[LIVE REPORT] L’anniversaire virtuose d’Émile Parisien au Rocher de Palmer

C’est pour fêter le vingtième anniversaire de son quartet qu’Émile Parisien a sorti Let Them Cook l’année dernière, un album virevoltant et aux airs de grande fête. À l’occasion de cette célébration, les quatre musiciens étaient de passage à Cenon ce jeudi 23 janvier, entre les murs du Rocher de Palmer.

Après tout, quoi de mieux pour un musicien que de fêter un vingtième anniversaire avec son public ? Émile Parisien a très bien compris qu’il ne demeurait pas d’autre réponse à cette question. C’est ainsi que le saxophoniste s’est approprié la scène du Rocher avec ses compères Julien Loutelier (batterie), Ivan Gélugne (contre-basse) et Julien Touéry (piano). Une formation qui a connu un seul changement, à savoir le changement de son batteur en 2018, amenant avec lui toute une sensibilité électronique nouvelle. C’est plein d’entrain que les derniers vainqueurs des Victoires de la Musique pour le meilleur album Jazz poursuivent une histoire déjà très influente en Europe. 

La première chose que l’on remarque, pour ne pas dire qui nous saute aux yeux, est l’évidente complicité que les quatre instrumentistes cultivent. Ces derniers affichent une aisance toute particulière qui transpire et participe à créer une ambiance qui vous embarque dans une configuration d’emblée prenante. En ouvrant le set avec Pralin, Émile Parisien et son quartet savent très bien qu’ils se garantissent une introduction réussie. Le saxophoniste l’annonce d’ailleurs avec un ton décontracté, une constante qui va suivre le musicien tout le long du concert.

On ressent un flegme sympathique émanant de ce dernier qui prend toujours le temps de manière d’interagir avec le public. Cet aspect très communicatif rend la prestation interactive, le saxophoniste prenant le soin d’écouter son public et de rebondir sur certaines réactions provenant de la foule. Une chose à noter est que ce ton pris correspond parfaitement à certains aspects de la musique du groupe. On peut notamment prendre l’exemple du morceau Coconut Race, qui flirte avec le Jazz Be Bop, explore par moment le Free et le Swing pour offrir, comme son nom l’indique, un moment de musique déchainé et surtout compréhensible une fois amené sur scène. Une prouesse lorsque l’on considère l’évidente complexité de cette même composition. 

C’est de fait un des points sur lequel il faut par ailleurs mettre l’emphase : la maitrise technique des musiciens. Tout est joué à la perfection, rien ne vacille et tout sonne aussi propre que sur une version studio, avec le cachet du live en supplément. Quelque soit l’ambition du morceau interprété, jamais un des quatre musiciens ne pèche. Cette capacité à tout jouer sans laisser place à aucun défaut permet au quatuor de moduler facilement ses ambiances.

Le quartet forme deux blocs distincts sur scène qui fonctionne parfaitement entre-eux. À gauche, la section mélodique composée par le piano et le saxophone. À droite, la section rythmique emmenée par la batterie et la contre-basse. On note une entente tout bonnement remarquable, en attestent certains passages joués à l’unisson qui démontrent non seulement un niveau de jeu remarquable, mais aussi une complicité franche qui donne au set du groupe une énergie folle — proche de la transe lorsque ce dernier s’embarque dans des virées atmosphériques.

On peut facilement passer de morceaux ambiants et atmosphériques comme Ve 1999 ou Tiktik à des passages plus remuants et joueurs comme lors de l’interprétation de Wine Time. C’est cette ambivalence qui permet à la représentation dans sa globalité d’être autant surprenante et surtout emballante. Cela se lie à une gestion marquée contrôlée de la tension et de sa libération. On peut notamment l’entendre lors des différents crescendi prenant place au sein des pistes atmosphériques qui finissent par aboutir à un moment d’éclat qui, grâce à cette même tension, gagne en puissance. 

C’est cette sensation de grandeur, de puissance et de subtilité qui confèrent au quartet d’Émile Parisien une prépondérance toute particulière à nous emporter. On pourrait même dire que ces mêmes morceaux, nés aux yeux du grand public sur Let Them Cook, ont été pensés et écrits pour la scène tant ils prennent de l’ampleur une fois présentés à un public. Avec cette heure et demi de spectacle, il ne fait nul doute que le saxophoniste, accompagné de ses trois compères, fête en grandes pompes ce vingtième anniversaire tout en nous offrant une petite merveille de Jazz qui saura ravir tout mélomane portant de l’intérêt au genre. 

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