La Face B a rencontré Benni à l’occasion de son passage aux Modzik Talents Live, entre douceur brute et éclats de sincérité. Autrice-compositrice-interprète au cœur à vif, Benni compose avec l’urgence de l’instant, là où les mélodies et les mots se répondent comme une évidence. Entre timidité assumée et désir ardent de partage, elle se confie sur son processus créatif, son rapport à la scène, et cette synesthésie qui colore chacune de ses chansons. Une rencontre touchante, lumineuse, où la fragilité devient force et la musique, un langage du cœur sans filtre.
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« ‘Lonely’ m’a demandé d’aller creuser au plus profond de moi. Ça m’a vraiment demandé beaucoup d’introspection, de courage d’écrire les mots et de ne pas les laisser dans l’estomac. » Benni
La Face B : Bonjour Benni, comment vas-tu ? Pour ceux qui te découvrent, parle-nous de toi et de ta musique !
Benni : Bonjour ! Je viens d’un petit village belge qui se situe près du Helsalm, en Wallonie. Je fais de l’indie folk. J’ai commencé très jeune, j’ai toujours chanté. D’abord le solfège, puis avec des comédies musicales. J’ai fait de la guitare classique pendant trois ans. Mais j’ai vite arrêté, ça m’embêtait. À ce moment-là, j’ai plutôt appris en autodidacte. J’ai beaucoup chanté dans les bars, plus jeune.
La Face B : On apprend en faisant. Est-ce qu’il y a un moment précis où tu as su que la musique serait ta voie ?
Benni : En fait, je pense que j’ai toujours su. J’ai toujours voulu, en tout cas. À 18 ans, je suis partie en Nouvelle-Zélande pendant un an. Là-bas, j’ai chanté dans la rue. Et quand je suis rentrée, j’ai dit : « Papa, Maman… En somme, je ferai de la musique, voilà, c’est comme ça. »
La Face B : J’ai voyagé plusieurs fois à travers la Nouvelle-Zélande !
Benni : C’est vrai ?
La Face B : Je trouve que ta musique donne envie de voyager. Ta voix a un côté évasion, voyageuse, un appel au voyage. Pourquoi avais-tu choisi la Nouvelle-Zélande ?
Benni : J’étais très timide, et je le suis toujours, et je me suis ensuite dit : qu’est-ce qui te ferait le plus peur dans la vie ? C’était de partir au bout du monde. Et quand j’ai regardé où était le bout du monde, c’était la Nouvelle-Zélande. Et puis voilà, quand j’ai vu les photos, forcément ça donne envie. Je suis une grande randonneuse, donc c’était un bon endroit pour moi.
La Face B : Les Kiwis sont super accueillants, rien qu’humainement c’est une belle expérience. Qu’est-ce qui a influencé ta musique et ton identité artistique ? Le folk est un genre hyper riche.
Benni : J’écoutais du folk depuis toujours. Mon papa, le cliché total : bûcheron dans les Ardennes, chapeau de cow-boy. Cliché total : on danse dans le pick-up, on écoutait du Dolly Parton, The Eagles. Je pense que ça a fortement influencé d’où je viens aussi. Il y a ma maison, une ferme, et puis les bois. Donc, c’est cool pour l’inspiration. Et puis il y a moi, ma personnalité, qui fait que j’ai accroché fort avec le folk.






La Face B : Et comment est-ce que tu as découvert ta voix ?
Benni : Je la découvre toujours. J’ai toujours chanté, j’ai toujours adoré ça. D’abord dans la chorale de mon village pendant dix ans. J’ai encore du chemin à faire, mais je commence à la trouver.
La Face B : Tout d’abord, parle-nous de ta musique, de tes influences principales.
Benni : Quand j’avais 12 ou 14 ans, il y avait une vidéo qui m’inspirait beaucoup. En fait, c’était une vidéo de Damien Rice qui chantait à Amsterdam dans un théâtre. Il était tout seul avec sa guitare. J’ai regardé cette chanson des heures et des heures. Ça me fascinait de voir quelqu’un avec juste une guitare, capable de transmettre autant d’émotions. Damien Rice a été pour moi une grande inspiration. Puis Phoebe Bridgers évidemment, le groupe Daughter, que j’ai beaucoup écouté. Enfin, Bon Iver, c’est pour moi le Graal.
La Face B : J’ai rencontré un trio folk, Vanessee Vulcane, et elles étaient absolument fans d’Adrienne Lenker.
Benni : J’ai découvert beaucoup plus tard.
La Face B : Aussi, raconte-nous ton parcours dans la musique. Comment est-ce que ça a commencé professionnellement ?
Benni : Je suis rentrée de Nouvelle-Zélande. J’ai fait une école, la SAE à Bruxelles, pendant un an, juste une formation. Avec le Covid, deux semaines après, j’étais en lockdown. Et puis, j’ai vu passer sur Facebook un appel pour le Concours Circuit. Je me suis inscrite et, avec ce concours, je suis allée jusqu’en finale au Botanique. J’ai eu pas mal de visibilité et de chouettes choses à la suite de ça. Ensuite, deuxième grosse opportunité : j’ai fait la première partie de Cœur de Pirate au Cirque Royal et là, j’ai ressenti une vraie reconnaissance. Chez moi, mes parents ont fait venir un bus avec tout le village. Ça a été en effet pour moi une deuxième grande étape.
La Face B : Quelles rencontres ont été de véritables tremplins pour passer à une autre étape dans ton début de carrière ?
Benni : J’ai d’abord rencontré Thomas Médard, le producteur de cet EP. Et puis, ma rencontre avec Julie. Récemment, j’ai deux amis flamands, Iskander Moon et Isaac Roux, qui font aussi de l’indie folk. Avec Isaac, j’ai d’ailleurs fait beaucoup de premières parties à l’Ancienne Belgique et dans d’autres salles assez chouettes. Avec Iskander, on compose ensemble.






La Face B : Parle-nous de ton processus créatif. Comment naissent tes compositions ?
Benni : Jusqu’à maintenant, ça a toujours été un peu dans un état d’urgence. En fait, quand je ne suis pas bien, il faut que je sorte quelque chose. En ce moment, je suis heureuse, donc c’est plus difficile de créer. Cet EP est de fait basé sur une relation amoureuse assez toxique. Ces chansons sont venues au fur et à mesure des étapes de cette relation. En somme, Je compose quand je ne vais pas bien. Généralement, ça vient assez rapidement. Je pense que si je ne compose pas la chanson entière dans l’heure ou les deux heures qui suivent, généralement je la jette. Sauf une chanson, Coma, pour laquelle j’ai mis plus de temps à composer, parce que je sentais le potentiel. Mais sinon, généralement, je dois écrire de manière condensée.
La Face B : Quand tu composes, tu commences par la musique ou les paroles ? Ou il n’y a pas vraiment d’ordre ?
Benni : Non, en général, j’appuie sur « record » sur mon téléphone et je commence avec la guitare ou le piano. Pour moi, la mélodie et les paroles doivent coïncider. Si ça ne fonctionne pas, j’arrête. Je jette la chanson. Tout le monde dit qu’il faut toujours aller jusqu’au bout… Peut-être que je devrais essayer, mais pour moi, ça doit être dans l’urgence. Mais, si ça ne vient pas, je stoppe.
La Face B : Beaucoup d’artistes m’ont parlé de voicenotes, de bouts de mélodies, de phrases qu’ils accumulent et retravaillent ensuite.
Benni : De mon côté, j’ai souvent un thème général, un sujet bien précis, et tout s’imbrique autour de ça. Par contre, je n’écris jamais sur ordinateur : c’est toujours guitare-voix ou piano-voix. C’est comme ça que je le ressens.
La Face B : Et justement, quel instrument a une place spéciale dans ton cœur ?
Benni : Ma guitare, parce que c’est le premier instrument que j’ai appris. Et le piano, que je pianote un peu — il m’aide beaucoup pour composer.
La Face B : Y a-t-il une chanson dont tu es particulièrement fière ?
Benni : Lonely, sans hésiter. C’est celle qui m’a demandé le plus d’aller puiser en moi. Il a fallu beaucoup d’introspection et de courage pour écrire ces mots, pour ne pas les laisser enfouis.
La Face B : Et ta toute première composition, elle parlait de quoi ?
Benni : J’avais 12 ans. Ça parlait du soleil et de la pluie.
La Face B : C’est marrant ! Rag’n’Bone Man aussi, sa première chanson était un devoir d’école sur les drogues.
Benni : La mienne disait que le soleil, c’était beau mais aussi mauvais.
La Face B : C’est beau de voir des enfants essayer de mettre des choses sur papier. Ma fille de 8 ans me laisse des notes, compose des trucs, elle y met tout son petit cœur. Toi qui étais timide, comment as-tu dépassé ça pour monter sur scène ?
Benni : Je ne pouvais pas garder ça pour moi. J’avais besoin de le partager. Au début, je n’y croyais pas du tout, mais alors vraiment zéro. Pourtant, je me suis dit : on a une seule vie. Peu importe que je sois bonne ou pas, c’est ce que j’ai envie de faire. Alors j’ai essayé, encore et encore.
La Face B : Quelle est ta relation avec ton public ? Tu préfères les échanges en vrai ou via les réseaux ?
Benni : Je ne suis pas fan des réseaux. Je le fais parce que c’est important aujourd’hui, mais je préfère mille fois les rencontres en vrai.
La Face B : Si tu pouvais collaborer avec n’importe quel artiste, tu choisirais qui ?
Benni : Bon Iver.
La Face B : J’ai beaucoup écouté Make Me Blind. Le clip est vraiment intéressant. Quelle est l’histoire derrière cette chanson ?
Benni : À la base, je pensais que c’était une simple chanson d’amour. J’étais dans une relation à ce moment-là. Mais je me suis rendu compte que c’était une chanson sur l’amour aveugle. Ce moment où tu ferais tout pour quelqu’un, même des choses absurdes. Ça peut devenir un peu dangereux, en fait.
La Face B : Et la direction artistique du clip ?
Benni : Je suis synesthète, je vois des couleurs partout.
La Face B : Comme Alfie Templeman !
Benni : Oui ! Pour moi, le 1 est blanc, le 2 est bleu, le 3 est orange, et ça ne change jamais. Je vois aussi des couleurs dans les notes de musique, les sentiments, les mots. C’est un karaoké de couleurs dans ma tête. On a essayé de retranscrire ça dans les clips. September 20 était plus bleu. Make Me Blind, c’était un rose saumoné, comme dans le feu d’artifice du clip. On a aussi utilisé un sparkler, qui représente cette idée d’éblouissement.
La Face B : C’est fascinant la manière dont le cerveau peut fonctionner.
Benni : Moi, je pensais que tout le monde avait ça ! C’est en entendant Billie Eilish en parler que j’ai compris que ce n’était pas le cas.









La Face B : Y a-t-il un livre, une chanson ou une œuvre qui t’a bouleversée, inspirée ou même mise en colère ?
Benni : Mon livre préféré, Passeuse de rêves de Lois Lowry. C’est l’histoire d’une petite entité qui navigue entre les rêves et les cauchemars. Ça me ressemble : parfois très positive, parfois très négative, mais toujours dans l’imaginaire. Même mes chansons sont souvent très imagées.
La Face B : Et une œuvre récente qui t’a fait réagir ?
Benni : Le dernier film sur Bob Dylan. Ça m’a vraiment marquée. Le film dit qu’il faut être soi-même, faire ce qu’on aime, peu importe les codes. C’est un mantra que j’essaie de garder en tête. Avant de monter sur scène, je me le répète : « C’est ton moment, fais ton truc, ne te compare pas. »
La Face B : Tu joues ce soir à L’Archipel dans le cadre des Modzik Talents Live. Quels sont tes projets à venir ?
Benni : Je joue aux Francofolies de Spa, aux Solidarités, au festival Esperanzah et au Midsommar à Louvain, qui est super chouette.
La Face B : Comment décrirais-tu tes concerts ?
Benni : Intimistes. Je suis seule sur scène avec mon piano, ma guitare acoustique et une baritone, une grande guitare électrique. En festival, je suis accompagnée d’un groupe, mais on essaie toujours de garder ce cocon intime.
La Face B : Tu as une anecdote de concert un peu surprenante ?
Benni : Pour le concert de Coeur de Pirate, mes parents sont venus en bus… avec tout mon village ! Même la télé locale était là. Il faut savoir que les gens de Vielsalm ne bougent pas beaucoup, mais là, tout le monde a fait le déplacement jusqu’à Bruxelles.
Ils avaient même des pancartes, mais ils ont dû les laisser à l’entrée. Ce que je retiens, c’est que d’habitude, en première partie, les gens viennent pour la tête d’affiche. Mais là, j’entendais mon nom crié dans la salle. C’était incroyable.
La Face B : C’est un exercice très particulier, la première partie.
Benni : Oui, et j’aime beaucoup ça. Il y a moins d’attente, moins de pression. Tu te jettes à l’eau, les gens accrochent ou pas, mais ça reste une super opportunité pour se faire découvrir.
La Face B : Merci pour cet échange, c’était un vrai plaisir !
Benni : Merci à toi, avec grand plaisir.
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