Forgés dans les entrailles fiévreuses de Lésigny, Olivier Pernot, Louis Péchinot, Simon Péchinot et Lola Frichet ont donné naissance à Pogo Car Crash Control comme on provoque une révolte dans un laboratoire clandestin. Depuis leur irruption tonitruante en 2016, leur parcours est celui d’une comète insoumise. Aujourd’hui, ils reviennent avec un quatrième album, NEGATIVE SKILLS qui jette une nouvelle fois un cocktail molotov en expansion dans l’univers punk et dans la galaxie métal.

Coup de barre dans les tympans
C’était un jeudi grisâtre, la tête alourdie par une énième nuit blanche, il me fallait mettre dans mes écouteurs un son percutant, mon choix s’est donc orienté sans hésitation vers le nouveau projet de Pogo Car Crash Control. L’album démarre sans sommation : You Came To Me jaillit avec la brutalité d’un uppercut. Pas d’introduction, pas de préliminaires – seulement la rage brute portée par un riff qui dérape sur l’asphalte humide. Pas de répit dans cette bagarre sonore, Don’t get Sore continue la lancée sauvage. Ils proposent une embardée bilingue, rageuse, qui sent la crasse et l’urgence. C’est suffisamment malin pour avoir été salué par Rolling Stone France comme une claque dans le dos du punk-metal tricolore.
Puis vient Comme toi, morceau faussement docile avec son ironie de façade. La basse y claque sec sur un break quasi-grunge, un faux temps mort qui relance la machine à pogos. Choisi comme Son du jour par le même magazine, c’est un morceau qui avance comme une confidence donnée du bout des lèvres pour empêcher l’envie d’hurler faire le travail. avant de hurler à la figure qu’on ne veut plus voir personne.
Pogo: la rage savante
Shallow Time, c’est deux minutes vingt-neuf de tension mal contenue, une mèche courte à la batterie et des guitares comme des scies circulaires. Une évocation tendue de Tête Blême, mais filtrée par une production moins étouffante, plus chirurgicale. On referme le point avec le titre Je mettrais bien le feu. Tempo lent, presque funèbre. Le refrain claque comme une vitrine qui vole en éclats. La voix de Simon Péchinot oscille entre l’ironie et le cri retenu. Ce n’est plus une chanson, c’est une insurrection intime. Ça brûle propre, mais ça brûle. La pièce maîtresse, Negative Skills, tient tout l’album dans ses nerfs : forme resserrée, punchlines comme des gifles, et une éclaircie mélodique aussitôt ravalée. On termine l’album avec un triptyque toujours aussi saisissant. Pas de salut, pas d’au revoir.
Construire avec les décombres
L’invitation du groupe dans l’émission Côté Club de France Inter, le 23 avril 2025, a ancré ce nouvel album dans le paysage rock national : pendant près d’une heure, les quatre musiciens ont défendu un disque qu’ils décrivent comme « notre façon d’apprendre à vivre avec la faille ». J’ai été immédiatement séduit par cette formule. Si j’ai eu la main lourde pour décrire le travail du groupe autour d’un champ lexical fleuri de violence. Il y aussi une simplicité touchante dans leur rapport à la musique.
En définitive, l’album agit comme un électrochoc, semblable à celui procuré par Bad bad Bird il y a quelques semaines. Chaque titre ressemble à une fissure dans le bitume. S’il fallait nommer la compétence négative dont parle le groupe, ce serait peut-être celle-ci : convertir la rage intime en architecture sonore. C’est bâtir du sens avec l’éclat des débris. Rester à feu et à son.