Xavier Polycarpe a eu de nombreuses vies avant de se lancer en solo en 2023. Avec ses groupes Gush et Macadam Crocodile, il a navigué entre différents styles et affiné sa plume. Dans son deuxième EP Instant, sorti en avril, l’artiste – qui nous partageait récemment sa playlist commentée – continue son exploration de la thématique du temps, amorcée avec l’EP Minute. À l’occasion de sa Release Party au Centre Culturel à Paris, on a mis sur pause le rythme soutenu des concerts pour plonger en profondeur dans ce nouveau disque, pensé comme une collection d’instants de vie.

La Face B : Ton EP « Instant » capture des moments de vie, comme des instantanés, des polaroïds. Comment as-tu sélectionné ces instants, parmi l’infinité de possibilités qui s’offraient à toi ?
Xavier Polycarpe : Je ne les ai pas vraiment sélectionnés en me disant que ça allait être le concept. Mais une fois que les chansons étaient enregistrées, j’ai trouvé une forme de fil rouge et le concept des « instants » est apparu de cette manière-là. J’aime bien puiser dans les chansons que j’ai déjà et réfléchir après aux traits que je peux tirer entre les morceaux.
La Face B : Si les différentes chansons de l’EP étaient des photos, à quoi ressembleraient-elles ?
Xavier Polycarpe : Deux ailes à Ella, ce serait une photo de ma fille et moi avec un coucher de soleil sur une longue plage. Une photo qui évoque de la nostalgie, de la beauté et de l’amour. Laisse couler et Broken Cliff parlent toutes les deux d’une séparation, donc ce serait certainement une photo de moi assis au bord d’une falaise en train de regarder un coucher de soleil. Il y a toujours le soleil qui traîne quelque part (rires).
La Face B : Puisque tu parles de Broken Cliff justement, est-ce que tu avais un lieu en tête en écrivant la chanson ? J’ai trouvé l’image très belle et j’ai voulu essayer de me la représenter.
Xavier Polycarpe : Je n’avais pas un lieu précis en tête mais j’imaginais un endroit tranquille, beau, en pleine nature, harmonieux. Et on a d’ailleurs tourné des images pour un clip, qu’on sortira certainement en automne. C’était de belles falaises brisées, en Normandie, pas loin d’Étretat.

La Face B : C’est la première fois, sur cet EP que je t’entends chanter en Français. Que ce soit dans ton projet perso ou dans tes groupes.
Xavier Polycarpe : Avec Macadam Crocodile et Gush, on a toujours chanté en Anglais. Mais avant ça, j’avais un groupe où j’écrivais en Français. Et j’ai toujours chanté en Français pour le plaisir. Mais c’est bien la première fois que je sors des titres en Français !
La Face B : Comment t’es venue cette envie pour cet EP en particulier ? Est-ce qu’il y avait des choses que tu avais envie de raconter en Français ?
Xavier Polycarpe : Oui, c’est venu avec les chansons. Par exemple la chanson que j’ai écrite pour ma fille, je trouvais ça chouette qu’elle puisse l’entendre et la comprendre. Et les mots me sont venus en Français, de manière assez directe. Et puis deux autres chansons en Français en ont découlé. Ça faisait un moment que je n’avais pas écrit en Français donc il a fallu réveiller quelques petit « tricks » dans l’écriture. En tout cas j’aime le fait d’avoir les deux langues et je continuerai de chanter en Anglais.
La Face B : J’aimerais parler de la chanson Life on Blue, qui aborde la crise environnementale. Dans les thèmes, on ne fait pas beaucoup plus anxiogène, et pourtant c’est une chanson hyper joyeuse, dansante. Comment on passe d’un constat alarmant à une chanson qui donne la pêche ?
Xavier Polycarpe : C’est vrai que c’est un peu contre-intuitif. J’avais écrit cette chanson pour un documentaire de Cyril Dion, « Animal », qui est sorti en 2021. Donc la thématique est venue de là. Et je crois vraiment qu’on peut transcender des choses difficiles par la joie. C’est le cas dans le gospel, par exemple. D’ailleurs, dans Life on Blue, j’ai eu envie de faire chanter un chœur d’enfants. Après, ce morceau, ce n’est pas une manière de donner des leçons d’écologie ou quoi que ce soit. C’est juste un rappel très simple qu’on est des humains qui sommes dépendants de la terre, et pas l’inverse. Et qu’il ne faut jamais l’oublier.

La Face B : Tu t’es lancé en solo il y a deux ans. Avec tes groupes précédents tu avais déjà touché à des sonorités diverses : Pop, Rock, Funk… J’ai donc l’impression que tu pouvais te permettre de partir dans des directions assez différentes avec ton projet solo. Comment tu as décidé de la direction à prendre ? Tu y as réfléchi ou ça s’est imposé à toi ?
Xavier Polycarpe : En fait, avec Macadam Crocodile on avait une esthétique plutôt instrumentale, voire un peu électro. Donc en parallèle, j’ai amassé pas mal de mémo vocaux, d’idées de chansons. Et quand je me suis mis à travailler sur mon projet, naturellement c’est vers ce terreau que je me suis tourné. Et j’ai eu envie de faire quelque chose d’un peu plus organique avec ce projet.
La Face B : Ça s’entend, et en même temps ça ne t’empêche pas d’avoir un EP éclectique, avec une grande richesse dans les arrangements. Par exemple, je me suis laissée surprendre par l’autotune dans Broken Cliff, qui fonctionne très bien mais auquel on ne s’attend pas.
Xavier Polycarpe : C’est vrai que j’ai envie d’expérimenter, de tester des choses hyper différentes. Des fois ça va très loin et c’est super. Parfois, tu reviens un peu sur tes pas pour assurer une homogénéité d’ensemble. C’était le cas avec l’autotune dans Broken Cliff, on a fini par en enlever un peu. En tout cas j’ai vraiment envie de continuer à expérimenter plein de choses.
La Face B : Est-ce que cette expérimentation pourrait passer par des collaborations ?
Xavier Polycarpe : Oui, j’ai déjà une liste de gens avec qui j’aimerais collaborer ! C’est quelque chose que j’ai toujours aimé faire. Avec Gush, on avait collaboré avec Izia et Johnny. Avec Macadam Crocodile, Mezerg. Et en solo j’ai fait un duo avec Aurélie Saada. Je bosse aussi sur un titre avec Dombrance et avec Montmartre. Globalement, j’adore jouer avec d’autres, chanter à plusieurs.

La Face B : Dans les EP Minute et Instant, tu explores le thème du temps. Est-ce que tu as l’impression d’arriver à te connecter au présent ? Ou est-ce que tu as tendance à vivre dans le futur et/ou le passé ?
Xavier Polycarpe : J’essaye au maximum de vivre dans l’instant, mais c’est difficile. J’y pense beaucoup en tout cas. Je trouve que la musique live, comme le sport par exemple, permet de vivre dans l’instant. Quand tu fais un concert, tu es avec les gens et tu ne peux pas te permettre de te perdre dans tes pensées trop longtemps. Mais c’est sûr que c’est un combat. J’ai la sensation que les réseaux sociaux rendent très difficile le fait de rester connecté au moment.
La Face B : Je m’étais demandée justement si ton dernier EP n’était pas un moyen de te réapproprier l’instant présent. Dans la mesure où tu te replonges dans un instant fugace, qui a peut-être duré une seconde et que tu l’étires pour en faire un morceau de plusieurs minutes, qui existera pour toujours.
Xavier Polycarpe : Oui, on peut aussi le voir comme ça, complètement. Selon les morceaux, il n’y pas forcément un moment précis qui me vienne en tête, mais j’aime bien cette idée d’étirer un instant. Si tu l’habites vraiment, il peut durer une éternité. Ça permet de se reconnecter à nos émotions, qu’on met souvent de côté quand on est pris dans le quotidien.
La Face B : Puisqu’on parle de temps et de musique : quel est ton rapport à tes prédécesseurs ? On retrouve dans ton projet solo pas mal d’influences du passé, notamment des années 70-80.
Xavier Polycarpe : Ce sont forcément des influences, mais je dirais que l’idée c’est de s’inspirer, de digérer puis de créer quelque chose de personnel. Dans le cas d’Instant, j’ai utilisé des instruments assez classiques, mais j’ai voulu délivrer une vibe personnelle. Dans la manière de chanter, mais aussi dans la prod. Même si tu peux ressentir des influences.
Parfois, les gens me disent que tel élément d’une chanson leur a fait penser à tel artiste ou tel morceau, et je comprends, mais ce n’est jamais fait de manière consciente !
La Face B : La danse me paraît être un élément récurrent dans ton projet. Que ce soit dans tes clips, sur la pochette de tes EP, sur scène. Est-ce quelque chose que tu as appris ? Et y a-t-il des situations dans lesquelles tu ne peux pas t’empêcher de danser ?
Xavier Polycarpe : Je n’ai jamais pris de cours mais j’adore danser, être en mouvement. Il y a des sons qui appellent vraiment à ça. Si ma fille vient me voir pour danser, c’est sûr que j’arrête immédiatement ce que je fais et que je vais danser avec elle.
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et en concert le 9 août à Ramatuelle, le 15 à Lorgues, le 20 septembre à Bordeaux et le 27 à Aubenas