Noor : « je fais de la musique parce que, si je n’en faisais pas, ce serait vraiment catastrophique. »

Artiste écorchée vive qui transforme ses émotions brutes en musique réparatrice, Noor s’est confiée à nous sur son processus de création et sa nécessité à écrire des chansons. Nous l’avons rencontrée la veille de la sortie de son EP, Les histoires tristes me collent au corps, avant son concert au MaMA festival.

La Face B : Comment vas-tu Noor ?

Noor : Ça va, merci.

LFB : Tu es contente de jouer au MaMA ?

Noor : Ouais, je suis contente ! C’est un grand jour aujourd’hui pour Noor. Donc oui je suis contente. On verra.

LFB : Ce n’est pas un peu stressant, quand même, comme il y a beaucoup de pros ?

Noor : Oui, c’est un peu stressant. Mais en même temps c’est hyper excitant. Moi, je ne connais pas le MaMA, j’avoue.

LFB : Moi aussi c’est ma première fois.

Noor : Ah ben voilà. On est en train de faire notre première fois ensemble, c’est merveilleux. Mais oui j’ai hâte. On joue aux Backstage donc c’est une petite salle, ça va. Je suis moins impressionnée que quand je suis dans un truc immense.

LFB : Oui je vois. Alors, demain tu vas sortir ton EP, que j’ai eu la chance de pouvoir écouter. Il y a déjà un titre de disponible, H24 et le clip qui va avec. Il me semble qu’il a été réalisé par tes soins. Personnellement, quand je l’ai regardé ça m’a fait pensé à un journal, un truc assez intimiste. Est-ce que c’était l’idée dans le fait de le réaliser toi-même ?

Noor : Alors, je ne l’ai pas réalisé en le pensant. Je pense que c’est très compliqué pour moi de poser des images sur ma musique. Parce que je fais de la musique pour m’exprimer, et je n’ai pas le truc d’après, de me dire « maintenant il faut mettre un visuel ». On a longtemps cherché ce qui collerait le mieux à H24. Et, pour la petite histoire, j’étais à ma fenêtre, je réfléchissais. J’étais fatiguée de ne pas trouver. Je me suis regardée dans ma vitre, je pleurais parce que, voilà, mes émotions… Noor quoi (rire). Et j’ai pris la caméra. Ça a été aussi simple que ça. Je me suis dit que là j’avais envie de poser de l’authenticité et juste moi. Et moi, c’est tout de suite, maintenant. Donc j’ai montré ça à mes équipes et ils ont dit « mais c’est génial ».

LFB : Ça colle bien avec la chanson justement, comme c’est un thème personnel. Tout l’EP tourne d’ailleurs autour de ce thème, la rupture. Et j’ai plusieurs questions un peu liées. Je me demandais si ça te faisait du bien d’écrire sur ça. Et question qui en découle un peu, est-ce que tu écris quand t’es dans un moment de détresse ou est-ce que tu as besoin, après une rupture, de te laisser un temps pour le vivre intensément seule pour pouvoir écrire dessus après ?

Noor : Non, c’est la détresse (rires). Justement, c’est le fait de faire la chanson qui fait qu’après j’ai un souffle, où j’ai un peu repris – un peu hein – d’oxygène. Mais si je ne compose pas, je suffoque. Donc c’est la détresse. La détresse absolue.

LFB : C’est ce que je me suis dit. Surtout avec Sur mes eaux, mon coup de cœur de l’EP. J’ai beaucoup aimé parce qu’en fait on a l’impression que ta voix c’est vraiment directement des larmes qui coulent. C’est fluide, c’est doux. Il y a des ondulations dans la voix, dans la mélodie. En l’écoutant j’ai vraiment eu cette impression que tu l’avais écrite d’une traite, dans un moment de gros bad. (rires)

Noor : Bravo à toi. Ça me fait plaisir que tu remarques ça, c’était vraiment d’une traite. J’ai écrit cette chanson, pour le coup, quelques mois après la rupture. Je commence une phrase justement en disant « et maintenant je te manque / comme c’est rigolo ». Parce qu’il faut un temps à la personne pour se rendre compte qu’elle veut revenir, quand même. Donc c’est une chanson qui a été faite après la grosse rupture. Et en fait, il y a tout ce truc qui est remonté, de me dire « mais en fait la personne veut revenir, mais Noor, souviens-toi de ce que tu as vécu ». Je pense qu’à la base c’était même quelque chose que je voulais lui envoyer. Donc je lui ai écrit comme un message et je me suis dit « hé mais attends, c’est une bonne chanson ça ! ».

LFB : Pour le coup, c’est bien pratique de faire de la musique, pour ça. Parce que dans ces moments-là au moins, on utilise notre tristesse pour en faire quelque chose de beau, au final.

Noor : Ah non mais attends, moi c’est ma seule fierté là-dedans. Sinon j’aurais envie de partir loin quelque part me cacher. Dieu merci j’ai la musique !

LFB : Ça aide, ça aide… Ensuite, il y a une autre chanson qui s’appelle Call me back, où une partie est en anglais. Je trouve qu’elle se dénote des autres, du fait qu’il y ait de l’anglais forcément, mais aussi au niveau de son mixage, de ses sonorités. Je me demandais s’il y avait une raison particulière pour qu’elle soit en anglais en partie ?

Noor : J’ai toujours eu un amour pour l’anglais parce que j’ai fait quelques mois dans une école qui s’appelle la Berklee College of Music. J’ai toujours préféré l’anglais depuis petite. Je n’écoute que des musiques en anglais d’ailleurs, enfin je n’écoute presque pas de musiques en français. Donc c’est mon premier amour. Et du coup j’ai des bouts de chanson comme ça, en anglais. J’en ai beaucoup mais j’ai décidé de les mettre de côté le temps que mon français prenne sa place. Call me back c’était un espèce de bout que j’avais. Et je me disais « ça je l’aime et je le mettrai quelque part, c’est important ».

Et pendant une session d’écriture, j’ai rencontré ma coproductrice de ce projet qui arrivait de Suède. On s’est tous retrouvés, des gens du monde entier, et on a fait de la musique. Quand je me suis retrouvée dans le pièce avec elle, je lui ai dit « moi j’ai un bout en anglais, je me verrais bien bosser ce titre avec toi ». Et comme elle, c’est une productrice vraiment… Parce que moi je produis tout, mais elle, elle est vraiment au-dessus de moi (rires). Du coup je lui ai dit « je veux que ça pète, je veux que ça crie ! ». Du coup on a fait Call me back ensemble et ça a été la première fois que je me suis dit « ah ok, je peux aller beaucoup plus loin qu’un piano-voix et du français ». Donc elle a un p’tit truc un peu différent dans l’EP elle.

LFB : Et du coup, est-ce que tu envisagerais, un jour, d’écrire une chanson ou un EP entièrement en anglais ?

Noor : Ah oui, oui ! J’en ai déjà des chansons entières comme ça.

LFB : Le fait que tu écrives en français actuellement c’est pour être accessible à un plus grand public ?

Noor : Hm… Non. Parce que je ne fais rien en pensant à l’après, au fait que je sois accessible et tout. C’est juste que je pense que j’ai toujours commencé par l’anglais et après quand j’ai eu MON déclic du français – parce que, il faut le trouver hein. Parce que ce n’est pas ma langue préférée pour écrire. Il fallait que je trouve mon français à moi. Une fois que je l’ai eu, bah… Je l’aime hein ! En fait, c’est dur de s’en détacher.

LFB : Je comprends. Moi, ça me touche plus quand les chansons sont en français, mais c’est personnel, en fait. Ça n’empêche pas que parfois, je suis très touchée en anglais aussi. Hier, par exemple, je suis allée voir Nina Versyp, c’était incroyable !

Noor : Ah oui, c’est une copine !

LFB : Et je ne comprenais pas forcément tout ce qu’elle disait. En fait, je ne m’y intéressais pas, j’étais happée. Mais parfois, il n’y a pas besoin.

Noor : En plus, ce qu’il y a de bien avec Nina, c’est qu’elle est aussi incroyable humainement que sa musique. C’est ma grande copine.

LFB : Ah ben voilà, moi j’ai adoré.

Noor

« Moi c’est le plus beau cadeau que j’ai dans la vie. C’est la musique, et les gens qui l’écoutent. Vraiment, je ne sais pas comment je ferais sans la musique et sans eux.« 

LFB : Est-ce qu’il y a une chanson qui a été plus compliquée à écrire, ou à composer ?

Noor : Hm… Dans l’EP hm…

LFB : Tu as le droit de dire non (rire).

Noor : Ouais, j’ai envie de te dire non (rire). Ahhh… Peut-être plus Call me back pour le coup. Pour la partie français, tu vois. Parce que je n’étais pas seule. C’était la première fois que j’étais avec quelqu’un en studio. J’étais genre « houla, il se passe quoi ? Il y a quelqu’un d’autre ». Donc c’est celle-là. Mais sinon franchement non. C’est archi easy. C’est ce qu’il y a de plus beau et de plus simple pour moi.

LFB : Quand j’ai écouté l’EP aussi, je me suis demandée si tu avais des influences, directes ou indirectes inconsciemment, pendant que tu écrivais. Moi, ça m’a rappelé un peu Billie Eilish, je trouve que vous avez un style similaire. Et sinon, au niveau des thèmes abordés, que ce soit la solitude ou justement les ruptures, les relations compliquées, et au niveau de l’instru qui est assez minimaliste mais soignée, ça m’a fait penser à Safia Nolin.

Noor : Ah, je ne connais pas trop. J’irai écouter alors. Mais sinon non, je n’ai pas trop d’inspirations. Et je n’en ai d’ailleurs jamais eues. Je ne me suis jamais dit « oh, ça, ça m’inspire, j’ai envie de faire comme elle ». Moi, je fais de la musique parce que, si je n’en faisais pas, ce serait vraiment catastrophique.

LFB : Il faut que ça sorte.

Noor : Il faut que ça sorte, oui c’est ça. Du coup, je ne sais pas d’où elle vient, elle va sûrement évoluer. Il y aura toujours mon timbre et ma façon d’écrire. Mais je sais que je vais évoluer. La suite est déjà là, et ce que j’ai écrit c’est déjà différent. Donc non, je n’ai pas trop d’inspi, c’est vraiment la vie qui m’inspire et après sort ce qui sort. Ce n’est pas contrôlé.

LFB : Et, depuis que tu as sorti H24, je me suis dit que tu devais recevoir pas mal de messages de personnes qui sont touchées, à qui ça parle. Je me suis demandé ce que ça te faisait de te dire que tu faisais probablement couler beaucoup de larmes… (rires) Comment tu le vis ?

Noor (rires) : Ben en fait, c’est quelque chose dont j’ai l’habitude. Je ne le vis pas négativement. Je le sais parce que je chante depuis que je suis petite. Et à chaque fois que j’ai fait des petites représentations, même devant des amis – j’organisais ça à chaque fois, j’adorais ! Ma mère disait « venez dans le salon, il y a Noor qui va chanter ». Et bien, à chaque fois c’est la même réaction : ça chiale avec moi. Je ne sais pas pourquoi (rire). Mais je suis habituée à ça. Du coup ça me va, ce vecteur-là.

Au contraire même, ça me soigne parce que je me dis que j’ai pleuré mais pas pour rien. En général les gens quand ils pleurent, ce n’est pas de la souffrance. C’est « merci, ça m’a fait du bien de lâcher ». Au moins je sers à lâcher chez les autres. Ça me rend heureuse. Je pense que c’est pour ça que j’ai même voulu appeler l’EP comme ça. Je me suis dit que vu que tout le monde pointe ce truc vers moi, ben vas-y, j’assume. Les histoires tristes me collent au corps c’est ça, c’est Noor.

LFB : Puis après, les personnes qui t’écoutent, elles ont fait le choix de t’écouter, puis si elles lâchent, c’est que c’est le moment où il fallait le faire.

Noor : Moi c’est le plus beau cadeau que j’ai dans la vie. C’est la musique, et les gens qui l’écoutent. Moi, vraiment, je ne sais pas comment je ferais sans la musique et sans eux. Enfin sans vous. Je ne pourrais pas. Donc, c’est horrible à dire, mais continuons à pleurer ensemble, ça me va hyper bien.

LFB : Moi aussi, ça me va (rires). Et enfin, pour terminer sur une note positive : malgré toute la tristesse qu’engendrent les ruptures, on peut se dire que ça vaut quand même le coup d’aimer, non ?

Noor : Ben oui ! Moi c’est bien mon problème hein. C’est que je vais continuer d’y croire. Donc il va y avoir d’autres albums. Evidemment il faut aimer. Pour moi, c’est la plus belle chose au monde. C’est d’ailleurs pour ça que je suis autant inspirée par ça. Il n’y a pas, pour moi, plus grande émotion que l’amour. Il n’y en a pas. L’amour peut te faire faire les plus grandes choses, les pires et les meilleures. Donc c’est quand même fou ce concept.

LFB : Puis ça prend tellement de formes différentes. Puisqu’on parle de rupture amoureuse ici mais il y a de l’amour dans tout, au quotidien. Même tenir la porte à quelqu’un (rires). C’est bête, mais c’est une forme d’amour pour l’Autre.

Noor : Mais bien sûr ! Et moi ça, ça me touche. Je pense que j’ai été tellement triste dans mes histoires d’amour, qu’en fait, dès qu’on me donne de l’amour sous une autre forme, ça me… Tu vois ? Je pense que quand t’as été habituée à une sorte de maltraitance amoureuse, où il y a le vide, où il n’y a rien ; dès qu’on te donne un peu t’es en mode « mais ça existe ? ». Il y a un autre monde qui s’ouvre à toi. Moi j’aime trop l’amour.

LFB : Puis ça fait faire de belles chansons.

Noor : Oui, ça fait faire de belles chansons. Puis je pense que le plus bel amour que je suis en train de recevoir c’est les gens. Les gens qui m’envoient des messages. Et là, la Boule Noire, qui s’est remplie en une soirée ?! Ça remplace tous les mecs qui ne voulaient pas passer une soirée avec moi. Là j’ai 200 personnes rien que pour moi.

LFB : Et sache que demain, date de sortie de ton EP, ce sera aussi l’anniversaire de Zac Efron. Etant le crush de beaucoup de filles de ma génération, mais un amour impossible, je trouve que c’était important de le souligner et de faire le lien avec ton EP (rires). En tout cas, merci pour ton temps Noor !

Noor sera en concert à Paris le 30 avril 2025 à La Maroquinerie… et on espère d’autres dates partout en France !

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