestrales et des choses un peu plus actuelles. C’est ce qu’on a essayé de faire.

LFB : L’EP s’appelle donc Trop belle pour toi, et cette chanson c’est mon coup de cœur de l’album moi.

Melba : Trop cool !

LFB : Je me demandais si toi, tu as une chanson qui te plait plus, qui te touche plus, ou qui a une histoire particulière ?

Melba : En fait, chaque chanson est une facette que je suis contente d’avoir mise dans l’EP. Je les aime toutes je ne peux pas renier mes enfants (rires). J’ai des émotions tellement différentes sur chaque chanson que je ne peux pas dire que j’ai une préférée. C’est surtout que j’ai des sensations différentes, en live ou en studio. Mais je suis très heureuse d’avoir pu les enregistrer toutes les cinq. Parce que je n’avais pas sorti de chansons depuis longtemps. Pour moi c’est très important d’avoir pu les enregistrer et que là, elles existent enfin. De pouvoir les sortir, que les gens qui viennent au concert puissent les réécouter aussi. Donc je ne peux pas dire que j’ai une préférée. Je ne peux pas choisir.

LFB : Oui, elles ont toutes un thème un peu différent. Du coup, est-ce qu’il y avait une ligne directrice en général ?

Melba : Sur l’écriture ? En gros, il n’y a pas de fil rouge. Mais globalement, lorsque j’écris une chanson, c’est toujours que le thème me guide. Donc c’est forcément des choses qui font partie de mes valeurs, mes expériences… Donc j’essaye toujours de rester fidèle à moi-même, dans une certaine ligne. Après, ce n’est pas du tout un disque-concept. Mais il y a une ligne : ce que je suis, ce que j’ai envie de raconter, ce que j’ai envie que les gens ressentent après avoir écouté le disque, ou après être sortis d’un concert. Même si, parfois, je vais aller chercher des émotions un peu plus dark.

Moi, mon but absolu, ce serait que les gens sortent de mes concerts ou de l’écoute de mon disque en ayant envie d’être plus vivant qu’avant. C’est peut-être un peu pompeux dis comme ça. Mais ça me tient vraiment à cœur d’essayer de générer ça. Et d’essayer, même si je ne renie pas la profondeur des choses et la darkness parfois, de vraiment aller vers la lumière à chaque fois. De dire que ça se peut que ça finisse bien. C’est peut-être ça la ligne directrice.

LFB : Oui, au final, même les sujets deep, tu les fais passer avec de la pop.

Melba : Exactement ! Et même dans le texte tu vois. C’est important pour moi de, tout le temps, aller chercher quelque chose de lumineux. Ça existe dans à peu près toutes mes chansons tu vois, je crois. Dans Feu sacré, je parle d’émotions super dark et en fait ça devient transcendantal, vers la lumière. Trop belle pour toi c’est ça aussi. C’est partir d’une émotion négative et de la twister, d’en faire quelque chose de plus positif. Je réfléchis en même temps que je parle, mais je pense que c’est ça la ligne directrice.

LFB : Est-ce que tu avais des influences, des inspirations musicales pendant l’écriture de l’EP ?

Melba : Oui, bien sûr. Avant j’avais du mal avec cette histoire d’influence, de comprendre ce qui m’influençait. Mais en faisant une recherche très poussée sur quels sons me faisaient vibrer, j’ai un peu plus capté. Parce que j’aime beaucoup de types de musiques différentes évidemment. Mais les faire passer par son filtre à soi, ce n’est pas pareil. Mais, toujours dans ma quête absolue des sons chauds, j’ai été chercher des inspirations qui me touchaient profondément. Même de mon enfance, comme une chanteuse qui s’appelle Lahsa par exemple. Tout ça a été pas mal réveillé par le travail de Rosalía, qui, je trouve, a réussi à faire une balance magnifique entre de l’ancestral et de l’actuel. Ça m’a extrêmement touchée. Je me suis dit « ah mais en fait, est-ce que ce ne serait pas ça mon essence aussi ? ».

Parce que je viens d’un milieu où les musiques traditionnelles sont très importantes. Donc je fais toujours des chansons pop mais il y a des influences traditionnelles, qui sont assez subliminales pour les personnes qui ne connaissent pas. Mais, en tout cas, je suis allée chercher des choses très au fond de mon histoire musicale. Et j’ai arrêté de renier des sons que je pensais ne pas être les miens. Je suis allée chercher des sons très organiques, des peaux, beaucoup de percussions organiques.

Mais en même temps, j’avais à cœur de faire une musique de mon âge, entre guillemets. Et moi, ce qui me fait vibrer, comme j’écoute aussi beaucoup de pop et d’hyper pop, c’était d’aller chercher beaucoup de synthétiseurs. Parfois de la 808 aussi pour mêler tout ça. Mais en découvrant le travail d’artistes qui arrivent à mêler des musiques ancestrales et actuelles, je me suis dit « mais en fait c’est peut-être ça ma vibe ? ». Je me dirige de plus en plus vers ça. Je parle de Rosalía mais il y a aussi Stromae qui a fait un album qui s’appelle Folklore, qui est un peu sur ce concept-là. Il y a Aurora également. Après, moi je fais de la musique en français. Donc forcément j’ai plein de références en français. Mais je me sens proche d’artistes comme Yoa, Kalika, Mauvaise Bouche aussi, que j’adore.

LFB : Ah moi, aussi, j’aime beaucoup ! Ce que tu me dis, ça me fait penser à une artiste que je suis allée voir hier. Elle s’appelle La Mana.

Melba : Ah je ne connais pas.

LFB : Elle vient du Mexique, et en fait, ça se rejoint. Parce que ses chansons portent sur des tribus de là-bas. Sur des sujets autour de la femme, avec des instruments aussi qui viennent du Mexique et elle chante en espagnol. Donc j’avoue, je n’ai pas tout compris (rires). Mais c’était super beau et ça me fait penser à ce que tu dis de ton projet.

Melba : Ah, trop stylé ! Après, chez moi, c’est quand même assez subliminal, entre guillemets. J’ai été influencée par plein de musiques traditionnelles différentes, de par la pratique musicale de mes parents, qui ont beaucoup joué et écouté de la musique traditionnelle française. Donc, pour nous, c’est banal, ça fait partie du paysage.

LFB : Après, de toute façon, ce qui nous influence et ce qu’on écoute, ça ne nous influence pas forcément dans sa globalité.

Melba : Oui, carrément ! Tu vois, je suis hyper inspirée par des films aussi, c’est trop bizarre.

LFB : Oui, mais c’est hyper lié la musique et les films. Et du coup, est-ce que tu penses avoir trouvé ton propre style ?

Melba : Oui, ça commence à venir. Je sens que j’ai vraiment trouvé les sons que j’aimais, et que maintenant je suis capable de faire des choix. Tu vois, devant l’infinité de possibilités qu’offre la MAO, par exemple. En fait, je peux tout faire. Je peux utiliser tous les instruments du monde, et en plus de ça, je peux les tordre, les modifier… C’est vertigineux. En plus, le réalisateur avec qui je travaille, qui s’appelle Delayre, a vraiment compris les sons qui me faisaient vibrer. Ce n’est pas qu’on ne communique plus. Mais limite je vais lui dire « ah, ça j’aimerais que tu fasses plus comme ci, plus comme ça » et il commence vraiment à capter. Et moi aussi du coup.

J’arrive plus à identifier que ma recette idéale c’est des percussions organiques, un peu de 808, des synthétiseurs des années 60/70, et des références à quelques instruments un peu plus traditionnels. Que ce soit dans la percussion ou ailleurs. Ouais, c’est pas mal ça ma recette, avec un mix bien chaud, bien large.

LFB : Et en te voyant sur scène, je me suis dit que t’incarnais un peu un truc de libération du corps, de la parole, et de féminisme. Même si on sait que la musique est politique, quoi qu’il en soit, est-ce que toi tu te sens comme une personne engagée ? Ou en tout cas, qui a des messages à passer et qui peut utiliser la musique pour le faire ?

Melba : Oui, avant j’avais du mal avec ce terme de « engagée ». Mais maintenant je l’assume totalement. Et ça ne me pose plus aucun problème de l’assumer. De dire « oui, je suis féministe, je me bats pour plein de choses ». J’ai une chanson aussi, Peu importe, qui va sortir sur le disque, qui parle d’amour inconditionnel et universel, et qui englobe les personnes handicapées, les personnes de différentes religions etc. J’essaye d’être la plus inclusive possible, enfin je n’ai rien essayé d’ailleurs, c’est sorti comme ça. C’est une chanson qui parle aussi d’orientation sexuelle.

Pour moi, c’est vraiment important d’affirmer. Avant, j’étais plus timide avec ça. Je prenais des précautions dans mes textes. J’ai une chanson, Amazones, et il y a un peu de « on est en colère, mais ça va » genre. J’étais plus nuancée, alors que maintenant je le suis beaucoup moins. Et j’accepte totalement de défendre mes idées, le féministe, les personnes LGBT, les personnes handicapées… Un maximum de personnes en fait.

LFB : Je pense qu’au début, on n’ose peut-être pas être hyper tranché sur des avis parce que ça peut faire partir des gens. Mais personnellement je trouve que c’est l’inverse. Si on donne son avis sincère, et qu’on aborde des sujets qui nous touchent, les gens sont touchés en retour.

Melba : Oui, tu as vraiment raison ! Toute façon, j’ai compris aussi qu’en étant une personne pas normée, le fait que j’existe, qui plus est sur une scène, c’est politique. Parce que je suis une femme, je suis grosse, je ne suis pas hétérosexuelle… Juste mon existence est politique.

LFB : Donc autant assumer jusqu’au bout et être soi.

Melba : On ne va pas se cacher (rire).

LFB : Et pour terminer, est-ce que tu aurais des recommandations ? Film, musique, livre…

Melba : Oui, j’ai une recommandation, ça s’appelle Promising Young Woman. C’est un film américain féministe, que je conseille à tout le monde, vraiment. Il est très fun, très sombre et très lumineux à la fois. La réalisation est incroyable, l’image est magnifique, les acteurs et actrices sont vraiment phénoménaux. Et je pense que c’est un film très important et très précieux. C’est très fort. Je ne peux pas spoiler, mais je le conseille. C’est un film que j’ai regardé il n’y a pas très longtemps avec mon père. J’aime bien montrer des trucs féministes à différentes personnes. Et il a été soufflé aussi tu vois. Je pense que c’est un film qui aide à comprendre beaucoup de choses d’une très belle manière.

Vous pourrez retrouver Melba à sa release party le 9 novembre, au Club Transbo (Villeurbane), à La Boule Noire le 16 avril 2025, et dans toute la France sur sa tournée.

Vous pouvez également suivre Melba sur Instagram, ou aller regarder son dernier clip, Feu Sacré ici.