Parfois, les projets se suivent et ne se ressemblent pas. Avec boom boom duplicata, Attention le tapis prend feu a même décidé de prendre un virage à 360°. Plus organique et plus intime, le duo signe un disque qui touche juste sans rien perdre de sa fraîcheur, navigant entre mélancolie douce, éclats shoegaze et textures électroniques. Nous les avons rencontré.e.s pour parler d’amitié, de folk UK, de Code Lyoko et, surtout, de cet album qui vient se lover dans nos oreilles et clôturer l’année en beauté.
La Face B : Comment vous vous sentez à l’idée de partager boom boom duplicata avec le monde ? Excité·e·s, stressé·e·s, ou juste content·e·s d’enfin le lâcher ?
Attention le tapis prend feu : On est d’abord hyyyper excité·e·s ! On est tellement heureux·ses de cet album, on l’a fait avec plein de copain·e·s qu’on aime et adore, que ce soit pour les clips, les visuels ou la post-prod. On a un peu l’impression d’avoir passé un cap, comme si on sortait de notre chambre d’ado… mais pas tout à fait. Et bien sûr, on est aussi stressé·e·s, parce que, franchement, c’est toujours super stressant de sortir un projet comme ça !
LFB : Ce qui m’a étonnée, c’est ce virage à 360° dans la direction artistique. Ça détonne beaucoup par rapport à Bogueware et Potion Vadrouille. C’est bien moins zinzin internet, plus texturé, presque mélancolique. Même la pochette, très à la Flavien Berger, est super cool mais inattendue. Qu’est-ce qui vous a amené vers ce changement ?
On est beaucoup influencé·e·s par ce qu’on écoute et ce qui nous entoure. Pour Potion Vadrouille, par exemple, c’était une période où Carla écoutait beaucoup de bedroom synth-pop indé, ce qui a vraiment influencé la direction artistique, sonore et visuelle. Avec Boom Boom Duplicata, on a plongé dans des tutos YouTube pour bosser les sonorités et les arrangements. Cette année, on a aussi écouté énormément de shoegaze. Martin vient d’un univers rock indé bien barré, avec des tonnes d’effets et d’électro expérimentale, et sa guitare, c’est vraiment son instrument principal. Carla, de son côté, s’est réconciliée avec la guitare grâce à des artistes comme Claire Rousay ou des groupes qui mixent beaucoup guitare et numérique, comme Gui.tar ou l’album Victorialand des Cocteau Twins.
LFB : Ça fait un an et demi depuis Bogueware. Comment s’est passée cette transition ? Vous avez eu besoin de tout déconstruire, ou c’était plus naturel ?
ALTPF : C’était une transition assez naturelle ! On pense avoir réussi à garder la sincérité de nos premiers albums, ce qui n’est pas toujours évident quand tu gagnes en technique. Il faut trouver cet équilibre entre spontanéité et maîtrise. Avec cet album, on avait les outils pour aller encore plus dans ce qu’on voulait faire, et on a opté pour une esthétique plus sombre. La pochette avec la céramique de Picnic Fatal reflète bien cette vibe. On voulait amener une matière organique tout en explorant un univers plus “emoteenage” avec notre mascotte, qui peut être vue comme un doudou, un ami imaginaire ou un moi intérieur.
LFB : L’album a un côté nostalgique qui vous correspond bien, mais il est aussi très rock, avec des guitares très shoegaze et 90’s. Quelles sont vos inspirations principales pour ce projet ?
ALTPF : Carla a beaucoup écouté de folk, de néofolk et d’electronica (comme Félicette ou Marina Herlop). En tournée, en Angleterre, on a eu un gros coup de cœur pour des groupes folk UK presque ambiants ou répétitifs, comme Shovel Dance Collective ou Jockstrap. Martin, de son côté, a puisé dans les groupes qu’il écoutait ado : Linkin Park, My Bloody Valentine… Ce retour à la guitare saturée a vraiment ouvert de nouvelles possibilités. On a écouté beaucoup de shoegaze ensemble, de Slowdive à des groupes plus récents comme Kelora ou Great Area. Mais on a aussi gardé notre côté pop électronique, notamment dans les drums, ce qui rappelle l’hyperpop, avec des influences comme Shouiyo, Samuel Organ ou Oklou.
LFB : La guitare a une place plus importante dans cet album. C’était une envie de longue date ou c’est venu au fil des morceaux ?
ALTPF : C’est vraiment l’instrument de Martin. Il a joué dans plusieurs groupes de rock avant ce projet. Sur cet album, ces sonorités sont revenues assez naturellement, avec des influences comme Blink-182 ou Sum 41. Du coup, on a à la fois des guitares très FM, à la Sum 41 (t’es mon ami·e, par exemple), et des guitares très delay et reverb pour ce côté cotonneux et planant.
LFB : On retrouve votre légèreté habituelle dans les textes, mais cette fois, vous abordez aussi des thèmes plus profonds. Comment vous avez travaillé ce double registre ?
ALTPF : On voulait aller un peu plus loin que le narratif habituel pour parler de choses plus “deep”, mais toujours avec des métaphores. t’es mon ami·e, par exemple, parle de la force de l’amitié dans des moments de dépression ou d’isolement social. Ça parle aussi d’amour, mais en utilisant des images musicales (dans boom boom duplicata, par exemple). Les métaphores nous permettent de ne pas genrer nos textes tout en leur donnant une vraie profondeur. Il y a aussi des dédicaces à des personnages fictifs, comme Yumi de Code Lyoko.
LFB : Est-ce qu’il y a un morceau où vous vous dévoilez plus qu’ailleurs ?
ALTPF : Oui, sûrement t’es mon ami·e. C’est une déclaration sincère entre nous. Carla l’a écrit pour Martin après une période un peu sombre. C’est un morceau très intime.
LFB : Pourquoi avoir choisi boom boom duplicata comme titre de l’album ? Il a une signification particulière ?
ALTPF : C’est d’abord le titre d’un de nos morceaux préférés. Mais ces mots résument bien l’album : il y a le boom boom organique du cœur, qu’on associe aux instruments acoustiques, et le duplicata plus numérique et industriel, qui évoque notre traitement du son, où tout est explosé et étiré dans tous les sens.
LFB : Vous avez sorti l’album chez Illogique Musique. Comment s’est passée la rencontre avec Armand d’Agar Agar, et qu’est-ce que ça a changé pour vous ?
ALTPF : On a rencontré Armand pendant une free party à Vincennes (haha !). Ensuite, on a échangé en ligne, puis on s’est donné rendez-vous au Café de Paris pendant un concert de Jardino. Iel nous a parlé d’Illogique Musique et de son idée de label basé sur l’entraide et le parrainage entre artistes. Ce fonctionnement horizontal nous a beaucoup touché·e·s.
LFB : Le concert vidéo 360° à la Gaîté Lyrique était super représentatif de votre univers hyperelectro et gaming des précédents albums. Pour boom boom duplicata, à quoi peut-on s’attendre sur scène ?
ALTPF : Oui ! On fait une release party le 30 janvier au Point Éphémère avec des artistes qu’on adore : Coolschnock, Helen Island et Loto Retina. On bosse sur une scénographie avec des animatroniques, toujours avec Arthur Grignard, qui avait travaillé avec nous sur le jeu vidéo. Il y aura aussi des projections en 3D. On en dit pas plus, mais on a prévu de belles surprises !
LFB : Le shoegaze et le rock mélancolique semblent avoir un vrai revival en ce moment (je pense notamment à l’engouement pour le concert de Slowdive récemment). Si vous pouviez collaborer avec un·e artiste dans ce style, qui ce serait ?
ALTPF : Userband, évidemment ! C’est le nouveau projet de Musique Chienne/Miss Bean, et on a adoré son album, qui est très shoegaze poppy.
LFB : Une petite reco musicale ou un coup de cœur pour finir ?
Carla recommande : Turbine de Good Sad Happy Bad.
Martin recommande : El Prado Freestyle de Untitled (Halo).