La musique, ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, la deuxième partie de notre 240ème sélection.
Ela Minus – UPWARDS
Ela Minus maîtrise ses machines de production comme personne. En plus d’être une brillante productrice, elle excelle également dans l’exercice de l’interprétation. Cette dernière découle d’une voix cristalline dans laquelle semble se contenir une certaine rage. Un condensé de cette manière de mettre en forme sa musique qui se retrouve sur son nouveau single UPWARDS qui figurera dans son second album DIA disponible à l’aube de la nouvelle année 2025, qui arrive à grands pas.
Du côté du visuel, réalisé par Albert Estruch et Marc Sancho, on retrouve aussi les caractéristiques précédemment citées. L’artiste se retrouve seule face à ses machines et un micro comme si ce visuel était une session live, elle laisse éclater l’énergie qu’elle condense pour en animer la production. Et ce, bien aidée par un montage frénétique. Un bel étalage de ce qu’elle sait faire de mieux et qui laisse présager une capacité à animer un futur concert.
Dinos – Stacks
C’est sans doute l’une des sorties les plus attendues de cette fin d’année : Dinos, deux ans après Hiver à Paris, revient avec Kintsugi, son tout nouvel album. En guise d’avant-goût, il partage le premier extrait du projet avec Stacks, un morceau puissant en feat avec Zed.
Ne vous laissez pas tromper par les premières 40 secondes du morceau, où la mélodie calme et posée semble promettre un son chill. Dès le premier “staks,” tout bascule : l’atmosphère se transforme radicalement pour laisser place à une instru percutante et bien énervée. Zed crache littéralement son feu et découpe l’instru avec une précision bien à lui. Les deux rappeurs mettent en avant leur force à travers un texte riche en ego trip et succès.
Avec un esthétisme en noir et blanc, le clip souligne toute la puissance percutante du morceau. Entre les scènes intrigantes d’un cavalier mystérieux en dessous d’un bâtiment et l’énergie brute des deux rappeurs, le visuel captive. Dans un décor oscillant entre parking et sous-sol, les plans dynamiques et contrastés amplifient la tension et l’intensité déjà véhiculées par le morceau.
Stacks s’impose comme l’entrée en matière idéale pour Kintsugi. Avec une intensité et une rage contrôlées, Dinos montre pourquoi il reste incontournable. Ce titre est un rappel cinglant de son talent, que certains semblent parfois oublier.
Lisa Ducasse – Cézembre
Lisa Ducasse, une artiste émergente et parfois plume pour La Face B, nous enchante en ce mois de novembre avec son dernier single, Cézembre. Elle décrit cette balade poétique comme la plus douce de son premier album Iléisme qui sortira le 31 janvier. « C’est ma chanson préférée », écrit la chanteuse sur les réseaux sociaux.
Lisa Ducasse nomme cette chanson du nom d’une île de la baie de Saint-Malo qui renfermerait des souvenirs. Accompagnée d’un chœur doux et aérien, elle chante le doute et l’attente. L’arrangement de Cézembre est particulièrement bien travaillé. Des sonorités très aiguës rappellent le chant d’oiseaux marins. Emma Cortijo, la réalisatrice du clip, choisit la couleur bleue comme dominante, comme pour nous transporter au bord de la mer.
Scratch Massive feat. Yelle – Des choses
Yelle orne de sa voix la musique ambient du duo électronique Scratch Massive. Elle chante au travers Des choses l’introspection. La chanteuse évoque la vulnérabilité qui se cache à travers la découverte de l’autre, le partage de son intimité. Ce deuxième extrait de l’album à venir Nox Anima de Scratch Massive a été écrit par Yelle et produit par Maud Geffrey et Sébastien Chenut, qui ne cache derrière le duo. Sofia & Mauro qui réalisent le clip, jouent sur les formats verticaux que l’on retrouve sur nos smartphones, pour justement scruter nos visages, nos intimités. L’atmosphère créée par ces derniers, relève du mysticisme, du mystère, du minimalisme et des teintes métalliques.
Mezerg – Musique Découpée
Les semaines passent et se ressemblent pour Mezerg. À peine quelques semaines après la parution de Décollage avec Brülin, il nous propose Musique Découpée, œuvre pour tronçonneuse symphonique. Un morceau qui prend forcément des airs très saturés avec l’intégration de plusieurs sons d’engins d’élagage bien affûtés, à ne pas écouter pour essayer de s’endormir. Ça secoue et ça fait bouger la tête, ça donne envie de partir en soirée hardcore dans la foulée.
Côté images, on observe au dédoublement de la personnalité du producteur pour venir tronçonner un piano à queue dans tous les sens et à plein d’endroits différents, du parvis du Zénith de Paris à l’aérodrome de son précédent clip. Un côté Jack Nicholson échappé de The Shining pour compléter un peu l’ambiance et y ajouter une touche d’horreur et vous obtenez le cocktail de cette Musique Découpée.
Velours Velours – Yeah
Extrait de son premier album qui sortira le 31 janvier 2025 sous le label Bonbonbon, le clip de Yeah, signé par Gabriella Quesnel-Olivo, est un court et énergique huis clos de 2 minutes où Raphaël Pépin-Tanguay (aidé de son réalisateur avisé, Christophe Charest-Latif) nous parle des hauts et des bas de sa vie de bohème de musicien à Montréal. Tourné dans l’iconique Quai des Brumes, dans lequel nous avons tous et toutes eu « les oreilles qui bourdonnent / quand le coup d’minuit sonne / et que tout le monde en face du Quai / est prêt à partir en fumée », ce clip nous embarque dans une mini-fête à laquelle on se joindrait avec plaisir au coin des rues Saint-Denis et Mont-Royal.
Corde à linge, premier extrait de cet album à venir, était déjà une petite pépite autant musicale que visuelle ; on a très hâte ici de découvrir les sept autres titres à venir !
Leo Leonard, Time is running out
Chasser des Faux-Kémons dans une banlieue pavillonnaire, rêver d’être un pirate et partir en quête d’un trésor perdu… Le clip de Time is running out de Leo Leonard est un joyeux bazar, une ode à notre imaginaire enfantin collectif et aux grandes épopées de la pop culture. Écrit par Leo lui-même et coréalisé avec Antoine Bouillot, le clip brasse un foisonnement d’idées aussi farfelues que touchantes. Mélangeant animation et prises de vue réelles, on y croise notamment une Jessica Rabbit à la française, des sirènes tout droit sorties de Hook, et un trésor inestimable : les Strokes, figure tutélaire d’un rock immortel.
Les clins d’œil pleuvent, de The Big Lebowski à L’Île au trésor, en passant par Matrix et La Cité de la peur. Leo Leonard convoque la magie des VHS et l’esprit des clips de Smash Mouth, dans une mise en scène qui fait cohabiter le fun et le merveilleux. Un clip doudou, hyper tendre, qui donne envie de replonger dans ses vieux rêves oubliés, guitare en bandoulière et trésor en ligne de mire. Et si c’est le point de départ, on a hâte de voir les prochaines aventures visuelles que nous réserve son nouvel EP Best buddy for a run !
Stuffed Foxes – Pretend to Be a Dog (Gamelle)
À la croisée des chemins entre introspection et chaos maîtrisé, les Stuffed Foxes tracent leur prochaine voie sonore, où chaque note dévoile notre fragilité collective. Ce nouveau titre plonge au cœur d’un vertige existentiel, oscillant entre une lucidité lumineuse et des ombres pesantes.
Portée par une progression instrumentale méthodique, la mélodie se déploie comme une montée d’adrénaline refusant de céder à la panique. La clarté initiale de la composition, limpide, mais lourde de sens, agit comme une boussole dans la tempête. Pourtant, cette stabilité n’est qu’une façade : elle vacille face à des instants plus abrupts, où surgit une énergie brute, incontrôlée. Ces explosions sonores traduisent autant la révolte que l’acceptation résignée de vérités impossibles à ignorer.
La seconde partie, entièrement instrumentale, devient le théâtre d’une ascension implacable. Chaque note semble porter le poids d’un monde à bout de souffle, avançant inexorablement vers un sommet. Cependant, là où d’autres morceaux s’abandonneraient à une apothéose explosive, Pretend to Be a Dog (Gamelle) choisit l’élégance du ralentissement, la dignité d’un retour au silence. Ce n’est pas une conclusion, mais une pause dans un cycle infini de création et d’effacement.
Ce titre est un dialogue tacite entre simplicité et complexité, lumière et obscurité. Les vérités les plus intenses ne s’expriment pas avec des mots, mais avec un souffle, une tension, une note. Avec ce morceau, le groupe offre une méditation sonore à la fois intime et universelle, un miroir tendu à ceux qui osent regarder au-delà de leur propre reflet.
King Hannah – Blue Christmas
Puisque l’évidence parle d’elle-même, inutile de vous faire deviner quelle fête se profile à grands pas en cette fin d’année. À cette période, beaucoup se plongent avec délice dans les incontournables airs de Noël, oscillant entre les grands classiques et les créations plus originales.
C’est dans ce contexte hivernal, entre nuits glacées et l’ambiance feutrée d’un studio, que King Hannah s’attaque au légendaire Blue Christmas. Encore une fois, devons-nous vraiment rappeler l’auteur de ce morceau mythique ? Pas de panique si vous l’ignoriez : adressons-nous à ceux du fond pour que tout le monde l’entende clairement… il s’agit bien évidemment du King en personne, Elvis Presley.
Le duo britannique réinvente ce classique en capturant, selon nous, l’essence même d’une bonne reprise musicale : rendre hommage à l’œuvre de base tout en lui insufflant leur propre style, leur âme et leur couleur. Ici, leur interprétation repose sur une guitare sèche qui évoque l’esprit de la version originale, mais dépouillée des arrangements, laissant toute la place à l’instrument et aux voix douces et mélancoliques du groupe. Des voix que nous avons accueillies à bras ouverts en 2024, avec leur dernier album en date, Big Swimmer.
Quoi que nous fassions, nous serons bientôt submergés par les chants de Noël. Alors, autant tendre l’oreille aux chansons qui sauront véritablement distiller chaleur et magie, à l’image de cette superbe reprise.
Minuit Machine – Hold Me
Des nouvelles de Minuit Machine transmises par le biais d’un nouveau single. Hold Me marque une évolution dans la dark-disruptive-wave dont se pare le projet, aujourd’hui porté en solo par Amandine Stioui. Toujours aussi intense dans la ligne musicale que partisan dans le discours, Hold Me fait toutefois émerger des traits lumineux de la noirceur emblématique des compositions de Minuit Machine. Effets des prods de Raumm (Lloyd Philippon) qui structurent le morceau ? Peut-être, mais, quoi qu’il en soit Hold Me ne manque pas de nous atteindre avec sa radicalité réinventée. Il est question d’émancipation et de liberté. Et si l’inclusion était le vecteur de cette fraternité (déclinée au masculin, au féminin ou peu importe) qui nous fait souvent défaut ? « Hold me in your arms, Free me from their ties ».
Minuit Machine se tourne résolument vers le futur comme l’illustre la vidéo de Manon Dupeyrat, où, sous le regard d’Amandine Stioui, l’on exhume un artefact technologique provenant d’une époque à jamais révolue. À ce moment-là, nos pensées – au-delà de l’objet, de la machine – iront inévitablement vers l’humain qui en a fait usage. Et nos espoirs, vers la (bonne) raison qui l’a guidé.
Frànçois & The Atlas Mountains – Party
Un mini-clip, toujours signé par Marco Dos Santos, pour accompagner la publication du deuxième extrait du sixième album – Âge Fleuve – à paraître fin janvier sur le – toujours et encore plus incontournable – label Infiné.
À l’heure où, en littérature l’écrivain Hervé Le Tellier exhume les Contes Liquides de Jaime Montestrela, en musique François and The Atlas Mountains nous plonge dans le fleuve qui irrigue notre vie de ses tumultes et de ses apaisements. Au moment où, en atteignant l’estuaire de l’existence, on se sent emporté par des courants nous menant vers un ailleurs. Dans ces tourbillons, associant français et anglais, Party revêt de multiples significations. Parti, un départ, « du monde des vivants ». Party, « d’autres fêtes m’attendent plus loin ».
Party est une belle et touchante ballade. Mélancolique, elle se garde bien de nous faire tomber dans l’abattement. Le ton de la voix de François, les arrangements tout en délicatesse de SIAU, apportent réconfort à un sujet sérieux et inquiétant.
Ce clip ne vous présente qu’un extrait de la chanson, n’hésitez pas à l’écouter en intégralité sur les sites de streaming pour en apprécier à leur juste valeur chacune de ses notes et chacun de ses mots.
Born Idiot – Lonesome
Un retour par surprise qui fait énormément plaisir, voilà à peu près notre réaction à l’annonce du nouveau single de Born Idiot.
Il faut dire que chacun des membres semblait être bien occupé par des projets solitaires qui prenaient de plus en plus d’ampleur. Et pourtant, revoilà les rennais, toujours aussi bon pour nous proposer une pop aussi atmosphérique qu’habitée.
Lonesome est un retour parfait, porté par une basse qui géniale sur laquelle vient se confronter une batterie métronimique et des sonorités de guitare et de synthétiseur électriques qui perturbent faussement le rythme pour ajouter une petite touche épique. Le tout accompagnant à la perfection la voix de Lucas Benmahammed. Un retour en guise de profession de foi aussi : à une époque où tout est fait pour nous séparer et nous monter les uns contre les autres, on est finalement toujours plus fort lorsque l’on est ensemble.
La vidéo de Evan Lunven raconte aussi ça : un road trip mystérieux entre deux héroïnes qui vivent l’instant, ensemble. On les suit dans une certaine insouciance, alors qu’autour le vide et certains éléments laissent envisager un monde un peu plus sombre et sérieux. Une cavalcade à deux, pleine de sous entendu et de soleil qui ajoute une dose de cinématographie à un morceau qui se vit de manière différente accompagné de sa vidéo.
Le reste, c’est un nouvel album attendu pour l’année prochaine et chez La Face B, on a déjà hâte !
fygure – Real Talk
fygure est un duo originaire de Lille composé de Cyprien Dhoz (piano) et de Pierre Ponchant (mélodies/chant). Rejoints à la basse par Vivian Hennocq sur quelques morceaux, ils ont travaillé sur un EP éponyme décliné en quatre titres.
Real Talk se décompose en plusieurs parties à l’image, dans un morceau qui dure tout de même 6’59.
Part I – Le piano ouvre le bal. À travers les vitres d’un véhicule, les spectateurs·trices sont amenés à contempler d’un point de vue subjectif la vie qui défile sous leurs yeux. Avec une lenteur intentionnelle comme toile de fond, fygure tisse, tricote et façonne son univers où la notion d’espace et de temps est redéfinie à leur image.
Le clip de Real Talk utilise une palette restreinte de couleurs. L’ombre prédomine nettement et participe à l’ancrage de la mélancolie comme de la contemplation. Des paysages se succèdent. Divers tableaux apparaissent et disparaissent, traduisant le caractère éphémère de chaque chose. Pour appuyer la notion de lenteur, les fondus cinématographiques sont dégainés et s’enchaînent en guise de transition.
Real Talk s’apparente à une complainte qui n’est, à n’en pas douter, largement inspirée de la sphère Radiohead. Difficile d’emprunter aux génies de ce groupe iconique leurs plus grandes habiletés et pourtant fygure n’en est pas moins un projet captivant qui, dans sa composition, révèle une certaine intelligence d’écriture.
On finit par sortir enfin de ce véhicule qui faisait office de protection. Prêts ou non, on doit se mêler à la foule, affronter le vivant.
Part II – Les images semblent s’accélérer et se colorer bien que la caméra exécute toujours des mouvements très étirés dans le temps. Les objets perceptibles augmentent en nombre à tel point qu’ils envahissent l’image. On passe d’une esthétique très épurée à quelque chose de plutôt chargé, comme peut l’être notre mental parfois. Ça en devient presque anxiogène tant le paysage urbain occupe l’espace. Puis, petit à petit, la brume s’installe, le vent se lève et tout est balayé.
Part III – La continuité est toujours de mise. L’espace urbain laisse penser à un environnement chaotique alors que la piano s’adoucit et semble se gonfler d’espoir. La pollution visuelle et lumineuse s’accroît. Les spectateurs·trices paraissent observer ce monde à bout de souffle dans l’inertie la plus totale. Un baume de pessimisme englobe l’atmosphère. C’est comme si l’autodestruction était activée.
Finalement, on se rend compte que cette ville était une maquette de laquelle nous nous sommes extirpés. Peu à peu, on prend de la hauteur, ce qui permet pas à pas de revenir à l’objectivité et à une vue d’ensemble.
Le clip de Real Talk se termine sur un amas de câbles comparables aux nœuds régissant notre existence, notre mental et renvoie aux conflits intérieurs comme à l’atmosphère lourde de l’actualité mondiale.
fygure sait y faire quand il s’agit de créer une atmosphère aussi singulière. La lenteur et la mélancolie sont vraiment des marqueurs déterminants dans leur musique. À La Face B, on vous invite à écouter leurs trois autres titres.