Quinze ans, c’est le temps qui nous sépare de Black Clouds & Silver Linings, le dernier album du quintet new-yorkais avec Mike Portnoy. De retour dans sa formation mythique depuis Octobre, le groupe a sorti en ce début d’année son seizième album studio : Parasomnia.

La date du 10 Octobre 2024 était synonyme d’une grande fête pour les fans de la première heure de Dream Theater. Après quinze ans d’absence, le batteur et membre fondateur du groupe, Mike Portnoy, était officiellement de retour. Une annonce qui actait alors par la même occasion le départ de Mike Mangini, en poste derrière sa batterie depuis 2011. Le co-fondateur du projet avait laissé derrière lui un dernier album, Black Clouds & Silver Linings, salué par la critique à l’époque.
On avait senti un changement clair à partir A Dramatic Turn of Events qui avait directement impacté le son du groupe. Une tournure à la forme beaucoup plus clinique voire froide due à l’influence de Mangini suite à son arrivée. Ce dernier démontrait une technique évidente, une précision folle qui laissait transparaître un niveau de jeu qui touchait presque au génie. Cependant, le ressenti n’était pas le même. Moins de feeling, de déchet qui faisait l’âme de Dream Theater et par-dessus tout la particularité des musiques progressives au sens large. C’est à ce moment que beaucoup ont malheureusement lâché la musique de la formation.
Parasomnia marque un retour à des sources plus brutes. Le jeu de batterie de Mike Portnoy ayant cruellement manqué au son des américains qui fêtent leur quarantième anniversaire cette année. Ce chemin arrière vers ses sources est complètement assumé de la part du groupe. Le batteur évoquant même le fait que pendant le processus de création, certaines idées lui rappelait les travaux passés comme Scenes From A Memories ou Train of Thought.
Un renouveau qui amène une touche qui n’avait plus autant la part belle dans le son du quintet : son côté sombre. Ce seizième album s’ouvre sur une piste instrumentale, In The Arms of Morpheus, à l’introduction ténébreuse penchant même vers la dissonance. Une entrée en matière d’ailleurs semblable à celle Black Clouds & Silver Linings : A Nightmare to Remember, qui mène progressivement au premier single de Parasomnia : Night Terror.
Ce que l’on peut dire sans prendre de risque c’est que le Dream Theater qui a fait les très grandes heures du Metal Progressif est bel et bien de retour. Tout dans ce morceau sent la musique que le groupe s’évertuait à faire il y a de ça quinze ans. Des habitudes de composition au son, tout nous renvoie à des albums cultes. Une constante qui va traverser tout le long de l’album.
Même les changements d’ambiances et la construction du disque transpirent ce retour aux sources. À cette occasion, on notera la superbe balade Bend the Clock qui avec sa guitare acoustique clairvoyante nous rappelle des moments de volupté passés comme Anna Lee parmi les différents exemples possibles. Le groupe sait clairement toujours aussi bien gérer les nuances et module avec justesse les ambiances mises en place. Rien n’est trop pesant ni long. Les cinq musiciens évitent par ailleurs un écueil récurrent dans les musiques progressives, à savoir le ventre mou prenant souvent place en milieu d’album.
Malgré ce retour aux sources annoncé et assumé, Parasomnia est loin de rester bloqué dans le passé. Ce seizième album déploie un son résolument moderne. John Petrucci qui, pour la première fois ne cède pas la co-production à Mike Portnoy, s’assure comme un producteur aguerri aux choix et à la vision qui ne sont plus à discuter et clairement dans l’ère du temps.
Le fil rouge qui lie les huit pistes de l’album est également à mettre en avant dans cette démarche. Parasomnia aborde de différentes manières la question et l’imaginaire du sommeil. Le morceau introducteur nous donne un clair indice à ce propos : In The Arms of Morpheus. La plupart des titres font expressément référence à ce thème sous-jacent : Night Terror, Dead Asleep, Midnight Messia ou encore Are We Dreaming? — tout nous renvoie aux bras de Morphée.
Même le nom de ce seizième album, Parasomnia, renvoie aux comportements anormaux et aux expériences indésirables pouvant prendre place pendant le sommeil ou la phase d’endormissement. Cette thématique nous permet de regoûter à la plume de Mike Portnoy qui fût chargé d’écrire certaines des phrases que James LaBrie chante habilement tout au long du disque. Elle explique également l’aspect sombre et lugubre hantant la globalité du disque.
Bien évidemment, qui dit album de Dream Theater dit niveau technique clairement au-dessus de la moyenne. On retrouve des séquences de jeu tout bonnement spectaculaires. La section composée de John Petrucci et Jordan Rudess démontre une nouvelle fois toute sa splendeur. Cette dernière étant magnifiée par des échanges de solos ou des séquences de jeu à l’unisson réservées aux très grands musiciens du genre. Mike Portnoy et John Myung eux constituent ce qui est sans doute l’une des sections rythmiques les plus fantasques du monde du Prog. Entre les métriques alambiquées et les affabulations de jeu, les deux se trouvent comme s’ils ne s’étaient jamais quittés.
Parasomnia se clôture sur The Shadow Man Incident, titan labyrinthique de près de vingt minutes qui met en avant l’appétence naturelle des cinq musiciens à donner vie à des pièces longues et complexes. Cette dernière rappelant notamment certaines des grandes œuvres passées du groupe comme le titre Octavarium qui, vingt ans plus tard, n’a pas perdu de sa majesté et de sa grandeur.
Parasomnia signe le retour d’un Dream Theater dans sa forme la plus pure et sereine. Malgré quinze années troubles concernant les relations entre certains de ses musiciens, le groupe dévoile ici une véritable lettre d’amour à ses fans. Une déclaration qui prend la forme d’un album maîtrisé en tous points, et qui laisse entrevoir un avenir radieux pour la formation qui est en pleine célébration de son quarantième anniversaire.