Avec près de 10 ans de carrière, le groupe toulousain Cathédrale nous a déjà offert quatre albums, dont l’excellent Words/Silence qu’on avait chroniqué ici. La créativité côté paysage indé se porte bien puisque c’est avec Poison, leur cinquième album, que Cathédrale revient avec force et vigueur sur le devant de la scène. Sorti via Howlin’ Banana/Regarts et enregistré en une semaine à Bruxelles par Mathieu Versini, cet album porte comme ligne directrice le poison. Celui qui vous gangrène, celui qui porte les marqueurs de la tentation, celui dont Baudelaire cause dans son poème.
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artwork par Guillaume Berneau
L’inspiration Baudelaire sur The Setting Sun.
Le quatuor toulousain a posé les deux bases de Poison en guise d’amuse-bouche. Ainsi, le rideau s’est levé sur The Setting Sun qui adapte et développe à lui seul une grande partie de ce célèbre poème du poète maudit. Entre mélancolie et refrain qu’on se mettrait bien en perfusion, ce morceau a été idéal pour introduire ce cinquième opus.
Il a bien tourné en boucle dans nos playlists personnelles ! The Setting Sun a permis de poser un cadre et une ligne directrice, une manière de nous montrer aussi que Poison est concis et précis en plus d’appuyer le ton qui sera donné.
Cathédrale adopte un ton lugubre pour Poison.
Puis, Cathédrale a lancé Where The Fire Is dont le commencement s’associe à une coldwave lugubre pour virer entre post-punk et soupçon pop. Avec une ambiance très connotée autour du thème de la mort, et en somme tous les états émotionnels qui peuvent y mener, le groupe conserve ce lien au poison qui se diffuse à travers divers items et diverses situations de la vie.
Quand le poison nous envahit.
Poison continue son odyssée morcelée entre la vie et la mort à travers Monuments & Bricks, un titre lunaire qui oscille entre la vie et la mort, entre les interférences qu’on rencontre tout au long de notre chemin. Ce sont les effets utilisés qui nous plongent dans cet entre-deux, à un moment où le poison n’a pas encore envahi tout notre système, preuve que l’espoir existe puisque le corps et l’esprit résistent.
South Life, dernière ligne droite avant l’album, est nourri par les inquiétudes du présent qui se muent en angoisse viscérale. On n’habite pas un monde apaisant, mais un monde sous haute tension et parfois, c’est juste trop.
Comment faire pour se détacher de toute cette noirceur ? L’ignorer et faire de la joie un acte de résistance ? Ou l’utiliser comme catalyseur, comme moteur de notre énergie au service de la résistance ? Dans tous les cas, notre monde est vaste et il ne doit pas voir sa fenêtre de tolérance se réduire au point de détruire nos horizons.
Un mot qui résonne avec douceur : Healing.
Guérison. Healing. Porter ce nom pour un morceau dans un album si sombre ramène une pointe de douceur. Ce n’est peut-être cependant qu’une parenthèse puisqu’on enchaîne rapidement sur Radium qui n’a pas la même connotation ! Un morceau très lourd et par essence radioactif avec une pincée de français qui se déploie selon les roulements de la batterie.
Polonium constitue la face B de Radium et qui achève en quelque sorte ce précédent morceau. Puis, Cravings s’invite ensuite. Cravings apporte un peu de légèreté musicale dans cette lourdeur ambiante. Assurément un des morceaux les plus pop de Poison, on s’en délecte le temps d’une pause !
Coup de cœur pour Enchantress.
Très bonne vibe du côté du morceau Enchantress, entre silences et contres-temps, ce titre vous enveloppe comme une sort ensorcelle. C’est comme goûter à la pomme empoisonnée de Blanche-Neige, malgré le doute, on accepte la sentence tant elle est succulente et tentante !
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La vie n’est pas une représentation manichéenne.
The Two Words est marqué par un aspect très régressif presque rassurant. Comme une impression de pénétrer un second sanctuaire de Poison, preuve que ce n’est finalement pas un unique tunnel sans fin mais qu’il faut savoir développer son âme d’explorateur·trice pour trouver les chemins de traverses.
Même sensation pour Wave Goodbye. Bien que le propos ne soit pas des plus réjouissants, il y a de plus en plus au fil de cet album, une éclaircie qui perce et s’incruste. Wave Goodbye s’incarne dans Poison avec une sorte d’aérodynamisme. Une facette aérienne qui se reflète dans la construction même du morceau.
Horsemen, petit avant-dernier de Poison, ne constitue pas le morceau le plus surprenant de l’opus bien qu’il fonctionne très bien et apporte un aspect confortable à l’ensemble. La portion du titre qu’on préfère restera sans doute le final où l’on se voit aisément tourbillonner en plein concert.
Une fin sacrée.
Enfin, New Light clôture ce cinquième album de Cathédrale. Comme un chant presque religieux, il est l’aube d’un nouveau commencement et d’un renouveau certain. Avec des sonorités imitant l’orgue, Cathédrale nous met face à une incantation qui clôt Poison en 1’33.
Possiblement un clin d’œil au nom du groupe ou bien une manière de s’apaiser après tout ce qu’on vient d’entendre, le groupe y met tout de même cet espoir qu’on retrouve parfois et qui fait tant de bien. Oui, Cathédrale a conscience des vices et réalités. Cependant, ils nuancent leurs propos et la nuance, c’est le début de l’esprit critique.