Matthew Caws de Nada Surf : « Croire en l’être humain pourrait être le projet de toute une vie »

Nada Surf jouait le 30 novembre 2024 à l’Aéronef de Lille. On a eu le privilège de rencontrer Matthew Caws, auteur, compositeur, guitariste et frontman du groupe avec qui on a parlé de « Moon Mirror », le dernier album de Nada Surf, de leur 30 ans de carrière, de l’industrie musicale, de Donald Trump et… d’humanisme.

Matthew Caws © David Tabary

*Cette interview a été réalisée en partie en anglais et en français. Pour lire la version anglaise, rendez-vous plus bas. / To read the english version, scroll to the bottom.*

La Face B : Comment ça va ?

Matthew Caws : Ça va très bien, j’adore tourner, j’aime tourner plus que jamais. Le seul dilemme, c’est que je n’aime pas être séparé de ma famille, et donc on ne tourne pas trop trop longtemps. Trois semaines c’est un peu la limite, mais j’adore. Le public est vraiment généreux, et je sais qu’on a beaucoup de chance de faire ce qu’on fait.

LFB : la première fois qu’on s’est croisés, c’était en 1999, à Reims, pour la première date française de la tournée promo de « The Proximity Effect », votre 2ème album. A l’époque votre maison de disque n’avait pas encore pris la décision de ne pas sortir l’album aux Etats-Unis. 25 ans plus tard, quels souvenirs tu gardes de cette époque et de votre bataille pour récupérer vos droits sur votre musique ? Est-ce qu’au final ça n’a pas été un mal pour un bien ?

Matthew Caws : Oui, on a trouvé le chemin après ça, c’était ok. Mais dans cette période où on s’est rencontrés, c’était encore comme si ça allait sortir et tout allait vraiment bien, on ne s’attendait pas au fait que ça serait « shelved » comme ils disent, rangé sur une étagère, mais oui, tout est une expérience d’apprentissage.

Je crois aussi qu’il y a un certain caractère dans « Let Go » (l’album suivant, ndlr) qui n’aurait pas existé si tout était allé comme prévu. Parce qu’il y a une excentricité dans ce disque qui, je crois, est la conséquence d’être restés à New York pendant deux ans sans que rien ne se passe. Personne n’attendait un disque de nous, donc on était vraiment libérés, libres et relax.

LFB : Tu as dit récemment, je crois, que le fait que vous soyez tous les quatre dans différentes parties du monde, ça avait peut-être aidé à la longévité du groupe, ça m’a fait penser à la période de la pandémie de covid, ça a dû avoir moins d’impact sur un groupe comme le vôtre, non ?

Matthew Caws : C’est pas forcément d’être séparés qui a un effet positif sur le groupe, le fait qu’on soit séparés est un symptôme ou un résultat du fait qu’on se laisse les uns les autres faire ce qu’on veut. Donc si on s’était dit qu’il fallait absolument rester à New York, le groupe n’aurait pas tenu, je crois. Mais par ailleurs, oui, la pandémie était pas si mal pour nous, notamment pour moi en tant que papa. Je sais qu’il y a beaucoup de musiciens qui tournent et qui ont vu qu’il y avait un côté un petit peu précieux à la pandémie, si seulement ça n’avait pas causé tellement de morts et de gens qui ont perdu leur boulot. C’est un drame, une catastrophe, un désastre, mais être avec mon fils chaque jour pendant deux ans, c’était un cadeau.

LFB : Quand j’ai écouté le dernier album, « Moon Mirror », j’ai eu l’impression que vous essayiez un peu de brouiller les pistes, parce qu’il y avait des morceaux musicalement positifs avec des textes mélancoliques, et à l’inverse, des morceaux qui pouvaient sonner plus mélancoliques avec des textes positifs. Est-ce que c’était volontaire ?

Matthew Caws : Non, c’est pas fait exprès, ça n’est jamais fait exprès. Mais peut-être qu’il y a une logique dedans. La chanson trouve elle-même son équilibre. Je suis content que tu le remarques, mais ce n’est pas conscient. Mais j’aime beaucoup cette opposition, je pense toujours à la chanson de The Beatles qui s’appelle “Every Little Thing”. Les paroles sont très inoffensives et très claires. C’est la vie en rose, mais la mélodie est très triste, et je crois que ça nous dit que le chanteur sait que ce n’est peut-être pas vrai. Et ça c’est la vraie beauté de cette chanson.

LFB : En écoutant l’album, j’ai eu un peu de mal à trouver le thème qui était central. Je crois que tu as déjà dit que toi-même, tu ne savais pas forcément toujours à l’avance quel serait le thème d’un album. Par contre, j’ai trouvé que tu abordais des sujets comme l’acceptation de soi, la vulnérabilité, le doute. Ce sont des sentiments qui te travaillent aujourd’hui ?

Matthew Caws
Matthew Caws – Nada Surf // l’Aéronef, Lille // 30.11.24

Matthew Caws : Oui, énormément. La vie intérieure affecte tout, et ça affecte notre comportement extérieur. C’est là où j’habite, mais c’est là où on habite tous un petit peu, je crois. Lutter avec le doute, accepter les choses qu’il faut accepter, accepter la réalité, c’est difficile. Et voir en soi, ou essayer de voir en soi les petites alarmes. Comme par exemple, j’essaie d’être attentif à ça : si quelque chose se passe que je n’aime pas, je note ou je me méfie de l’idée que c’est la faute de quelqu’un d’autre. Si je sens en moi ce réflexe de dire “ok, je ne suis pas à l’aise, je n’aime pas cette situation. Qui est responsable de ça ?” (il se met à parler anglais, ndlr), j’arrête tout de suite. Et j’essaie de ne blâmer personne pour quoi que ce soit. Je veux porter mes propres bagages comme on dit. Mais c’est difficile, c’est difficile.

Et on peut tous le ressentir, c’est quelque chose qu’on doit tous faire. Quand vous n’êtes pas occupé à travailler, vous travaillez sur vous-même, sauf quand vous avez besoin d’un break et que vous êtes trop fatigué, et que vous voulez juste regarder la télé. Et bien sûr, c’est ok aussi. Et c’est important aussi. Et c’est important de vous accorder un break parfois. Mais oui, je suis tellement rassuré et heureux dans ma vie romantique, dans ma vie familiale, que certaines choses que j’ai pensées quand j’étais plus jeune, ou que j’ai écrites quand j’étais plus jeune, c’était toujours sur l’amour qui tourne mal, qui s’envole, les ruptures amoureuses, mes sentiments qui changeaient pour quelqu’un, ou mes insécurités qui se mettaient en travers d’une relation. Je veux dire, heureusement, je suis beaucoup moins “insecure” que je l’étais quand j’étais enfant. Et peut-être que je ne le suis plus du tout, mais je pense que c’est à ça que ça sert de grandir. Et je suis vraiment heureux de ça. Je n’aimais pas être comme ça. J’aime avoir mon âge. J’ai 57 ans et je pense que c’est génial. Et, tu sais, le but dans la vie c’est d’atteindre le plus grand âge possible (il éclate de rire, ndlr). C’est ça le but. Donc je travaille sur ça.

LFB : en lien avec ce que tu viens de dire, sur cet album le thème de l’amour est beaucoup moins traité, plus diffus. Tu penses avoir fait le tour de ce thème dans tes chansons ?

Matthew Caws (reparle en français) : Oui. Et c’est vrai que c’est un peu ridicule d’avoir “Inside of love”, “So Much Love”, “Always Love” comme chansons. Mais ce sont trois sujets différents. C’est un mot qui a tellement de sens. « Inside of love », c’est naturellement chercher l’amour romantique. « Always Love », c’est lutter contre la colère en soi. Et « So Much Love », c’est juste, (il switche en anglais, ndlr) tu sais, essayer de célébrer à quel point les gens peuvent être bons. Je crois l’être humain. Et je pense qu’il est bon. Ou qu’il veut être bon. Ou qu’il pourrait être bon. Et la plupart des gens sont bons. Tu peux le voir avec les enfants. Ils sont tellement mignons. Il y a un clip viral d’un enfant, une fille de genre 4 ans, c’est son anniversaire, et il y a une piñata, et elle a un bâton. Et la piñata c’est Spiderman. Et elle est supposée taper sur la piñata, mais elle la prend dans ses bras et elle l’embrasse. C’est génial. Les enfants sont géniaux.

Pour en revenir aux trois chansons, j’espère que ce sont trois sujets différents. Mais les deux plus récentes sont sur des sujets plus importants. Je veux dire, vouloir être à l’intérieur de l’amour… C’est presque la chanson dont je suis le plus fier. Je pense que c’est la meilleure chanson que j’ai écrite. Mais je ne pense pas que c’est un sujet énorme, c’est juste une simple vérité : l’amour ressemble à un endroit. Et c’est un endroit sûr, ou un endroit dangereux. Et tu es à l’intérieur ou à l’extérieur. Et j’aimerais être à l’intérieur et en sécurité. Même si je n’ai pas mentionné le côté dangereux dans la chanson, mais c’est assez évident. Mais je ne sais pas, il y a toujours… Croire en l’être humain pourrait être le projet de toute une vie. Parce qu’il y aura toujours du challenge.

C’est comme, être américain ces temps-ci… Croire en l’humain est un peu compliqué. Mais en même temps, tu ne peux pas totalement blâmer les gens, parce que c’est aussi circonstanciel. C’est un peu… Le problème est un peu notre société fracturée. Et beaucoup de choses sont perdues. Certaines normes sont perdues. Comme respecter ce qu’est une école de journalisme, ce que tu apprends à l’école de journalisme. J’en parlais dans une autre interview hier. Quand ma femme et moi nous sommes mariés, il y avait un article sur notre mariage dans le New York Times. Et c’est la chose la plus inimportante du monde : deux personnes random se marient. Mais ils ont vérifié leurs informations à un tel point. On leur a parlé au téléphone plusieurs fois parce qu’ils voulaient vraiment être sûrs de ce qu’ils écrivaient. Et je pense que pour un journaliste, vérifier ses faits est presque sacré, c’est si important. Et pour que cette idée soit remise en cause, tu sais “Les grands médias sont nuls, qui croît le New York Times ?!” Cette négativité est tellement triste, et effrayante, et dangereuse. Donc, croire en l’être humain ! Ça va rester un vaste sujet.

Nada Surf Matthew Caws
Nada Surf // l’Aéronef, Lille // 30.11.24

LFB : je trouve que des morceaux sur “Moon Mirror” comme “Intel and Dreams” ou “Give Me The Sun” auraient presque pu figurer sur “Karmic”, le premier EP sorti au tout début de votre carrière.

Matthew Caws (en français) : OUI !!!

LFB : est-ce que c’est un peu une cure de jouvence pour le groupe cet album ?

Matthew Caws : je me demande ce que c’est… (il se met à parler en anglais, ndlr) C’est peut-être parce que je suis plus sobre. (Revient au français, ndlr) Je bois moins, je ne fume plus d’herbe, ce que j’adorais avant. Je me sens mieux, j’ai plus d’énergie. Et donc il y a plus de pêche dans les chansons parce que j’ai plus la pêche, c’est possible. Je ne sais pas si on s’imagine que c’est biologique, on penserait plutôt que si on buvait plus, si on fumait plus, la musique serait plus rock. Mais en fait, pour moi, c’est l’opposé.

LFB : C’est un vrai sujet, l’alcool dans la musique. De plus en plus de groupes arrêtent de boire pour pouvoir faire de la musique.

Matthew Caws : Oui. Prendre un verre de vin ensemble, c’est super. Mais boire pour boire… Là, c’est mettre un manteau de 1000 kilos.

LFB : il y a un truc que je trouve omniprésent sur “Moon Mirror”, c’est le travail de Louie Lino aux claviers.

Matthew Caws : OUI !

LFB : Est-ce que tu dirais que c’est votre premier véritable album de quatuor ? Est-ce que c’était volontaire de le mettre au centre ? Je trouve que sur tous les morceaux, que ce soit de manière un peu subtile ou plus marquée, on sent vraiment son travail et son apport au groupe.

Matthew Caws : oui. On avait répété aussi ensemble sur “Never Not Together” (l’album précédent, où Louie Lino était crédité pour la première fois comme 4ème membre du groupe, bien qu’il collabore avec Nada Surf depuis très longtemps, ndlr). Donc, logiquement, celui-là était le premier où on était en vrai quatuor. Mais peut-être que le vrai caractère des quatre ensemble continue à grandir. Et peut-être que maintenant c’est plus abouti. Mais j’adore ce quatrième élément. C’est fabuleux.

LFB : D’ailleurs, j’ai souvent lu que Nada Surf était un groupe qui faisait un peu toujours la même chose. Mais je trouve que dans un petit espace entre le rock et la pop, vous avez quand même beaucoup changé au fil du temps. Il y a des apports d’influences musicales qu’on sent apparaître au fil du temps.

Matthew Caws : Oui, ça me plaît que tu dises ça. Merci ! Moi, je n’entre jamais dans ce débat. J’accepte ce que disent les uns et les autres. Toutes les opinions sont totalement valables. (Il passe à l’anglais) Je ne suis pas bon pour chercher cette définition. Quelqu’un m’a déjà demandé ce qui avait changé, comment on s’était développé en tant que groupe. Je ne sais pas. Mais si tu le vois, je suis très heureux. Je suis vraiment très heureux. Mais si quelqu’un me dit que nous sommes toujours les mêmes, je suis genre “ok, ça me va aussi”.

LFB : vous avez 30 ans de carrière, comment on fait avec 10 albums pour écrire une setlist pour un concert d’1h30 ?

Matthew Caws (revient au français) : Oui, ce n’est pas évident. C’est une petite combinaison de choses. C’est clair qu’il y a des chansons qu’il faut faire. Et ça ne me dérange pas du tout. Comme “Always Love”, par exemple. Et puis “Popular”. Je sais qu’on pourrait ne pas la jouer si on voulait, mais moi je suis très content de la faire. J’adore cette chanson, je la trouve très drôle, et puis ça serait presque bizarre de ne pas la jouer. Et puis, “Inside of Love”, par exemple. Comme je l’ai dit, je crois que c’est une bonne chanson. Elle est centrale, donc il faut la faire. Mais après il y en a d’autres où j’aime juste le feeling de les jouer en live. Comme “Come Get Me” par exemple. Ce n’est pas un single. (Il se met à parler anglais) Elle est peut-être moins évidente, mais pour moi, elle sonne bien. “Killian’s Red” a son côté drama, je dois la faire. Donc, c’est une combinaison de choses qui fonctionnent très bien en live et d’autres choses évidentes… En fait je ne sais pas, je raconte des bullshits parce que je n’ai pas vraiment de réponse. L’autre chose, c’est que ça serait plutôt cool de varier la liste tout au long de la tournée, mais la conséquence de ne pas vivre au même endroit c’est que nous ne répétons pas beaucoup ensemble. Donc, notre répertoire ne comprend que ce que nous connaissons tous au même moment. Wilco par exemple, je les aime, ils ont ce loft, ils peuvent aller y jouer tous les jours et ils vivent dans la même ville. Ils connaissent probablement un million de chansons. C’est super cool.

LFB : Pour moi “Moon Mirror” est votre meilleur album depuis 20 ans. Tu penses encore faire de la musique dans 10 ou 20 ans ?

Matthew Caws (en français) : Merci ! Oui je vais le faire toujours. Je ne sais pas si je vais tourner toujours ou jouer en public toujours, mais probablement sortir des disques oui. (Il parle anglais) Mais “my happy place”, comme dit l’expression, c’est mon studio. J’ai un “home studio” très modeste, mais je suis très heureux là-bas. Et maintenant, c’est là que je termine tous les disques. On enregistre ensemble et je prends cette matière à la maison. Je fais toutes les voix dans mon studio, parfois les textes ne sont pas finis d’écrire et je les écris là. Je joue aussi avec des “drum machines”. Je fais d’autres musiques que je n’ai jamais publiées. Je le ferai probablement. Mais j’aime juste le fait d’enregistrer. J’aime ça. J’ai toujours des 4 pistes, 8 pistes, des enregistreurs, je fais ça sur mon téléphone, mon ordinateur, mon iPad. J’adore ça. Et je ne suis pas génial, je ne suis pas un super ingénieur. J’ai un un trouble de déficit de l’attention, donc je ne lis pas les manuels. Mais juste l’immédiateté de faire quelque chose et d’entendre ça, j’aime ça. Je le ferai toujours.

LFB : Je discutais il y a quelques mois avec le groupe Girls in Hawaii, qui ont fêté leurs 20 ans de carrière, et qui me disaient qu’ils avaient la sensation qu’ils ne pourraient plus faire la même carrière s’ils débutaient aujourd’hui. Quel regard tu portes sur l’industrie musicale aujourd’hui ?

Matthew Caws (en français) : Si on a du succès aujourd’hui, ce qui n’est pas évident, mais si on en a, c’est probablement plus difficile de tourner et de faire de l’argent parce que tout coûte plus cher, la marge de ce qu’on gagne est plus petite. Mais les choses se sont aussi un peu démocratisées d’une bonne manière je trouve. (en anglais) J’ai des problèmes avec Spotify, bien sûr. Je veux dire, c’est génial. Mais le mec qui gère ça se fait sans doute trop d’argent, il en garde un peu trop pour lui. Mais le fait que n’importe quel enfant puisse faire un tour sur YouTube et chercher tout ce qu’il veut, c’est un putain de miracle.

Et en général, dans le business de la musique, je pense que le moment où Eric Clapton avait une piscine en forme de guitare, c’était une anomalie. Et l’idée d’un musicien qui fait un boulot cool et qui gagne beaucoup d’argent, je pense que c’est une anomalie. Parce que si tu penses à Astérix – je ne me souviens pas du nom du barde.

LFB : Assurancetourix

Matthew Caws : Assurancetourix ! (il poursuit en français, ndlr) À la fin du dîner, à la fin de la fête du village, il n’était pas célébré, il était dans un arbre. Ça, c’est un peu plus normal, je crois. Je crois que les artistes, même si je pense qu’ils sont incroyablement importants – c’est une chose très importante de faire de l’art – je ne m’envoie pas des fleurs. Je ne suis pas quelqu’un d’important. C’est l’opposé. On ne se connaît pas, tu es peut-être un artiste aussi, je ne serais pas surpris. Il y en a des tonnes. C’est quelque chose que font les gens, comme bricoler, comme faire du pain, comme se balader. C’est faire de l’art. Presque tous les humains en font. Je ne sais pas. Je ne sais pas ce que je dis, je divague. I’m bullshiting again !

LFB : Nada Surf est un groupe qui n’a jamais hésité à parler de politique. Comment vis-tu l’élection de Donald Trump ? Est-ce que tu comprends ce qui traverse la société américaine ?

Matthew Caws : oui je comprends un petit peu. Mais… Ce qui est bien, c’est que… On avait l’impression que Trump avait gagné beaucoup de votants. Mais je ne crois pas que ce soit le cas. C’est que les démocrates sont restés chez eux. (il parle en anglais, ndlr) J’ai été surpris. Je ne pouvais pas croire que tellement de gens pensaient que ce n’était pas important. Cela indique un peu combien de gens n’ont plus d’espoir. Et tu sais, je suis complètement addict à mon téléphone, j’ai l’impression de devoir écouter un podcast dès que je fais le ménage à la maison. Je suis addict au divertissement et à l’idée de toujours devoir faire quelque chose. Nous sommes très nombreux à l’être. (il se met à parler en français, ndlr) C’est une maladie. Normalement, ce n’est pas une mauvaise maladie dans ma vie, mais j’ai voté. Pour nous, en général, c’est une vraie maladie si on ne vote pas. C’est impensable, j’ai très peur, je suis inquiet. (il parle en anglais, ndlr) Je me sens aussi fatigué. Il y a une expression que j’aime, “every moment is a teacher” (chaque instant est un enseignement). Chaque mauvaise chose est une leçon qu’on apprend. Maintenant les Démocrates devront se réorganiser. Mais tout cela est épuisant. C’est fatiguant d’avoir Trump dans nos vies depuis si longtemps. C’est notre chanson “New Propeller”. J’ai commencé à écrire cette chanson quand Trump était candidat pour la première fois en 2016. J’avais l’impression qu’il était une nouvelle mauvaise énergie. Je pensais à l’hélice d’un bateau, l’hélice sous l’eau, dans la profondeur, dans l’ombre.

LFB : Pour terminer, est-ce que tu aurais des disques, des lectures récentes à recommander ?

Matthew Caws : Oui. J’ai lu un roman de Willa Cather qui s’appelle O’Pioneers (les Pionniers). C’est sur l’Amérique du début du 19ème siècle, dans le Montana je crois, c’est magnifique. Sinon, ma femme a un goût plus profond que moi, elle connaît tout, elle écoute beaucoup de folk britannique, et je me suis remis à écouter Fairport Convention, et Pentangle, et les Silly Sisters. De la folk britannique du début des années 70. J’aime l’album “Leige and Leaf” de Fairport Convention. Beaucoup de gens le connaissent mais je l’aime vraiment.

– ENGLISH VERSION –

La Face B: How are you doing?

Matthew Caws: I’m doing very well. I love touring, more than ever. The only dilemma is that I don’t like being away from my family, so we don’t tour for too long. Three weeks is about the limit. But I love it. The audience is really generous, and I know we’re very lucky to do what we do.

LFB: The first time we crossed paths was in 1999, in Reims, for the first French date of the promo tour for The Proximity Effect, your second album. Back then, your label still hadn’t decided not to release the album in the United States. Twenty-five years later, what memories do you have of that period when you had to fight for years to get your rights back to your music? In the end, wasn’t it a blessing in disguise?

Matthew Caws: Yeah, we found our way after that, it all worked out. But at that time when we met, it still seemed like the album would come out and everything was going really well. We didn’t expect it to get “shelved,” as they say. But yes, it was all a learning experience.

I also think there’s a certain character on Let Go (the album that followed, editor’s note) that wouldn’t have existed if everything had gone as planned. There’s an eccentricity on that record which I believe comes from having stayed in New York for two years while nothing was happening. Nobody was waiting for a record from us, so we felt really free and relaxed.

LFB: You recently said, I believe, that the fact the four of you live in different parts of the world might have helped the band last so long. That made me think about the COVID pandemic—maybe it had less impact on a band like yours, right?

Matthew Caws: It’s not necessarily being apart that helps the band; us living far from each other is more a symptom or a result of letting each other do whatever we want. If we had insisted on all staying in New York, I think the band wouldn’t have survived. But otherwise, yes, the pandemic wasn’t so bad for us, especially for me as a dad. I know a lot of touring musicians realized there was something precious about that period, if only it hadn’t caused so many deaths and so many people losing their jobs. It’s a tragedy, a catastrophe, a disaster, but getting to be with my son every single day for two years was a gift.

LFB: When I listened to the new album, Moon Mirror, I felt like you were trying to blur the lines a bit—some tracks sound musically upbeat with melancholic lyrics, and others sound more melancholic with uplifting lyrics. Was that intentional?

Matthew Caws: No, it wasn’t deliberate. It never is. But maybe there’s a certain logic to it. The song finds its own balance. I’m glad you noticed it, but it’s not something I do consciously. I do love that contrast, though. I always think of the Beatles song “Every Little Thing.” The lyrics are so harmless and straightforward—everything is rosy—but the melody is really sad, which tells us that the singer might know it isn’t entirely true. And that’s what makes it so beautiful.

LFB: Listening to the album, I had a hard time finding a unifying theme. I recall you’ve said you don’t always know in advance what an album’s theme will be. But I picked up on self-acceptance, vulnerability, doubt—are those feelings that concern you now?

Matthew Caws: Yes, a lot. Your inner life affects everything, and that then influences your outward behavior. That’s where I live, but I think it’s also where we all live, to some extent. Wrestling with doubt, accepting what must be accepted, accepting reality, it’s hard. And noticing in ourselves the little warning signs. For example, I try to be aware: if something happens that I don’t like, I take note or remain cautious about blaming someone else. If I catch myself thinking, “Okay, I’m uncomfortable, I don’t like this situation; who’s responsible?” (he briefly switches to English, editor’s note), I stop right away. And I try not to blame anyone for anything. I want to carry my own baggage, as they say. But it’s difficult, it’s hard.

We all feel it, it’s something we all need to work on. If you’re not busy working, you’re working on yourself, unless you need a break and you’re too tired and you just want to watch TV. And of course, that’s okay too. That’s important. Giving yourself a break sometimes is important. But yes, I’m really reassured and happy in my romantic life, in my family life, so some of what I used to think or write when I was younger was always about love going wrong, or drifting away—breakups, my feelings changing for someone, or my insecurities getting in the way. Luckily, I’m much less insecure than I was as a kid. Maybe I’m not insecure at all anymore; I think that’s what growing up is about. I’m really happy about that. I didn’t like being that way. I love my age. I’m 57, and I think it’s great. And, you know, the goal in life is to get as old as you can (he laughs, editor’s note). That’s the goal. So I’m working on it.

LFB: Building on that, I noticed that love is less of a focus on this album—it’s more diffuse. Do you think you’ve already covered the topic enough in your songs?

Matthew Caws (in French): Yes. It’s true it’s a bit ridiculous to have songs called “Inside of Love,” “So Much Love,” and “Always Love.” But they each address something different. “Love” is a word with so much meaning. Inside of Love is really about searching for romantic love. Always Love is about fighting the anger within. And So Much Love is just (switches to English) trying to celebrate how good people can be. I believe in people. I think people are good—or they want to be good, or could be good. Most people are good. You can see it in kids. They’re so sweet. There’s a viral video of a little girl, maybe four years old, on her birthday. There’s a Spider-Man piñata, and she’s supposed to hit it with a stick, but instead she hugs it. It’s incredible. Children are amazing.

But back to those three songs: I hope they explore three distinct ideas. And the two later ones are more important. I mean, wanting to be inside of love… It’s almost the song I’m proudest of. I think it’s the best song I’ve written. But I don’t think it’s a huge topic; it’s just a simple truth: love feels like a place. A safe place, or a dangerous place. And you’re either inside it or outside it. And I’d like to be inside, feeling safe—though the dangerous aspect is obvious even if I don’t mention it in the song. But I don’t know, there’s always… Believing in people might be a lifelong project. Because there will always be challenges.

It’s like being American these days… Believing in people can be a little bit of challenge. But you can’t completely blame people, because it’s also circumstantial. The problem is partly our fractured society, which has lost so many norms—like respecting what journalism school is, what you learn there. I was talking about it in another interview yesterday. When my wife and I got married, there was an article about our wedding in The New York Times. It’s the most insignificant thing: two random people getting married. But they fact-checked everything so rigorously. They called us several times because they wanted to be sure they got it right. And I think for a journalist, fact-checking is almost sacred; it’s so important. Now people question that, saying, “Mainstream media sucks, who believes The New York Times?” That negativity is so sad, scary, and dangerous. So, yes, believing in people—it’s still a huge topic.

Nada Surf Matthew Caws

LFB: I think tracks on Moon Mirror like “Intel and Dreams” or “Give Me The Sun” could almost have appeared on Karmic, your very first EP.

Matthew Caws (in French): YES!!!

LFB: Do you feel like this album has been something of a rejuvenation for the band?

Matthew:
I’m wondering what it is… (switches to English) Maybe it’s because I’m more sober. (returns to French) I drink less; I don’t smoke weed anymore, which I used to love. I feel better, I’ve got more energy. So maybe the songs have more drive because I have more drive. It might be as simple as that. Normally you’d think if we partied more, the music would be more rock, but for me it’s the opposite.

LFB: It’s a real topic—alcohol in music. More and more bands are quitting drinking in order to make music.

Matthew Caws: Yes. Having a glass of wine together is great. But drinking just for the sake of it… it’s like wearing a thousand-pound coat.

LFB: Something that really stands out on Moon Mirror is Louie Lino’s keyboard work.

Matthew Caws: YES!

LFB: Would you say this is your first real album as a quartet? Was it intentional to put him front and center? Because on every track, either subtly or more obviously, you can feel his contribution.

Matthew Caws: Yes. We also rehearsed together on Never Not Together (the previous album, where Louie Lino was officially credited for the first time as the fourth member of the band, even though he’d been collaborating with Nada Surf for a long time, editor’s note). So it naturally follows that this one was our first proper album as a quartet. And maybe the full character of the four of us together continues to grow. Maybe now it’s more complete. But I love that fourth element. It’s amazing.

LFB: I often here people say that Nada Surf is a band that “always does the same thing,” but I think that in that small space between rock and pop, you’ve changed a lot over time. You can hear new influences creeping in as the years go by.

Matthew Caws: I’m glad you say that. Thank you! I never really argue the point. I accept whatever people say—everyone’s opinion is valid. (switches to English) I’m not good at defining how we’ve grown or changed. Somebody asked how we’ve evolved as a band, and I don’t really know. But if you see it, I’m happy. I’m really happy. And if someone thinks we’re always the same, I’m ok with it too.

LFB: You have 30 years of career behind you and 10 albums. How do you write a setlist for a 90-minute show?

Matthew Caws (in French): Yes, it’s not easy. It’s a combination of things. Obviously, there are songs we have to play. And I really don’t mind. Like “Always Love,” for example, and “Popular.” I know we could decide not to play “Popular,” but I’m happy to. I love that song; I think it’s funny. It would be weird not to play it. And then there’s “Inside of Love,” for example. As I said, I think it’s a good song, it’s central, so we have to do it. Beyond that, there are other songs I just love how they feel live. Like “Come Get Me,” for example. It’s not a single (switches to English, editor’s note) — maybe it’s less obvious, but for me, it just sounds great. “Killian’s Red” has a certain drama, so I have to do it. It’s a mix of songs that work well live and the obvious ones… Actually, I don’t really know; I’m just bullshiting, because there’s no set formula. Another thing is, it would be cool to change the setlist throughout the tour, but because we don’t all live in the same city, we don’t rehearse much. So our repertoire is limited to what we can all play at the same time. Wilco, for instance—I love them—they have their own loft, they can get together every day, they live in the same city, so they probably know a million songs. That’s really cool.

LFB: In my opinion, Moon Mirror is your best record in 20 years. Do you think you’ll still be making music in 10 or 20 years?

Matthew Caws (in French): Thank you! Yes, I’ll always make music. I’m not sure if I’ll always tour or play live, but I’ll probably still release records. (switches to English) But my “happy place,” as the expression goes, is my studio. I have a very modest home studio, but I’m really happy there. And now that’s where I finish all our records. We record together, and I take those recordings home with me. I do all the vocals in my studio; sometimes the lyrics aren’t finished yet and I work on them there. I also play around with drum machines. I make other kinds of music I’ve never released. I probably will someday. I just love recording. I’ve always had four-tracks, eight-tracks. These tape machines, I do it on that. Now I record on my phone, my computer, my iPad. I love it. I’m not the best engineer—I have ADHD, so I don’t read manuals—but the immediacy of creating something and hearing it right away is something I really love. I’ll always do that.

LFB: A few months ago, I was talking to the band Girls in Hawaii, who just celebrated their 20th anniversary. They told me they felt they couldn’t have the same career if they started out today. How do you see the music industry now?

Matthew Caws (in French): If someone succeeds today, which is not guaranteed, it’s probably harder to tour and make a living because everything is more expensive, and profit margins are smaller. But things have also become more democratic in a positive way, I think. (in English) I have issues with Spotify, of course. It’s great, but the guy who runs it is probably making too much money, keeping a little too much. Still, the fact that any kid can go on YouTube and look up for anything is just a fucking miracle.

Generally, in the music business, I think the period when Eric Clapton had a guitar-shaped swimming pool was an anomaly. The idea of a musician having a cool job and also getting rich—I think that’s an anomaly. Because if you look at Asterix—I don’t remember the bard’s name…

LFB: Assurancetourix.

Matthew Caws: Assurancetourix! (speaking French) At the end of the banquet, he’s not being celebrated; he’s tied up in a tree. That’s probably more normal! (laughs) Even though I think artists are incredibly important—it’s extremely important to make art—I’m not patting myself on the back. I’m not important. Quite the opposite. Who knows—you might be an artist too, I wouldn’t be surprised. There are so many of us. It’s something people do, like DIY, like baking bread, like going for a walk. It’s making art. Almost everyone does it in some way. I don’t know what I’m saying anymore, I’m rambling. I’m bullshitting again!

LFB: Nada Surf is a band that never hesitates to address politics. How did you feel about Donald Trump’s election? Do you understand what’s happening in American society?

Matthew Caws: Yeah, I kind of understand it. But… The one good thing is we thought Trump had gained a ton of voters, but I don’t think that’s the case. It’s just that Democrats stayed home. (switches to English) I was really surprised. I couldn’t believe so many people thought it wasn’t important. That shows how many people have lost hope. I’m completely addicted to my phone; I almost have to listen to a podcast when I clean up the house. I’m addicted to entertainment and the idea of always doing something. So many of us are. (switches back to French) It’s a disease. Normally it’s not a terrible disease in my life, but I do vote. For us, not voting is the real disease. It’s unthinkable. I was really scared. I’m worried. (switches to English) I also feel exhausted. There’s a saying I love: “every moment is a teacher.” Every bad thing is a lesson we learn. Now Democrats have to reorganize. But it’s all very tiring. I’m tired of having Trump in our lives for so long. That’s what our song “New Propeller” is about. I started writing it when Trump first ran in 2016. I felt like he was this new negative energy. I pictured a boat propeller, spinning underwater, in the shadows.

LFB: Lastly, do you have any new records or recent books you’d recommend?

Matthew Caws: Yes. I just read a novel by Willa Cather called O Pioneers! It’s about early 19th-century America, in Montana, I think, and it’s beautiful. Also, my wife has deeper musical knowledge than I do—she knows everything—and she listens to a lot of British folk. So I’ve gotten back to listening to Fairport Convention, Pentangle, and the Silly Sisters. British folk from the early ’70s. I love Fairport Convention’s Liege & Lief. A lot of people already know it, but I really love it.



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