La rêverie cosmique de Chikiss

Derrière Chikiss se cache Galina Ozeran, Biélorusse de naissance, Berlinoise de résidence. Le plus honnêtement du monde, on avouera que le nom de Chikiss ne nous disait rien. Son univers présenté comme étant de la synth-pop a provoqué notre curiosité. Ajoutez à cela le fait qu’elle soit Biélorusse, on était bons pour affuter toujours plus notre connaissance de ce qui se fait dans les pays baltes. Co-produit par Jaakko Eino Kalevi et conçu entre Saint-Pétersbourg, Berlin et Athènes, Between Time and Laziness est un album traversé par les bouleversements récents du monde : la pandémie, la forte répression des manifestations contre le président biélorusse Alexandre Loukachenko et le conflit russo-ukrainien.

Le premier morceau sobrement intitulé Intro laisse entrevoir une dimension très cinématographique : des espèces de sirènes, un homme qui parle comme dans un talkie-walkie ou un téléphone – il s’agit du poète Sergey Danilov -, seul un synthé léger occupe l’espace d’un autre temps.

On retrouve ce même synthé sur Evil Sky qui prend la suite. Chikiss parle. Les synthés sont nettement plus lumineux, ils bullent tout en laissant une épaisse brume sonore qui n’invite pas à la danse.  

DKN s’ouvre sur une cymbale très jazzy qui rythme tout le morceau. Enigmatique morceau que DKN. Le synthé est un peu plus rebondissant presque groovy, est rattrapé par un clavier plus pur. Une fois encore Chikiss parle. On retrouve une ambiance cinématographique étrange, cette fois sans intervention de personnage extérieur. Plus sombre, Nevesta maintient l’ambiance jazzy tout en faisant entrer l’auditeur dans une ambiance plus planante à la rythmique plus lente.

Train Schedule est un morceau beaucoup plus ouvert sur l’extérieur tout en trainant une mélancolie diffuse. A mi-parcours, des influences très années 1980 se font sentir à la Orchestral Manœuvres in the Dark en plus lent mais tout aussi « plastiques ».

Quelques secondes avant que le morceau ne commence, on entend comme un personnage courant, comme essoufflé. On imagine une ambiance plus nocturne où le synthé étoilé de 4:45 scintille de mille feux dans le milieu de la nuit bleue. On vous remet le clip ici pour capter toute l’étrangeté de l’univers de la chanteuse.

Plus proche des envolées psychédéliques des années 1970 mais toujours électroniques Between Time and Lazyness laisse échapper de sacrées vapeurs enveloppantes. Mystérieuse, sa texture ondule et à mesure que le morceau avance, le rêve s’installe. Un trip dans tout ce qu’il a de plus délicieusement délirant.

Into the void s’inscrit dans une synth-pop plus ancienne. Le synthé dominant se raccroche à un univers très cosmique où les anneaux des planètes tourbillonnent et donnent à voir des couleurs vives. Et si Into the void était un cabaret de l’espace ?

Don’t Be Afraid est le morceau fleuve de l’album avec sa durée de plus de 11 minutes. Ses premières minutes laissent planer un mystère sur sa trajectoire. Par moment, on pense au jeu d’arcade Pong. Lentement, le morceau évolue dans une ambiance à la limite du trip-hop, vaporeuse non moins lumineuse. La conclusion s’appelle Forever. Un morceau tout en slow motion où le vent souffle et invite à prendre le large.

Avec Between Time and Laziness, Chikiss témoigne d’influences extrêmement variées. Malgré la barrière linguistique, on entend l’infusion d’un certain vague à l’âme dans tous les morceaux. La Biélorusse livre un album où des imaginaires se dessinent comme étant plus heureux. Chikiss se nourrit de toutes les textures électroniques pour créer un matériau très inspiré à la fois pointu et très accessible. Des nappes électroniques (ré)créatives qui traversent le temps.

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