La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Pour accompagner ce premier dimanche de juillet, on vous invite tout de suite à découvrir notre 269ème sélection des clips de la semaine.

Xavier Polycarpe – She Cut a Rug
Dans son EP Instant sorti le 18 avril Xavier Polycarpe continue son exploration de la thématique du temps, amorcée avec Minute. C’est le cas du titre She Cut a Rug, qui se dote cette semaine d’un clip signé Mathis Sananes.
« To cut a rug » – littéralement, « couper un tapis » – signifie chez nos amis anglo-saxons : danser énergiquement (si fort qu’on risque de laisser des trous dans la moquette). Ça tombe bien, c’est précisément ce que nous donne envie de faire ce morceau aux accents « beatlesiens », dès les premières notes. Derrière l’histoire d’une femme qui, après des journées à travailler sans relâche, fait retomber la pression en dansant de toutes ses forces, Xavier Polycarpe appelle à la décompression et au lâcher-prise. Pas étonnant quand on connaît l’amour qu’il a pour la danse – dont il nous parlait dans cette interview.
Dans un clip à l’esthétique vintage, Xavier Polycarpe prête sa voix à l’artiste Reni Lane et se met dans la peau de cette femme vivant à 100 à l’heure. À bout de souffle sur son tapis de course qui n’en finit pas d’accélérer, elle s’abandonne à la musique et ça fait un bien fou.
Qu’il s’agisse de risque climatique (Life on Blue) ou d’épuisement au travail, Xavier Polycarpe a le talent de faire passer des messages importants sur un air enjoué et de nous entraîner dans sa danse cathartique. Avec ce clip drôle et décalé, il montre l’absurdité d’une vie passée derrière un bureau et la nécessité de reprendre le contrôle en se laissant aller.
The Big Idea – Tangerine’s Tango
Le sextet originaire de “la plus belle ville de France” selon leurs dires – La Rochelle – avait clairement manqué au paysage rock depuis l’immense Tales Of Crematie début 2024, opus qui nous avait valu de les voir pas moins de quatre fois en concert la même année. Ces concerts, soit dit en passant, restent sensiblement gravés tant par leur puissance et leur résonance burlesque que par le génie qui imprègne ces musiciens. Oui, ce sont véritablement de grands esprits qui se rencontrent et on défie quiconque d’affirmer le contraire.
L’amitié constitue l’essence de The Big Idea pour qui tout se partage. Les instruments s’échangent comme les voix s’alternent. Tout paraît si simple en les voyant manier chaque outil en parfaite communion avec cette folie grandiloquente qui les habite lorsqu’ils jouent. On pourrait en écrire des tartines toutes plus élogieuses les unes que les autres, vous parler aussi du premier album qui a tant fait crépiter notre enthousiasme mais on est là pour vous présenter le nouveau clip, alors allons-y.
Déjà, The Big Idea a rejoint le roster aux petits oignons de Howlin Banana Records qui commence à frôler la perfection. Voilà une nouvelle qu’elle est réjouissante ! Puis, Tangerine’s Tango marque le début d’un nouveau tome. C’est dans le krautrock et le free jazz que The Big Idea s’alimente avec ce premier titre tout en gardant la réminiscence de son âme électrique.
Dans ces images signées Matéo Aillet, une cheffe d’orchestre orchestre seule le Tangerine’s Tango. Debout devant des chaises vides, on se retrouve face à l’absurdité de l’action. Où sont les musiciens ? La passion semble nourrir l’être, menant assurément à cette fièvre intense qui engage la femme à saisir son saxophone pour se déchaîner. Plus rien n’existe alors. Seule la fusion entre elle et son instrument illumine l’image dont le fond est vêtu de noir. Enfin, une fois la folie dissipée vient le retour à la vie normale.
The Big Idea s’est concocté une belle tournée à travers la France et surtout, on espère que les six compères créeront à nouveau l’émoi auquel on s’attend quand on écoute ou qu’on voit les Rochelais. Ils sont fascinants, attendez-vous à être fascinés !
Blondino – Péril en ma demeure
Blondino nous offre cette semaine un clip poétique et vaporeux pour accompagner Péril en ma demeure, le 3e extrait de son album Hauteurs.
L’évidence nous invite à voir Péril en ma demeure comme l’histoire d’une rupture, d’un départ, de la perte d’un être cher, d’un équilibre, de ses repères. « Péril en ma demeure, si tu t’en vas je meurs Oubliée, la douceur Venue, la peine au cœur ». Un texte vibrant, entier et passionné qui exprime aussi une volonté féroce de s’accrocher à la joie et à la vie. « Ma joie veut rendre l’âme Usée jusqu’à la trame Je m’y accroche, des larmes Lourdes, Courent sur mon visage ».
Mais avec ce clip, réalisé par le fidèle Romain Winkler, Blondino nous en offre une autre lecture. On plonge dans un univers énigmatique empreint de noirceur, où rêve et réalité se mélangent. Une menace plane sur Blondino. Cette menace, c’est celle de l’intelligence artificielle qui peu à peu la remplace. Le morceau prend alors une autre dimension, profondément actuelle et engagée, en venant questionner la place exponentielle que prend l’intelligence artificielle dans notre société, singulièrement pour les artistes. Bref, un clip comme on les aime, intelligent, qui combine esthétique de l’image et force du message.
Pamplemousse – More Beautiful Than Madonna
Pamplemousse, duo noise rock originaire de l’Île de La Réunion, a posé ses bagages en métropole en 2024, ramenant le soleil en Lorraine. Après avoir consolidé et fait évoluer leur musique au cours des trois précédents albums et se déclinant en duo depuis 2021, Sarah à la batterie et Nico à la guitare proposent à nouveau un son abrasif qui n’a d’égal que leur amour pour le DIY. Officiant toujours pour le label À Tant Rêver Du Roi, ils clippent More Beautiful Than Madonna, réalisé par les doigts de fée de Sarah dont l’humilité n’éclipse en rien le talent. Ce titre est extrait de leur nouvelle bombe, Porcelain, prévue pour le 26 septembre prochain.
Madonna est l’artiste qui a popularisé le “voguing” avec Vogue, cette danse qui consiste à reprendre les expressions et postures des mannequins lors des défilés. L’intitulé du morceau aura sans aucun doute inspiré le clip, dont les images et clichés sont en négatif, opposant la chaleur d’un rouge intense et la fraîcheur d’un bleu océan. Une nageuse se prête au jeu des podiums, enchaînant les poses sur le son furieux et généreux de Pamplemousse. C’est ce choc thermique très prégnant qui permet à la musique du duo d’exploser, à l’issue d’une tension constante qui occupe l’espace et qui permet à Sarah et Nico de reprendre leur juste et digne place sur la scène noise rock.
Le montage, quant à lui, participe activement à accentuer l’intensité générée. Puis, la nageuse se transforme en nageuses qui elles-mêmes transforment le voguing en natation synchronisée. Le voguing n’est-il que la manifestation de cette discipline sportive sur terre ? Vous avez 2h.
Quoiqu’il en soit, More Beautiful Than Madonna vient assurément pimenter cet été et titiller nos oreilles pour mieux patienter jusqu’en septembre. En attendant, on se repassera le clip en boucle puisque, soyons honnêtes, il est pétri de créativité.
Majeur Mineur feat. Kyana – Jtm?
Ne vous y trompez pas, 73 départements ont bien été placé en vigilance orange canicule. Il fait chaud ! On dévale les marches deux par deux pour se rendre de toute urgence à la supérette la plus proche. On se croirait presque au Brésil, pour la chaleur peut-être, mais surtout pour la musique ! Le volume à fond et afin de se donner du courage, sur une prod funky disco house, on écoute en boucle Jtm?, le dernier single de Majeur Mineur et Kyana. Excusez-moi, où sont les boissons ?
Réalisé par Fragment440, le clip de Jtm? joue avec les codes de l’image. À la télévision, dans les magasines, jusqu’au devant d’une étiquette de canette, Kyana est partout. On plonge dans le frigo, pourquoi pas ! Hypnotisante, la jeune artiste est accompagnée du producteur et dj français Majeur Mineur, ils deviennent même les protagonistes d’une publicité un peu rétro. En grosses lettres, les mots s’impriment dans notre tête pour ne plus jamais en sortir. C’est coloré, joyeux et super rythmé. Les images sont découpées puis réagencées pour suivre la cadence, et les plans bien travaillés. Il y a beaucoup de belles idées dans ce projet.
Alors, en espérant aussi y trouver de quoi se désaltérer, on vous donne rendez-vous au supermarché ! Leur énergie est contagieuse. Le sourire aux lèvres et à l’affirmative, on danse déjà sur Jtm?.
Nilüfer Yanya – Kneel
Kneel attrape ce tableau fragile où l’attachement devient poids et silence. Nilüfer Yanya ne force rien, elle laisse le vide parler. Sa voix glisse, parfois cassante, sur une mélodie sombre, presque hypnotique. C’est une tension sourde, une fatigue contenue, ce poids invisible qui tire sans briser.
L’enchaînement mélodique est dépouillé, chaque note est précise, comme un souffle qui vacille. Nous sommes dans cet entre-deux, cet espace où rester veut dire souffrir et où partir semble impossible. Pas de grandes déclarations, juste la lourdeur d’un lien qui s’effiloche, une lutte muette que personne ne gagne.
Ce qui frappe, c’est cette dualité : la force tranquille de résister sans lutter ouvertement, la beauté d’une faiblesse assumée. Ce titre saisit avec une honnêteté crue l’usure lente qui ronge les liens. C’est un miroir tendu à ceux d’entre nous qui savent que certains attachements ne se brisent jamais vraiment, même quand ils deviennent un fardeau.
Dans la douceur froide de Dancing Shoes, le nouvel EP de la musicienne sorti vendredi dernier, ce morceau s’impose comme un arrêt sur image. Une vérité nue où la douleur et la résilience s’entremêlent.
Loa Mercury – UN HOMME ET UNE FEMME
Le premier rendez-vous que nous avons eu avec Loa Mercury remonte déjà à plusieurs mois, un soir d’automne pluvieux où nous nous sommes engouffrés entre les murs du cabaret La Bouche (Soa de Muse, Billi Bellegarde, Mascare et Grand Soir). Là, nous avions découvert son univers brut, beau et bouleversant. Loa, seule avec son piano, nous racontait les errements d’une artiste qui sublime l’androgynie et la non-binarité. Une chanteuse courageuse, posée face à son clavier, capable de faire pleurer en un instant une salle entière, fascinée par sa présence magnétique.
C’est ce soir-là que nous avions entendu pour la première fois cette poignante réécriture du titre de Calogéro et Zazie, UN HOMME ET UNE FEMME. Loa l’effleurait au piano, du bout des doigts dans une atmosphère de cabaret burlesque presque lynchéenne, clouant le public dans un silence admiratif. C’est donc avec un plaisir certain que nous la retrouvons aujourd’hui, quelques mois plus tard, pour donner une empreinte visuelle et sonore à cette reprise. Une chanson quasi énigmatique, portée par un chœur délicat et une production épurée, qui lui confèrent toute sa puissance.
Dans ce clip réalisé par Yann Weber, Loa apparaît comme une diva veloutée au milieu d’un décor urbain de béton et de braises. Seule à son piano ou lovée dans de larges fauteuils de cuir, dans une ambiance qui évoque le Silencio, elle offre une dernière chanson comme une fin du monde, sans doute une référence au feu et au chaos qui nous entourent, et une lueur pour un avenir encore trop sombre pour les personnes LGBTQIA+.
Avec ce titre, Loa renforce la représentation de la transidentité en musique, encore trop rare sur la scène française. Et au-delà du geste politique, Loa rappelle surtout que l’amour, sous toutes ses formes, reste notre plus belle arme pour tout réinventer : « Un peu d’amour dégenré, un peu d’amour sans déranger, un peu d’amour à créer. »
Monitors – Danse macabre
(par Léa)
2025 sera l’année de l’album pour les Monitors. Après 2 EP studio – Notes from the aftermath et The War Office – et 1 EP live, le quatuor franchit le cap. Le mois d’octobre verra donc arriver un opus de 10 titres : The Madelain Affair qui réserve quelques surprises en matière de collaborations : Caesaria et Abel Chéret font partie du casting. En attendant le groupe nous fait patienter avec un premier single intitulé Danse macabre. Détrompez-vous, le titre est en français mais c’est bien en anglais que ça se passe.
Un morceau qui ne manque pas d’originalité dans ses sonorités presque traditionnelles. Exit le post-punk froid ou synthétique, on est dans une approche beaucoup plus folklorique avec sa cadence entrainante. Danse macabre puise son inspiration dans le Moyen-Âge où les morts et les vivants de toutes les classes sociales se retrouvaient dans une sarabande.
Pour illustrer ce morceau à l’énergie contagieuse, les Monitors – dans une réalisation de Sarah Zaher et Emil Balic – choisissent le noir et blanc et l’humour. La grande faucheuse se retrouve chez sa victime présumée ; une grand-mère bosniaque. Le sens de l’accueil de cette dernière semble décontenancer son hôte qui se voit contrainte de la jouer « autrement ». Un morceau qui invite à se tenir debout et bien vivant.
(par Camille)
Après près de quatre ans d’absence le groupe d’electropunk minimaliste Monitors annonce leur retour. Avec en guise de preuve, la sortie d’un nouveau clip, que réalise l’un des membres Emil Balic avec Sarah Zaher : Danse macabre. Quoi de mieux que d’annonce sa renaissance avec la mort de La mort ? À travers ce clip, on assiste au kidnapping de cette dernière par une grand-mère qu’on devine plus inoffensif que la poupée et que la chaîne d’information en continu qu’elle regarde en boucle. On retrouve tous les éléments qui caractérisent : une passion assumée pour le cinéma en noir et blanc, les riffs de guitare puissants et la manière de chanter entre un crooner et un rocker anglo-saxon. La plus-value de cette Danse macabre, en dehors d’annoncer d’autres titres à venir ? Le jeu de cordes hyper sexy et catchy dès le début qui rappelle le post-punk post-soviétique et des influences de Soviet Suprem.
Gabriel Gosse feat. Philippe Katerine – Miroirs
Vêtue de mon peignoir rose préféré (délavé certes, mais tout de même préféré), je me surprends à faire de drôles de grimaces devant mon miroir, tout en sautillant à cloche-pied. Mais qu’est-ce qu’il nous arrive ce matin ? Trop de café peut-être ? Mais non voyons, je sais ! Nous avons, avec bonheur, découvert le dernier single de Gabriel Gosse réalisé avec Philippe Katerine, Miroirs. Voilà un morceau pop au profil parfois rock, qui donne assurément le sourire.
Le clip est absolument génial. Si nous connaissions déjà l’univers loufoque de Philippe Katerine, c’est un plaisir d’écouter Gabriel Gosse, guitariste français, qui s’avance ici sur le devant de la scène à la voix. Son texte est drôle et poétique, et ce duo, alors les yeux dans les yeux, fonctionne à merveille. Miroirs est une fenêtre qui s’ouvre au cœur d’une prairie, un bonbon rose sur fond de pelouse verte flamboyante. Les jeux de miroirs sont nombreux, évidemment. Leurs images se dédoublent, se multiplient, se reflètent dans le ciel jusqu’à nous faire perdre la boussole.
Si le refrain est entêtant, on souligne le passage plus rock à la fin du morceau. Qu’est-ce qu’on aimerait les apercevoir de bon matin, perdus au beau milieu du jardin (ou d’un parc), guitares à la main !