La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, on vous invite à découvrir la deuxième partie de notre 264ème sélection des clips de la semaine.

Melina – Mila Mou Normal (Katse Kala)
Après Kano Traka, la chanteuse et oudiste d’origine grecque Melina Vlachos partage sur les plateformes le clip de Mila Mou Normal, extrait de son premier EP.
L’artiste qui a grandi dans une famille qui lui a transmis des chants grecs traditionnels, s’inspire de cet héritage. Mila Mou Normal puise ses influences dans Mesa Stin Poli Vriskomai, un chant traditionnel de Smyrne. Melina reprend des airs entraînant et dansant pour parler d’amour. Sans filtre, cette chanson demande à un amant de parler « normalement », de s’éloigner des beaux discours et d’être sincère.
Pour mieux se faire comprendre, l’artiste n’hésite pas à chanter quelques phrases en français. Quant au clip, réalisé par Darius Vernhes, on y aperçoit Melina, face à nous, comme si elle s’adressait directement à nous. Melina nous invite à retrouver Mila Mou Normal dans son premier EP, Melina, qui sortira vendredi prochain.
Foxwarren – Deadhead
Ultime single issu du second album de Foxwarren, Deadhead est sorti cette semaine. C’est avec lui que l’on découvre l’intégralité de l’album intitulé sobrement : 2. Son clip, réalisé par Joe Cappa, a tout de l’expérience visuelle. Un Conan le barbare en plastique, peaux de bêtes et glaive à la ceinture, est accompagné par sa petite famille un rien terrifiante. Ils marchent à travers une forêt animée en stop motion ; ils dansent (ou ils convulsent – bien malin qui peut le dire). Ils perdent la tête.
Foxwarren, on le rappelle, c’est un quintet emmené par le singer-songwriter canadien Andy Shauf. Pour leur second long format, chaque membre du groupe a enregistré ses parties à domicile, avant de les déverser dans un drive depuis lequel Shauf a sélectionné, édité, découpé, et assemblé. Ce sont donc des chansons patchwork, qui, curieusement, n’ont pas le son de leur démarche.
Ici, Deadhead évoque à demi-mots une relation douloureuse qui trouve son oubli dans la danse d’un titre du reste plutôt léger. Il y a ambivalence dans l’image aussi : les poupées qui marchaient gaiement se défont de leur tête – plus littéralement qu’on peut le supposer. Il y a ici de quoi, à n’en pas douter, aiguiser la curiosité à propos d’un album qui n’en finissait plus de se promettre. Le voici désormais disponible.
Catastrophe – Sans contact
Le monde court-il à la catastrophe ? La question mérite de se poser mais, heureusement pour nous, il reste des choses qui agissent comme des gemmes, des protections face à l’indicible, des petites bribes qui nous permettent de réfléchir et de nous faire du bien.
La musique de Catastrophe a toujours jouer ce rôle et si elle se teinte désormais d’une noirceur propre à l’époque, c’est pour mieux la percer et laisser revenir une sorte de chaleur et de lumière qui ne demande qu’à exister à travers un collectif résiliant.
Sans contact est la preuve de ce combat intime et collectif. Nouvel extrait du troisième album de Catastrophe, le morceau parle du silence, des barrières qu’on se crée les uns avec les autres, ces relations qui se détériorent et qui brisent des amitiés, des familles et parfois des vies.
Toujours portée par une poésie du quotidien, la musique de Catastrophe raconte cette existence sans contact, ces opinions irréconciliables et cette société qui fait que désormais, tout est noir ou blanc et que le dialogue disparait pour laisser place à des opinions qui tranchent comme des lames de rasoirs.
Cette idée est parfaitement mise en image par Carol Teillard d’Eyry, membre du groupe, qui à travers la chorégraphie millimétrée de Philippe Mesia et Clément Gyselinck laisse exploser cette violence et ce gouffre qui se creuse pour devenir infranchissable.
On suit ces deux existences, si proches et pourtant si différentes, qui se divisent parfois le temps d’un split-screen parfaitement orchestré, avant de se retrouver pour laisser place à une confrontation où la danse remplace les mots et où les corps se confrontent et se mêlent avant de se séparer.
Avec Sans contact, Catastrophe observe et répare même sans le savoir. Un morceau qui porte les stigmates de l’époque moderne et tente de les réparer en moins des 4 minutes avec un piano, des cordes et des voix. Chez nous, le morceau a fait l’effet d’un pansement, on espère qu’il en sera de même pour vous.
Sarah Maison – Bonsoir
Le rejet blesse, et la cicatrice prend du temps à s’estomper. Surtout quand la douleur prend racine dès l’enfance. Sarah Maison s’empare de cette blessure dans son titre Bonsoir qu’elle met en avant par un clip réalisé Agathe Lartigue.
Il fallait un lieu pour tourner ce dernier. Un moment aussi. Sarah Maison a choisi le marathon de Paris, pour se tenir devant le musée de l’Immigration. Pour le marathon, plusieurs interprétations : le temps qui file ? L’indifférence des marathoniens trop concentrés sur leur course ou au contraire, les regards complices avec la chanteuse. Pour le musée, un écho au morceau.
Avec Bonsoir, l’artiste d’origine marocaine, revient sur son exclusion, dans la cour d’école : « trop ceci, et pas assez ça ». L’artiste confie sur les réseaux sociaux, sur cette balade intimiste : « J’y parle des effets du racisme, du rejet, des agressions sur nos corps, nos cœurs, nos esprits, quand la blessure s’installe et que l’on avance, malgré tout. Elle sort dans un contexte d’islamophobie, de racisme banalisé par nos dirigeants, en plein génocide du peuple palestinien. »
Avee Mana – Wired
Après deux EPs convaincants, les marseillais d’Avee Mana lance une nouvelle aventure cette semaine avec la sortie d’un double single Wired / Idiot Punk accompagné d’un clip pour la première citée.
Wired donc trace le sillon d’une pop tendance garage psyché, toute à la fois énergique et intense mais produite de telle manière que le morceau n’est jamais trop agressif. Le morceau joue sur le drôle d’écho qui existe entre le texte et la musique, offrant un rendu à la fois répétitif et haché, laissant la colère prendre le dessus ça et là et pointant du doigt une société de consommation où le travail est roi, la frustration présente à peu près partout, l’amour de soi au plus bas et où chaque journée finit fatalement par ressembler à celle qui a précédé. A-t-on vraiment envie d’être « cablé » à ce genre d’existence ? On en doute vraiment.
La caméra de Jade Garnier capte bien cette idée de « piège » et de monde aliénant. Alternant avec des extraits de live, on suit les quatre membres d’Avee Mana dans une sorte de routine qu’ils partagent tous et dont ils ne semblent pouvoir se libérer qu’à travers la musique.
On les regarde ainsi alterner leur présence à l’écran, vivant la même situation d’un air dépité, entre la résignation et le dégoût, et subissant plus que ne vivant une existence qu’ils n’ont définitivement pas choisi.
Un morceau et un clip doucement politique qui ouvre avec bonheur la collaboration d’Avee Mana avec Howlin Banana Records.
Ty Segall – Buildings
Hyperactif tendance garage-rock, Ty Segall était de retour ce vendredi avec un 16ème album, intitulé Possession, qui le voit explorer de nouveaux territoires et laisser plus de place dans sa musique au piano, cordes et cuivres.
La preuve avec Buildings, morceau mise en avant pour la sortie de l’album. Si le morceau laisse la part belle à une structure basse-batterie répétitive et obsédante, il laisse apparaitre ici et là, un piano un brin déglingué et des envolées de cordes qui collent à merveille au chant engagé et presque groovie de Segall. Un morceau étonnant qui prouve aussi la capacité du californien à se renouveler et à proposer une musique toute à la fois intrigante et plaisante.
Pour la vidéo c’est Matt Yoka, collaborateur et ami de longue date de Ty Segall, qui s’occupe de la réalisation. Entre trip lumineux et psychédélique et influences nocturnes proche du Collateral de Michael Mann, on suit le musicien dans une promenade de nuit.
Un roadtrip aux couleurs étranges qui le voit naviguer entre les buildings et explorer une ville qui semble bien différente lorsqu’on l’explore la nuit tombée.
À l’heure actuelle, Ty Segall n’a pas encore annoncé de tournée française mais on ne désespère pas de le retrouver prochainement dans nos salles.
Caroline – Coldplay cover
Cette entité à huit têtes venue d’Angleterre, signée chez Rough Trade, fonctionne comme une respiration collective, un organisme qui compose en apnée. La musique de Caroline musique ne se donne pas, elle se devine. Ils proposent cette semaine un nouveau clip pour leur titre Coldplay Cover.
Le clip, faussement épuré, capte la beauté de l’alchimie des corps. Cette beauté est d’autant plus grande lorsqu’elle s’illustre par la capacité de se mouvoir pour transmettre son message. Sans doute, il y a volonté d’explorer les émotions depuis l’intérieur de l’âme. Pas d’effets spectaculaires, juste une lente coulée d’intimité visuelle où la danse arrive à faire flotter les silhouettes. On aurait envie de les rejoindre sous la lumière bleue.
Leur processus de création passe par des sessions d’improvisation. De là naissent des morceaux qui n’en sont pas vraiment : plutôt des formes libres, des paysages inachevés où l’on perçoit l’écho de l’Appalachia, un soupçon d’emo, des fragments de musique savante dénudée de toute prétention.
Coldplay Cover avance à pas feutrés, s’étire, se replie sur lui-même. Il n’y a pas de refrain à scander, pas de climax qui déborde. Juste une tension infime, une vibration tenue, comme un fil qu’on ne voudrait pas rompre.
Avec cette nouvelle offrande, Caroline bricole une émotion vivante qui se glisse sous la peau et s’y installe, sans faire de bruit. C’est une musique de l’ombre portée, un art du tremblement maîtrisé. Et ce clip en est l’extension naturelle, comme un rêve dont on ne sait plus très bien si on l’a vécu ou inventé.
Durand Jones & The Indications – Lovers’ Holiday
C’est l’heure d’enfiler sa plus belle paire de lunettes de soleil, des claquettes et une tenue décontractée. C’est la tenue la plus indiquée pour découvrir le nouveau titre de Durand Jones & The Inspirations, issu de leur nouvel album à venir : Flowers.
Lovers’ Holiday, puisque c’est son nom, nous emmène au soleil lézarder par un chaude fin de journée d’été, profiter de son groove sans forcer. On s’imagine au bord d’une piscine, boisson fraîche à la main, en solo, pour profiter d’un moment de calme. Car oui, même si le titre s’appelle Lovers’ Holiday, on n’a pas de mal à savourer sans personne autour.
Côté images, les plans de vacances en lo-fi s’enchaînent, faisant penser aux films de vacances de nos parents même s’ils avaient évidemment moins de drones et de caméras HD pour les tourner. Mais bon, on l’oublie vite étant donné la qualité du titre !
Vendou – Emmène-moi
Après un long silence, Vendou revient avec Emmène-moi, premier extrait d’un EP attendu pour 2026. Plus confiant, mais toujours fidèle à sa douceur, il explore les souvenirs d’un amour érodé par le temps, dans une ballade où l’indie, la pop et le rock se répondent avec subtilité.
« Le rideau tombe / comme les pétales des roses » : avec ses mots simples, Vendou effleure la nostalgie, porté par une production chaleureuse et intime. Le clip réalisé par Cédric Demers prolonge cette sensation de flottement, dans un décor suspendu où objets et sentiments dérivent loin du réel. La direction artistique d’Amy Demers et l’œil d’Alexandre Normand offrent une esthétique délicate, en parfaite résonance avec le morceau.
Avec Emmène-moi, Vendou signe une mue discrète mais marquante, prêt à ouvrir un nouveau chapitre où les genres s’effacent pour mieux laisser parler l’émotion.
Duo Ruut feat. EiK – Enne ööd
Pause dans le temps, on s’arrête quelque part dans une maison déserte au beau milieu des champs. Le chant des oiseaux nous a mené sur la piste du dernier single du groupe estonien Duo Ruut, composé de deux jeunes femmes Ann-Lisett Rebane et Katariina Kivi, accompagné de EiK. Même si on a beau ne pas parler estonien, écouter les voix de Duo Ruut nous entraîne dans un monde parallèle orné de coton. Une expérience introspective nous est offerte avec ce titre, Enne ööd, qui signifie « avant la nuit » (on vous a peut-être menti, on parle parfaitement estonien).
Les images de Enne ööd accompagnent à merveille le morceau. Le sentiment de découverte, d’émerveillement, leurs regards qui se perdent, l’attente … La mélodie est lente et s’élève avec les chœurs. EiK apporte le contraste, de sa voix grave, le rythme s’accélère avec les flammes. Quelque chose s’agite, à l’intérieur. Bientôt ce sera la nuit. Enne ööd est une fenêtre, un espace de liberté, un cri du cœur qui jaillit dans la nature paisible, et en nous. À l’écart du monde, il y a quelque chose de profondément humain dans ce projet.